Mode sombre

 

La fusée GPL de Krackers darde fièrement sous les derniers rayons du soleil.
Ce soir nous partons dans la galaxie des mondes alternatifs visiter l’atelier de l’étoile.
Pavel Ivry le mutant des inénarrables Judas Donneger y jouera de ces onze doigts opposables (1,2,3,4, « 5 » et 10, 9 ,8 ,7, « 6 » 6+5 = 11) sur sa guitare à six cordes de samouraï.

Tout a commencé hier, quand malgré ma timidité, j’ai eu le courage d’aborder Laura. Sa chanson en Khmer m’a donné envie de lui faire découvrir Tiger Phone Card de Dengue Fever... Quand on est passionné on ne peux pas s’empêcher de partager ses découvertes. Et aussi Daniel Johnston car quand quelqu’un commence à se libérer d’un carcan il est tentant d’exercer une influence, pourtant je ne l’ai pas fait. Avec l’age on apprend aussi à avoir confiance en chacun. Si elle poursuit plus loin dans la contre-culture elle ne le devra qu’à son propre mérite. Malgré que j’ai l’occasion de la voir très fréquemment sur son lieu de travail, je n’avais pas encore oser lui dire merci pour sa démarche singulière. Et ça c’était important de le faire. Après c’est possible qu’il ait été difficile de deviner que ma remarque sur « l’intérêt de découvrir d’autres cultures à travers leur langage » était une façon alambiquée de dire que l’ouverture d’esprit dans le monde d’aujourd’hui c’est une sacrée aventure ! Mais le message est passé : il y aura toujours des rêveurs. En tout cas si je n’écrivais pas dans Libres Commères je ne me serais pas risqué à passer cette muraille pour l’encourager. Et ça c’est de la transformation palpable.

La route qui défile déjà sous nos yeux, c’est celle de l’expérimentation... musicale. Dès qu’une personne décide de refuser les frontières cela me réjouis car elles n’existent qu’en raison du consensus de ceux qui croient que la musique ne se résume qu’à des marchandises frelatées ou aux œuvres sacrées par les institutions. Alors que celle du D.I.Y (2) qui sort de nos tripes est infinie. Une onde sonore sans commencement ni fin.

L’étape suivante c’était ce matin avec l’album Folklore des Cellules d’Héraclès Fauqueque, je le mentionne à l’attention particulière de Christophe Martin, qui, si j’en crois son article semble vouer une affection particulière à tout ce qui sonne avec « The Residents » touch, c’est-à-dire le point Godwin des musiques obscures. Après avoir assisté à plusieurs concerts en squat, à l’atelier et un au Blast ! Frustration festival de Nancy, je me suis rendu compte que ce qui intéresse le public des lieux alternatifs, quelque soient les qualités d’intensité, de techniques ou de formes, ce qui fait vraiment la différence, quand le public est vraiment touché, c’est quand l’être qui vient se manifester est pleinement dans son délire ! Peu importe ce que c’est, tant que c’est vraiment l’émanation la plus authentique de son être. Et quand j’écoute cet album je retrouve ce contact sincère que j’appelle être hors norme... en définitive être soi. Alors venez à l’atelier comme vous êtes ! façon slogan Malbouffe ? Nada, ça ce n‘est que de la récupération, si tu percutes pas, c’est qu’il te manque le diplôme « Decoder 1984 » dans tes bagages. Retournons au voyage.

Ainsi ce voyage n’aurait pas eu la même saveur si je n’avais pas eu la possibilité de t’inviter avec nous. La voiture immatriculée « Outatime » CA 86 est priée de se déplacer. Je lance un dernier avertissement sur FakeBook : « si quelqu’un veut profiter du trajet, il reste de la place dans la fusée. » Puis Krackers lance le compte à calembours.

C’est là que tu arrives. Alors installe toi bien confortablement au fond de ton siège, attache ta ceinture de chasteté, on va décoller. Moins d’une heure pour franchir la soixantaine d’années-lumière qui nous séparent de la planète B !

Un fusée traverse l’espace narratif.

Enfin presqu’au bout de la rue de Drôle, juste après une moche caserne de Vigistormpiratroopers, un parking très pratique nous attend. Krackers manœuvre tant bien que mal pour y caser sa fusée entre les autres véhicules.

Dehors en marchant, il me demande un peu gêné combien il faut donner. Maintenant c’est différent pourtant pour moi aussi les premières fois n’ont pas été plus simples. Ce n’est guère surprenant, sur notre planète natale personne ne nous fait confiance. Alors face a cette responsabilité nous essayons naturellement de bien faire. Il n’y a pas de solution miracle. Alors je lui rappelle qu’en plus de l’adhésion à l’association, l’entrée est à prix libre. J’ai le chic pour complexifier les choses donc je précise qu’à prix libre porte l’idée que chacun donne selon ses moyens. Cependant je trouve que ça induit trop l’idée de payer, du coup je préfère participation libre qui porte l’idée de donner pour soutenir. C’est une subtilité pourtant c’est une foule de détails qui forme un tableau d’ensemble ? Après cela m’arrive même quand j’ai des créations physiques, cd, k7, fanzine de donner ce que je créé, c’est la meilleure réponse que j’ai trouvé.

Krackers ne semble pas complètement convaincu, en tout cas c’est le principe de la chaussette de nous inciter à être responsable de nos choix. Si tu te sens interpellé, je peux te rassurer si tu n’as rien dans les poches derrière ton écran, c’est un plaisir pour nous de faire les guides pour noctambules virtuels. Si le voyage te plaît, rien ne t’empêche d’aller télécharger un album de Pavel en remerciement voir même de partager cet article ou encore qui sait ? Peut-être que tu vas finir par oser écrire dans Libres Commères ?

Au 15 de cette rue, on rentre sous un porche, puis on arrive au fond d’une cour, devant la devanture de l’atelier de l’étoile que l’on pourrait facilement confondre avec l’entrée banal d’un hangar.
Derrière la porte, on retrouve Estelle et Sébastien les sympathiques animateurs de l’atelier et Pavel.
Ma mémoire est loin d’être infaillible, mais je crois que Sébastien à ouvert les portes de son atelier en 2009. A l’époque c’était sans doute des concerts, hélas depuis que la législation essaie d’empêcher les espaces non marchant d’exister, l’atelier n’accueille plus que des action sonores.

Attention, nous ne sommes pas dans un prospectus publicitaire, au contraire l’idée de t’inviter à découvrir ce lieu est de partager les bons et les mauvais cotés, qui sont présents comme partout. Même s’il faut vraiment bien les chercher. Exemple de la même façon que dans les squats, ce sont souvent des artistes en tournée qui cherchent une date au milieu de celles qui sont rémunérées pour profiter du déplacement pour jouer. Donc la plus part du temps les performances ont lieues les jours de semaine et leur durée dépend parfois de la fatigue de ces tournées… Éventuellement un certain milieu qui n’expérimente pas ou peu mais surtout reproduit de l’art pourrait être tenté de venir s’y subvertir, sauf que je ne l’ai jamais constaté. De toute façon je pense que le manque d’intérêt pour les apparences les ferait rapidement fuir. Mais bon à part ça, c’est que du bonheur !

Et surtout c’est un des rares lieux pas trop éloigné où l’on peut faire des performances sonores de musique hors-norme. Je ne m’en suis d’ailleurs pas privé en organisant là-bas un soirée assez délirante «  Le doigt dans le troisième œil ». Si, il y avait aussi la galerie du 36 à Drôle, hélas elle vient de fermer, d’ailleurs on a eu la chance de faire un concert pour son dernier jour. Krackers n’a pas pu venir il était à un stage de clown. On a même eu le droit à la visite d’Ako, un candidat aux élections municipales. Malgré mon opinion assez tranchée sur les politiciens j ai apprécié son intérêt pour notre culture libre non subventionnée.

Krackers avec autant naïveté que je pourrais le faire, fait remarquer d’emblée à Pavel, qu’il trouve la proximité géniale, qu’ailleurs on n’a pas la chance de pouvoir discuter avec les artistes. Ensuite il dit quelque chose qui provoque un petit flottement, je pense que c’est juste qu’il a mis le doigt en plein dans le pot aux roses, il parle de ce star system qui est bien dénoncé dans Privilège de Peter Watkins. Alors que Pavel, lui est juste un passionné comme Krackers ou moi, bien sûr il se produit plus souvent en public mais ce n’est pas son business. Je ne dis rien et ensuite c’est Krackers qui le fait remarquer de lui même, les personnes les plus douées sont les plus humbles. Je ne peux qu’abonder en sons sens, effectivement c’est comme la personne qui n’essaie pas de convaincre les autres, parce qu’elle sait que ce qu’elle dit n’est pas une vérité mais une des vérités, ça change tout dedans, ça change tout dehors. Hélas, c’est d’ailleurs une des raisons pourquoi la vie publique est saturée de personnes ego-centrées convaincues d’être le nec le plus ultra. Les personnes qui sont humaines n’ont rien à faire dans cette farce tragique. Quant on a rien a prouver on joue nu et le contact n’est pas le même. On se soucie de ces amiEs, de ces voisinEs plutôt que de la reconnaissance, de la notoriété ou de la postérité. Bon, après c’est un peu de ma faute, si la conversation a dérivée sur la tambouille sonore, car comme Pavel n’avait pas de Looper (3), intrigué, j’étais curieux de connaître comment il créait sa musique. Sinon la conversation ce serait vite étendue sur le genre de propos que tu viens de lire.

Dommage j’aurais sans doute raconté l’anecdote du petit siège pliant qui est accroché en haut de la porte. Je l’ai laissé un jour comme on oublie un vêtement dans un lieu où l’on se sent bien, pour être certain de revenir.

Après une très brève introduction consistant à dire que ce n’est pas son fort de prendre la parole. Pavel nous emmène dans son univers. A moins que ce ne soient ses mains qui le dirigent pour nous enlever à notre morne quotidien ?

En dépit que je préférerais être mieux disponible pour vivre pleinement cet instant. Je fais une captation vidéo, dont voici un extrait https://www.youtube.com/watch?v=AXpgRgsG1ko comme souvent j’utilise des filtres. Le but est juste de pouvoir partager une trace, en aucun cas cela peut remplacer le fait d’être là. Alors j’essaie de créer autre chose à partir du présent en altérant intuitivement le visuel. Une fantasmagorie inversée ? Ainsi si le vestige de cette performance te touche tant mieux, sinon il faut te déplacer IRL. Un habitué me l’a très bien résumé un jour :
- On vient ici pour être surpris, sur cinq concerts, il y en aura peut être trois que tu n’aimeras pas, mais les deux autres seront des expériences uniques dans ta vie. 


Je pourrais en dire plus sur la performance, raconter comment à la fin de cet extrait il m’a fallut redescendre sur terre au figuré, encore tout émoustillé. L’action sonore était une partie fort agréable de ce moment collectif. J’ai aussi beaucoup apprécié qu’après la performance solo de Pavel il partage une improvisation avec Seb.
le duo improvisé
Si l’expérimentation musicale est une incitation constante à dépasser nos barrières, c’est peut être avant tout pour mieux nous rencontrer ?

C’est l’anniversaire d’Estelle du coup je lui offre une des rares cassettes qu’il me reste, une de celles basées sur le documentaire contre le colonialisme « l’aube des damnés », je n’en ai pas vendues beaucoup. De toute façon quand on est plusieurs sur un album on partage équitablement le tirage, alors il ne m’en reste pas beaucoup. Sinon j’en aurais peut être offerte une à Pavel qui m’aurait sans doute offerte l’une des siennes... Je profite de l’occasion pour me renseigner sur le Moulin à Buthiers, où ils viennent de faire une exposition collective avec un concert au vernissage, car cela m’intéresse de savoir si l’on pourrait y jouer. On se retrouve vite à parler de permaculture, du coup si j’y retourne à la prochaine performance le 12 mars je n’oublierai pas d’emmener des graines de Coquerets du Pérou. Comme dirait Dirk Gently tout est lié… et si l’on ne se soutenait pas entre résistantEs cela ferait longtemps que toute culture libre aurait disparue. On rentre peu après minuit rêveurs et j’espère que toi aussi si tu retournes à l’atelier de l’étoile tu emmèneras des amiEs. Merci d’être venuE avec nous.

1. Anti Star System : en l’occurrence c’est une façon de nommer le réseau ASSociatif, mais cela inclus les squats et tout les lieux non marchands. Même si je ne suis pas certain que ce soit plus qu’un vœu pieux qu’il n’y ait aucune idolâtrie.
2. D.I.Y : plus qu’un genre le Do It Yourself est une philosophie de l’à-propos, faire avec les moyens du bord, expérimenter l'impossible.
3. Looper : un des effets audio les plus utiles pour jouer sur scène, il permet d’enregistrer des boucles sonores et de les faire se répéter à volonté.

Cet article a été écrit par Robot Meyrat. Drôle le 5 Mars 2020.
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À propos de l'auteur(e) :

Robot Meyrat

Éternel débutant, Chercheur de singularités, Créateur de chimères, Expérimentateur d’inédits. Inscrit dès la naissance à l’école de la Vie. Il m’arrive d’être drôle à mon insu. Je suis mon chemin. Résister au courant principal jusqu’à la Mort et au-delà.


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