Mode sombre

Le confinement met à mal bon nombre de projets culturels. Ma séance mensuelle au salon de coiffure du bleddard va attendre alors que Macron aura fait venir le merlan de Hollande. L’expo du musée des Beaux-Arts est en stand by. Mon rendez-vous avec Lorca et le Nez en l’Air est remis aux Calendes Grecques. La compagnie Marchepied a dû plier chapiteau. Les artistes du spectacle vivant rongent leur frein en cale sèche. Les musicos ne peuvent officiellement même pas se retrouver pour jouer. Cet insipide ministre de la Culture aurait pu rester transparent avant d’être avalé par l’oubli quand ses collègues passeront par les tribunaux de l’Histoire. Mais non ! Il a fallu qu’il se fasse remarquer ce bureaucrate bien propre sur lui dont j’ai la flemme d’aller chercher le nom sur le who’s who de la macronie. Le courage ! fallait y penser tout de même pour ce foutu mois de la poésie qui n’arrive jamais à décoller. Là encore, c’est mal barré ! Les avions ne partent plus et chacun va puiser dans ses réserves pour survivre aux bulletins de santé et aux allocutions du locataire élyséen. Ça fait pédant mais ça me fait tellement de bien de me dire que le butor n’est que de passage. Les intermittents du spectacle trouveront sans doute le temps encore plus long que les autres : je sais ce dont je parle, je suis prof en téléenseignement et mon micro refuse de fonctionner sur le chat. Les producteurs de James Bond avaient senti venir le coup en reportant la sortie du prochain opus: fallait pas être voyant pour prévoir que les Chinois ne se précipiteraient pas dans les salles. Mais ils ont les moyens d’attendre, pas les Chinois, mais les producteurs de ces machines à fric. Je suis beaucoup plus inquiet pour l’avenir des films latinos qu’on n’a pas pu voir au Majestic. Et je suis aussi pour une fois désolé pour le Majestic. Tout comme je suis très peiné pour la librairie Passerelle. Rassure-toi, lointain barbare, la séance dolo-doloise ne sera pas longue ! Et d’autant plus peiné qu’un auteur local faisait très récemment de la publicité pour son dernier roman proposant de l’envoyer par la poste pour 5,80 euros ou de se le procurer sur un site « amazonien ». Eh bien, non ! C’est pas le moment de faire tourner à plein régime la machine Amazon ! Bezos embauche à tour de bras après avoir perdu des milliards en bourse. Et le bizness reprend car le monde ne sait pas attendre. A l’heure où on n’ose plus déposer des livres et des numéros gratuits de Libres Commères par mesures de précaution sans doute excessive (mais qu’est-ce que je dis aux flics s’ils me chopent déguisé en présentoir), des milliers de livreurs vont inonder nos pas de porte avec leurs colis piégés car la pieuvre va se faire des couilles en or avec cette crise. 

Essayez au moins ce site-là pour les bouquins. On n’est pas non plus obligé de se goinfrer de nouveautés. On peut en profiter pour faire un peu de rangement dans ses rayons, se replonger dans un bouquin qu’on avait presqu’oublié et puis, on peut lire  en ligne. Jorge Bernstein met à disposition un album hilarant sur sa page Facebook. Et Karl Marx a renoncé à ses royalties sur le Capital. Même Canal + est en clair.

 

C’est le moment pour les auteurs de faire de beaux gestes. A la Ken Loach ou comme Tkno Beurk. Beaucoup (trop) d’artistes sont restés pour le moins discrets pendant les manifs de Gilets jaunes, de cheminots ou d’infirmières. C’est le moment pour ceux qui en ont les moyens de montrer un peu de compassion ( je ne demande même pas de la passion ) pour leurs contemporains.


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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