Mode sombre

Entre tous les cours de renforcement musculaire et de cardio sur la page FB de la ville de Dole, j’avais raté la vidéo de Jean-Baptiste Gagnoux du 15 avril et je me disais mesquinement : « Tiens, Jean-Baptiste Gagnoux se montre mou du genou et on le voit pas beaucoup parmi nous ! » Mais j’avais tort. Le maire de Dole y est allé lui aussi de sa petite allocution vidéo spécial « nous tiendrons le bon bout du confinement ». 

Premier point positif : le temps annoncé est nettement plus court que l’interminable performance de Président Macron. Deuxième bonne nouvelle : avec 252 likes et 441 partages, on peut se dire que l’essentiel de son électorat n’est pas en réanimation. Troisième bon point : comme nous tous, Jean-Baptiste Gagnoux n’a pas pu aller chez le coiffeur ni mettre de cravate (même s’il est au bureau) et comme la plupart d’entre nous, il ne tousse pas et communique mieux que Président Macron. Il faut dire que pire, c’est impossible. Le maire de Dole n’en fait pas des caisses mais il n’a pas grand chose à nous annoncer non plus : tout le monde est mobilisé, tout se passe bien, il reste des lits sans patients à l’hôpital (pas un mot sur les malades des EHPAD où le virus s’installe hors des projecteurs de la presse tous tournés vers le maintien du moral des troupes), le personnel est exemplaire et merci à tout le monde de prendre soin des plus fragiles, SDF compris (sauf que du côté de L’Ouvre-Porte, on n’est pas vraiment content que seul Coop’Agir recueille les ovations). 

Et puis on en arrive à la sûreté ! Je vous rappelle que la sécurité concerne la lutte contre le virus alors que la sûreté concerne la chasse aux contrevenants du confinement. « A ce jour, la police municipale a réalisé 2700 contrôles pour 53 verbalisations. » Et le préfet a assuré le maire que le procureur ne ratera pas les récidivistes. Je ne ferai aucun commentaire sur les mauvais citoyens qui prennent l’air au lieu de se précipiter au supermarché. D’ailleurs Jean-Baptiste Gagnoux s’emballe un peu à ce moment-là. « Nous sommes nombreux à avoir l’habitude à effectuer nos course le samedi matin. cette habitude a pour conséquence une plus grande concentration dans les magasins qui ont le droit d’ouvrir. Or cette concentration, comme je l’ai observé ce week-end, n’est pas tenable… » Pause. C’est pas au marché couvert qu’on s’est bousculé samedi matin. Mais c’est quand même samedi matin que le maire à constater lui-même, très vraisemblablement muni de son autorisation de sortie (mais quelle case avait-il cochée ?), que ça bouchonne en début de week-end. C’est à croire que tout le monde bosse toute la semaine. Eh bien, Dolois, Doloises, arrêtez vos conneries ! On ne vous interdit pas d’aller bronzer en famille aux Bains et dans les parcs pour vous retrouver en train de vous frotter les uns contre les autres dans les boutiques, merde ! « Je sais sur ce point pouvoir compter sur votre civisme. » En effet, tout le monde peut se tromper. Reprenez-vous, nom d’un chien !

« La ville s’est mise en situation de sécuriser le déconfinement progressif. Si le déconfinement se confirme pour le 11 mai, la ville de Dole sera en capacité de permettre la reprise progressive de ses différents sites : crèches, écoles, accueils….. et services municipaux. » On va donc totalement nettoyer tous les établissements et prévoir gel et masques pour les personnels de la ville et de l’agglomération (j’ai noté que Jean-Baptiste Gagnoux avait accentué le P de personnels). Mais là, il y a un flou administratif (on y est un peu habitué ces temps-ci) : les enseignants ne sont pas des fonctionnaires locaux à ce que je sache ! Eh non, et le maire de Dole le sait bien puisqu’il ajoute aussitôt : « A ce jour, nous attendons bien évidemment des précisions sur les règles qui s’appliqueront mais nous devons être prêts le moment venu. Et nous le serons. » Bon, on peut être sûr que l’increvable Clément Pernot viendra livrer le matos avec sa petite camionnette comme il l’a fait à Champagnole sous les objectifs de la presse. C’est formidable, ces élus qui ne savent pas quoi faire pour se rendre utiles et qui aident à remplir les colonnes des canards désespérément vides. 

Quand je dis que Jean-Baptiste Gagnoux n’avait pas grand chose à nous annoncer, je le charriais un peu : il a en effet pris les dispositions nécessaires pour que la ville ait la possibilité d’équiper la population en « masques-tissu » au moment du déconfinement.

 

Là, je saute une ligne pour vous laisser réfléchir. Bon… que ce soit d’abord bien clair ! S’ils ne seront pas discriminés plus que ça, les 111 candidats des trois listes d’opposition ne seront pas non plus prioritaires sauf en cas de conseil municipal express. Mais là, je suis une vraie langue de pute parce que la crise se gère très bien sans conseil municipal et en cellule de crise. Je regrette tout de même que Jean-Baptiste Gagnoux n’ait pas donné plus de précisions au sujet des masques parce que faut pas compter sur moi pour me mettre sur le pif les lampions en chutes de rideau vintage que le club Singer-Jura-Solidaire surpique dans sa cuisine. J’étouffe derrière ces bavettes-là et ça m’arrache les oreilles que j’ai déjà assez décollées comme ça. Moi, je veux les même masques que Clément Pernot. Si lui réussit à respirer derrière ces élégantes voiles de jonques pastels, je devrais pouvoir survivre. Mais pour aller faire quoi ? Ça reste à définir par le gouvernement et là, moi qui ne suis pas particulièrement productif au niveau de la marchandise capitaliste, je crains de devoir rester chez moi à mater le medley des meilleurs moments des neuf dernières années de Cirque et Fanfares, le pot-pourri des concerts les plus inoubliables de la Fête de la musique et l’album-photo-feuilleté-power-point de la Fête de l’eau car tout ça est annulé «  eu égard aux dates qui nous ont été communiquées par le chef de l’État lors de son allocution ».

Je signale à ce propos le sens de l’anticipation de nos autorités locales qui n’ont pas attendu que Franck Riester, le ministre miraculé de la culture acculée, fasse des déclarations sur France Inter sans s’inquiéter le moins du monde de l’avis de l’historien Jean-Philippe Lefèvre, président de la Fédération nationale des collectivités pour la culture, et de tous ses amis élus, en faveur des petits festivals qui pourraient après le 11 mai et... voilà, voilà, voilà… Non, l’élu dolois à la culture s'en émeut dans l’Est Républicain : « Si quelqu’un est infecté par le Covid-19 dans un spectacle autorisé dans ces conditions, la personne peut effectivement se retourner, dans notre société judiciarisée, contre le maire en jugeant qu’il n’a pas usé avec discernement de son pouvoir de police administrative. Pouvoir qui, ne l’oublions pas, découle dans la loi communale de 1884, pour la partie sanitaire et de la salubrité, des enseignements de la pandémie de choléra de 1854, qui avait causé 143 000 morts en France, puis des pandémies suivantes… » Les assesseurs ont assez pris de risques que comme ça en assurant le cirque des élections municipales au péril de la vie d’un électorat vulnérable pour ne pas qu’on s’expose à nouveau pour un coup de trompette et deux jambons-beurre !

On s’est donné rendez-vous une autre fois pour tout ce que touche l’économie et c’est bien de ne pas avoir fait plus long parce que moi, là, déjà…

 

Dernier point ultra-positif : alors que la plupart des youtubeurs font des vidéos de qualité merdique dans leur deux-pièces-cuisine, Jean-Baptiste Gagnoux ne lésine sur la belle image : le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est pas Usul ou Ruffin. Plus au centre que le 27 mars où il était carrément à gauche de l’écran, le maire est apparu aussi maitre de la situation qu’Edouard Philippe dont il attend les directives pour agir. On est dans de bonnes mains. N’oubliez pas de signer en sortant les bouteilles vides !


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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