Médias

Reiser, reviens !

Publié le 19/10/2020 à 22:13 | Écrit par Christophe Martin | Temps de lecture : 05m44s

AVERTISSEMENT: cet article a été initialement publié dans la version papier de Libres Commères d'octobre. 

Au vu de la liste des amis de la liberté de la presse, Charlie Hebdo doit se sentir moins seul. Tous les médias de la bien-pensance hexagonale ont répondu à l'appel du 23 septembre à l'exception notable d'une poignée d'indépendants à qui on a sans doute oublié d'envoyer le mail. Le Monde Diplo, le Média, QG, Partager c’est sympa, Révolution Permanente, Thinkerview, le Fils d’Actu, Reporterre, La Sociale, le Canard Réfractaire, Frustration, Lundi Matin, Fakir… et bien évidemment Libres Commères. De toute façon, si on nous avait contactés, j'aurais voté contre au sein de la rédaction, non pas que je sois contre la liberté de la presse, la liberté de blasphème ni celle de chier sur la tête de toutes les idoles mais parce que la liste des signataires sent l'hypocrisie à pleins gaz. Se retrouver entre BFMTV, Gala et Radio Classique pour défendre la liberté d’informer et de s’informer, c’est d’une tartufferie sans limite. Mais il fallait en être de peur d’être classifié rouge-brun ou cassos’. Une petite signature pour la bonne cause, ça n’engage à rien aux pays des droits de l’homme. Dans cette liste où vous chercherez minutieusement les intrus au marqueur sur notre site web dans une petite quinzaine, vous noterez au passage L’indicateur des Flandres et L’informateur Corse nouvelle qu’on dirait tout droit sorti d’un San Antonio. On veut nous faire croire à la pluralité en nous noyant sous la quantité. A croire que c‘est fait exprès et qu’on nous prend pour des cons.

Et on trouve, d’un côté, la PQR financée par la publicité et le grand capital, de l’autre, les médias publics alimentés par nos impôts que gère ce gouvernement calamiteux et une bureaucratie en souliers vernis. Au final, personne ne veut taper là où il faut. Tout le monde sert la même soupe et les moins pire nous répètent que le capitalisme, c’est pas top mais qu’on n’a rien rien trouvé de mieux si on ne veut pas finir au goulag ou en burka. L’obscurantisme, c’est tout ce qui n’est pas libéral et issu des Lumières. 

Oui, mais le Canard Enchainé, tout de même, me direz-vous… Pas de pub, libre et financé par ses lecteurs. Okay, je vous ai dit de chercher les intrus, les égarés, ceux qu’on n’a pas prévenus qu’il y aurait Bernard Arnault et ses amis dans la liste des invités ! Pas très avisé sur ce coup-là, le Canard !

Un jour, de passage aux Flagrants Délires, du temps où France Inter ne travaillait pas encore pour la propagande, à la question « Qu’aimeriez-vous voir disparaitre? », Reiser avait répondu : « Le profit ! ». J’avais 18 ans et je m’en souviens encore. Ça m’avait paru improbable à l’époque mais ça me trotte dans la tête depuis pas loin de 40 ans.

Reiser était de la première mouture de Charlie Hebdo. Ecolo bien avant que Jadot et les bobos ne reprennent la boutique. Trop jeanfoutre pour être vraiment marxiste. Ça n’a l’air de rien cette petite réplique mais tout est là. Voulons-nous oui ou non chercher à sortir de l’ère du profit, du capitalisme qui se masque et du pognon de dingues ?

Tous les médias qui ne cherchent pas la voie de sortie cautionnent ce système. Un point, c’est tout. Les keynésiens ont fait leur temps : on ne réparera pas le capitalisme, on ne le jugulera pas pour le rendre aimable. Repeint en vert, il reste profiteur, prédateur et sans vergogne. Faut se faire une raison. Et si la recherche de l’intérêt est animale et donc ô combien naturelle, il convient de nous élever au-dessus de la bête qui nous meut. La quête du profit individuel a tué notre société d’autant que l’État technocratique s’est mis à son service. Il est nécessaire de passer à autre chose.

Je ne vous cacherai pas que l’annonce par Denis Robert par lui-même de son propre salaire « qui est de 4782,72 € net par mois sur 13 mois pour 175 jours de travail par an » m’a laissé amer. Je l’aime bien Denis Robert. Un vrai journaliste d’investigation. C’est aussi le rédacteur en chef du Média. Les 8 euros que je lui verse par mois (au Média) serviraient donc notamment à financer ce gros salaire. J’espérais mieux en devenant socio et on y invite toujours Bernard Friot. Que Denis Robert le mérite ou pas, que sa notoriété et son travail aient sorti le Média de la merde, là n’est pas la question. Ou alors c’est une question de marché dont justement on veut s’extirper. Je vois simplement que Denis Robert touche nettement plus que la grande majorité d’entre nous, tout comme Julien Théry avec qui il a maille à partir. La maille, c’est encore là, leur putain de problème ! Leur querelle m’emmerde et elle montre à nouveau ce que cette « gaucherie » bien pensante et hypocrite est autant notre ennemie que les tenants du capitalisme sans complexe. 

Pour avoir le droit de dire et d’écrire ce qu’on croit juste, il faut éradiquer la peur qui vient du profit. Ce n’est pas bien gagner sa vie qui compte mais la gagner avec fierté, sans craindre que ça s’arrête parce qu’on aurait déplu à tel ou tel gros bonnet. Alors d’accord avec Charlie pour taper sur les tartuffes religieux. Mais faudrait surtout pas oublier les djihadistes du capital qui sont en train de faire crever la planète et une bonne partie de ses habitants. Comme Reiser, je pense que le profit doit sortir de nos existences. Il faut d’autres modèles économiques et moraux, surtout dans les médias. On y a tous intérêt.

Christophe Martin.

 

Trouvez les intrus:

 

20 Minutes, Actu.fr, Alliance de la presse d’information générale, Alternatives Economiques, Arte France, BFMTV, Canal+, Causeur, CB News, Centre presse, Challenges, Charlie Hebdo, Cnews, Courrier International, Elle, Europe1, France Médias Monde, France Télévisions, Gala, GQ, Konbini News, L’Alsace, L’Angérien Libre, L’Avenir de l’Artois, L’Echo de l’Ouest, L’Echo de la Lys, L’Equipe, L’Essor Savoyard, L’Est-Eclair, L’Est républicain, L’Express, L’Hebdo de Charente-Maritime, L’Humanité, L’Humanité Dimanche, L’indicateur des Flandres, L’informateur Corse nouvelle, L’Obs, L’Opinion, L’Union, La Charente Libre, La Croix, La Dépêche du Midi, La Marseillaise, La Nouvelle République, La Renaissance du Loir-et-Cher, La Renaissance Lochoise, La Savoie, La Semaine dans le Boulonnais, La Tribune, La Tribune Républicaine, La Vie, La Vie Corrézienne, La Voix du Nord, Le Bien public, Le Canard Enchaîné, Le Courrier français, Le Courrier de Gironde, Le Courrier de Guadeloupe, Le Courrier de l’Ouest, Le Courrier Picard, Le Dauphiné libéré, Le Figaro, Le Figaro Magazine, Le HuffPost, Le Journal d’Ici, Le Journal des Flandres, Le Journal du Dimanche, Le Journal du Médoc, Le Journal de Montreuil, Le Journal de Saône-et-Loire, Le Maine Libre, Le Messager, Le Monde, Le Parisien / Aujourd’hui en France, Le Parisien Week-end, Le Pays Gessien, Le Pèlerin, Le Phare Dunkerquois, Le Point, Le Progrès, Le Républicain Lorrain, Le Réveil de Berck, Le Semeur hebdo, Le Télégramme, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Les Echos, Les Echos du Touquet, Les Inrockuptibles, LCI, Libération, Libération Champagne, M6, Madame Figaro, Marianne, Marie Claire, Mediapart, Midi Libre, Monaco Matin, Nice Matin, Nord Eclair, Nord Littoral, NRJ Group, Ouest France, Paris Match, Paris Normandie, Play Bac Presse, Presse Océan, Radio Classique, Radio France, RMC, RTL, Society, Stratégies, Sud Ouest, Sud Radio, Syndicat des Editeurs de la Presse Magazine, TF1, Télérama, Valeurs actuelles, Vanity Fair, Var Matin, Vosges Matin.




À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

Retrouvez tous les articles de Christophe Martin