Mode sombre

Petite manif jeudi 4 février devant la sous-pref de Dole. Très modeste mobilisation, guère plus d’une cinquantaine de manifestants mais un service d’ordre assez impressionnant pour finalement si peu de bruit et une totale invisibilité dans la petite bourgade de province endormie où le Doubs en crue fait plus de boucan dans le journal local que la colère intersyndicale. J’en ai profité pour distribuer un exemplaire du tout nouveau Libres Commères aux RG (DCRI) qui m’ont affirmé à 50% (l’un oui, l’autre non) qu’ils nous connaissaient : je leur ai dit que ça me rassurait profondément. Au bout d’un an d’existence, on mérite au moins ça.

Cap ensuite sur l’hôpital où on a retrouvé des têtes connues puisque le Comité de défense des hôpitaux publics de Dole manifestait dans la cour du CHR Pasteur aux côtés du personnel en grève, barnum, buffet, sono, l’orga était au top sauf que… sauf que… même le directeur de l’hôpital Gilles Chaffange, le successeur de celui dont on ne prononce plus le nom sans un avocat sous la main, était au rendez-vous. Sans peur et sans reproches à se faire car il ne fait qu’appliquer la législation comme il le dit dans l’autre presse et à qui veut l’entendre. Imparable ça comme argument ! Je ne fais que ce qu’on m’a demandé de faire. Du coup, alors que son personnel est en grève, il se balade tranquille devant son hosto qu’il aide à démanteler et qui n’aura bientôt plus de chirurgie conventionnelle, il vient écouter les discours en touriste, sans même prendre la peine de noter des noms comme un contremaitre tellement ça fait des années que ce sont les mêmes qui répètent les mêmes plaintes, les mêmes revendications, les mêmes alertes. Depuis le début de l’épidémie, rien de plus n’a été mis en place. Au contraire. L’administration se fout presqu’ouvertement de la gueule des soignants. Le Ségur de la santé n’est qu’une réponse de capitaliste comptable, vicieux et borné, à un problème bien plus fondamental de répartition des compétences et des responsabilités à l’hôpital : passées 3000 balles par mois, on a largement de quoi vivre, non? Et s’il y a trop de responsabilités et trop de boulot, il n’y a qu’à mieux les répartir. Ces négociations salariales en fin de compte divisent bien plus qu’elles n’apportent de vraies solutions aux conditions de travail: le ministère revalorise très inéquitablement les salaires mais continue à détériorer sournoisement les conditions de travail et l’accès aux soins. Et le directeur de l’hosto peut continuer à écouter le personnel le blâmer indirectement à chaque mot… avant d’aller déjeuner en paix.

« Ils savent qu’on est des gentils », me glisse un manifestant qui porte une couverture de survie symbolique avant d’aller se coucher sur l’herbe, avec quelques autres membres du collectif, pour vraiment marquer leur fureur. On était tout de même 140 d’après les plus optimistes. 140 en colère… mais inoffensifs.

Tant que les porte-flingues du pouvoir pourront se pavaner, les mains dans les poches, en sifflotant qu’ils comprennent bien les plaintes des travailleurs mais qu’ils ne peuvent pas faire autrement que d’obéir à la réglementation… tant qu’ils ne craindront pas au minimum de se faire entarter comme le suggérait mon pote François… tant qu’on ne leur fera pas peur…


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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