Quelqu'un a-t'il une âme de général ?
Le monde d'après, ainsi énoncé en mars par celui dont on doit taire le nom (il paraît que si on le prononce trois fois sa femme apparaît nue, faites attention!) n'a pas la même définition au sommet de l'état qu'en bas de l'échelle pécuniaire; l'échelle sociale ayant disparu dès l'instant où le pognon est devenu vecteur de classes. Le président a bien entendu joué sur cette incompréhension. Chacun a cru à plus de solidarité, d'équité, de fraternité, d'écologie, d'amour, d'humanité en somme! Mais non, il s'agissait ici de parler d'une vague mutation. D'injecter au virus capitaliste différents variants qui le fassent évoluer tout en lui faisant conserver sa substance. Il parlait juste de glissement d'économie de marché !
Nous passons en ce moment d'une économie de dépression, faisant de notre mal-être la partie dominante nous obligeant insidieusement à consommer - vite et mal - tout en culpabilisant, à une virtualité qui nous ôte la conscience que nos actes ont une portée. On ne se rendra même plus compte que nos achats existent!
Nous sommes progressivement en train de voir nos horizons s'obscurcir et nous sommes muselés dans nos appartements.
Le capitalisme a trouvé une formidable fuite en avant avec ce virus. Grâce à elle, il va pouvoir justifier sa soupe technologique à toutes les sauces. Et nous obliger à toujours plus de consommation, de neutralité (notre identité s'efface, rien ne compte plus que nos achats). Et gare ! Nous serons surveillés. Oui, oui, ici, au pays des droits de l'Homme.
On peut légitimement se poser la question du pourquoi. Ce qui pousse un individu puissant et richissime à vouloir toujours plus. Je crois que derrière la folie de ces êtres se cache une course à un pouvoir abstrait.
Je le nommerais le pouvoir de l'empreinte.
Comme Erostrate, incendiaire du temple d'Artemis dont l'histoire a retenu le nom au détriment de l'architecte de ce même temple, chaque milliardaire cherche à marquer l'histoire de son empreinte. Et nous, nous sommes les vassaux et les victimes de cette empreinte dans le même temps.
Alors, la course au Néron contemporain nous cloître tous momentanément, ou pour toujours. Pourtant, évidemment, l'urgence climatique est bien pire que celle du virus. Mais, ce monde accepte que les milliardaires s'approprient l'espace et les planètes, que Bolloré nous interdise de prononcer le mot "planète", que les pesticides soient autorisés uniquement pour qu'un mauvais sucre soit produit par de grands producteurs, que la pauvreté explose et que la justice sociale ne soit plus qu'un lointain souvenir.
Nous déambulons sur un vaste champ de bataille, hébétés. Nous avons perdu. Mais l'espoir ne vient pas toujours d'où on l'imagine. Ce virus en est la preuve, il est un message, un allié. Alors disons-nous que nous n'avons perdu qu'une bataille. Quelqu'un a-t'il une âme de général ?
Benjamin Alison
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