Mode sombre

J'aurais pu ne pas écrire cet article. A courir après le temps, nous nous condamnons à jongler avec les priorités. Quitte à écrire, j'aurais pu préférer te permettre de découvrir ces nouvelles traductions d'Orwell libéré du droit d’auteur, afin de suggérer que ce serait très appréciable de traduire également un de ses livres moins connus "un peu d'air frais". Ou revenir sur cette conversation sur fakebook avec le cinéaste expérimental Yves-Marie Mahé concernant son documentaire chaudement recommandé sur la médiatisation du rock alternatif, dans laquelle je l'ai plus ou moins questionné sur l'absence des Laid Thénardier. J'aurais pu même ne pas écrire du tout, comme je le fais trop souvent, car malgré la sortie pour le 1er Avril de Strawberry Field Recording Forever enregistré juste avant le re-confinement, qui sait combien d'albums de PIRATE Tapes d'avant le 1er confinement attendent encore d'être préparés pour une diffusion en toute liberté* ? Ou encore me consacrer à l'écriture d'une nouvelle pour les éditions déliVre commères. Ou me contenter de faire l'entrevue du bisontin Willy Marleen qui aurait sans doute long à en dire sur la création de ses k7 artisanales. Ou celle d'Antonella EYE Porcelluzi (même si une version anglaise existe déjà)  qui vient de réaliser un morceau bien hors-norme pour l'excellente compilation du lyonnais Christophe Petchanatz en hommage à Amon Duül II, qui comporte d'ailleurs une reprise d’une autre bisontine Judith Juillerat. Ou encore me soucier de la diffusion du DVDR de mes films sorti en toute confidentialité, dont je ne mettrai volontairement pas le lien. Voir présenter la musique d'un des prochains membres de rADio eNd le surprenant Charles Rice Geoff III. Je n'avais que l'embarras du choix.

 

Seulement ce samedi 10 Avril, j’ai rencontré un cas d'école de bêtise humaine et même si je n'aime pas ce terme qui transpire à grosses gouttes le spécisme crasse, j’avais envie de le partager. Surtout je souhaitais l'utiliser pour induire un contraste en terminant cet article par son opposé : un peu de la quintessence de l'humanité. Peut -être aussi pour montrer à ma belle-fille de quelle façon l'expression écrite donne une autre lecture de la vie. Je profitais des bienfaits du soleil dans le jardin d'enfants de Foucherans en sa compagnie. Elle jouait dans la cabane imaginée par les arbres dans le fond du parc, tandis que je prenais des photos de la nature derrière le verre d'une loupe ayant appartenu à ma grand-mère et que ma mère m'avait offert à Ostara. La première photo que j'ai prise était ce bouddha qui sert d'illustration et qui donne un certain relief à cette petite mésaventure. D'ailleurs, elle a été suivie d'une légère synchronicité, quand de retour derrière mon écran, sur le blog de François des Bérus, je suis tombé sur sa bouddhaification de la moitié de Mansfield TYA (que j'ai eu la chance de filmer en concert il y a des années). Donc j'étais en train d’immortaliser le sol de la cabane quand j'entendis la voix d'une adulte demander à ma belle-fille ce qu'elle faisait à jouer là. Son ton plutôt véhément laissait peu de doute sur ses intentions, en gros, elle l’incitait fortement à dégager... Du haut de ses 8 ans, celle-ci lui a répondu sans se départir de sa joie qu'elle jouait et que je l'accompagnais. Deux ou trois clichés plus tard, à l'angle du mur qui jouxte celui qui donne sur la statue du bouddha, deux énergumènes m'apostrophent familièrement :
- eh toi qu'est-ce-que tu fais là ?

Habituellement, je me serais simplement expliqué, mais vu que le ton était similaire à celui employé avec ma belle-fille, j'ai répliqué que cela ne les regardaient pas et que j'étais dans un espace public. C'est à ce moment que ça a viré tragi-comique, le gars est venu jusqu'à mon niveau pour m'intimer d'arrêter de prendre des photos de sa propriété et bien que je lui ai précisé qu'en aucun cas, je ne prenais des photos de sa propriété, il s'est mis à me menacer de descendre du mur me mettre un pain ! Ce qui était comique, c'était qu'il faisait mine de descendre, commençant à enjamber le mur, se ravisant, hésitant, peut-être parce que ses menaces de violence ne m'impressionnaient pas ? Il était dans un état d'agitation que l'on ne peut mieux résumer que par : extrêmement vénère. Pour mettre un terme à altercation, je lui ai répondu que s’il s'avisait d'essayer, je le filmerais et j'irais voir les flics. Évidemment, c'était surtout pour lui répondre dans un langage qu'il puisse comprendre, un simple rappel au cadre de sa réalité : je n'aurais pas réellement fait appel à la police, vu que je considère qu’on pourrait très bien se passer d'elle dans un monde où il n'y aurait pas tous ces individus formatés aux règles, qui ne comprennent que la carotte et le bâton. Quand je parle de cas d'école de bêtise humaine, c'est que sans prétendre être un Sherlock, vue la disproportion de sa réaction, alors que je n'avais au départ aucune idée qu'il avait quelque chose à se reprocher, je suis parti avec cette certitude bien ancrée. Alors je ne sais pas si c'était en raison des moellons posés à la va-vite sur une brèche du mur de pierre qui ceinture le jardin d’enfants ou si son immense piscine aurait pu être construite sans permis. Peu importe la cause réelle, je le laisse avec sa conscience pas tranquille. Mais personnellement même en règle, j'aurais honte d'avoir une aussi grande piscine. Chaque année, dans le Jura, la sécheresse fait des ravages. Pourtant d'après l’ami d'un ami qui prend des photos aériennes, quand on voit le nombre de piscines particulières, on comprend l'étendue du problème... C'est bien beau de faire un arrêté préfectoral en cas de sécheresse, mais combien de propriétaires de piscine le respectent ? Et justement, dans le rayon de la bêtise humaine, j'en ai un autre exemple : il y a quelques semaines, j'ai vu un étal au supermarché Aldi rempli de dizaines de jouets pour chien. Ils se fixent au bout d'un tuyau d'arrosage pour que ceux-ci puissent presser avec leurs pattes dessus et faire jaillir de l'eau ! Alors à moins que ce jouet ne fonctionne pas réellement, cela me donne l'impression que c'est un peu vain de faire du mieux pour éduquer ma belle-fille à ne pas gaspiller excessivement d'eau quand elle se lave les mains.

 

Ce qui me semble empêcher tout jugement définitif sur l'humanité, c’est que cohabitent sous ce terme deux espèces différentes, l'homoconsumeristerectus que nous venons de voir et l'homoempathalternatif, tandis que l'une me désespère, l'autre m'enthousiasme, ainsi je ne peux jamais sombrer dans le nihilisme le plus absolu.

 

J’en arrive donc à cette espèce extrêmement opposée. Quelques semaines avant cet incident, j'ai eu la chance de croiser la création du poème le plus gracieux que Dole n'est jamais porté sur ses murs. Je passais en voiture sur le boulevard Wilson, quand juste après la salle de spectacle de la Fabrique, j'aperçois une bande de jeunes ressemblant énormément aux ZZ Top, avec leurs lunettes noires et leur longues barbes, en train de poser une banderole avec mentionnée dessus, si ma mémoire ne me joue pas des tours : "Liberté, quand te reverrais-je ?"

 

En conclusion, ne perds pas espoir. Si la bêtise humaine semble n'avoir aucune limite, l'imagination que certainEs déploient pour ramener la vie dans nos cités est infinie. Le capitalisme et ses conséquences qui assassinent ce monde a tout d'un cancer, fort heureusement ce qui nous en guérira est plus agissant que n'importe quel traitement médical :

Cette empathie que n'arrête pas la raison, ne serait-ce pas l'amour ?

* Si tu habites à Dole et envoies la bonne réponse à empathexagone@gmail.com tu recevras un exemplaire d'Ed End Eyes 2016-2020.

Robot Meyrat, dimanche 11 Avril 2021, Foucherans.


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À propos de l'auteur(e) :

Robot Meyrat

Éternel débutant, Chercheur de singularités, Créateur de chimères, Expérimentateur d’inédits. Inscrit dès la naissance à l’école de la Vie. Il m’arrive d’être drôle à mon insu. Je suis mon chemin. Résister au courant principal jusqu’à la Mort et au-delà.


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