Culture

Soliloque pour un phallus en PVC

Publié le 13/05/2021 à 12:51 | Écrit par Alexandra Lucchesi | Temps de lecture : 03m25s

Feuilleton à l'eau de rose où il sera question d'hyperlaxisme social et de fistule idéologique, initialement publié dans la version papier d'avril et toujours pas censuré par l'Inquisition.

Episode 4

Se voulant être aussi absurde et glaireux que le confinement merdique que l'on nous impose en ce beau mois d'avril 2021, veuillez trouver imprimé dans ce brûlot gauchiste un soliloque. Un soliloque pas comme les autres. Le soliloque d'un godemiché frontiste. Pour celles et ceux qui ne comprendront rien à la lecture des lignes qui suivent, prière de vous déboulonner le caisson pour dégoter sur le net mes trois chroniques précédentes. Et n'allez pas chouiner dans les jupes en tartan écossais de vos mères celluliteuses, hein ; tout le monde sait que vous avez rien de mieux à fabriquer en ces temps de réclusion et de disette sociale.

Soliloque pour un phallus en P.V.C

C'est moi. Sa majesté concombrière. Je suis. Ce que tous les hommes de la planète rêvent d'avoir dans leur slibard rigidifié par la fiente bien naturelle de fin de journée : une tension figée, éternellement érectile. Roide, aurait pu écrire Lautréamont. Mais il ne l'a pas fait, trop occupé qu'il était à nous pondre des poèmes bons qu'à emmerder les lycéens. Même que s'il aurait su, il s'éterait abstenu d'embouteiller la postérité avec ses sublimeries non-essentielles, le con.

Donc me voilà, moi, petit menhir fantasmatique pour ménagères abonnées à la demi-mollerie de leurs maris phacochérisant qui mangent trop de gluten. J'ai roulé dans un coin de la pièce, pièce où fricotent présentent les deux amants tragiques, Rodéo et Jumelette. J'observe. Je guette, j'attends mon heure. Car elle viendra. Elle vient toujours. J'attends la rouille dans l'histoire dite d'amour, et là, paf, tel un sérum anti-tétanique, je viens réinventer la corps-égraphie de la danse grotesque du coit. Je m'immisce, si vous voyez ce que je veux dire, et je fais mon oeuvre souterraine, en coulisse.

Le garçon roule sur le corps nu de la fille. On dirait un campeur qu'arrive pas à trouver la bonne position pour bien pioncer sur sa civière pneumatique. Il lui écrase les nibards d'une main boulangère. Il les malaxe, comme s'il voulait en faire une baguette cartonnée comme y'en a au Super U. Elle, elle piaule, elle piaille comme un rongeur à qui on tire la queue. Pauvre bête. Ça me fait mal au Chi. Oui, le Chi. Un truc philosophiquement chinois. Parce que oui, je suis d'origine chinoise. Je ne le crie pas sur tous les toits, j'en suis pas fier, surtout depuis qu'ils nous ont refilé la Covid à force de pas se laver les mains après avoir déféqué dans leurs plastoqueries livrées par Amazon. Ils ont tout mis sur le dos du Pangolin, mais en fait, tout ça, c'est qu'une histoire de comportement sanitaro-culturel. La peuplade citronnée a peut-être inventé la boussole, mais z'ont pas inventé le papier-derche, et ça, c'est comme qui dirait un gros manquement sur la liste à To-do maoiste. Bref. Moi, je viens de là. C'est des mains de gosses qui m'ont moulé, et aspergé d'une bonne peinture à haute tolérance minou-esque. Parce que s'ils clamsent, les morveux aux yeux en fente de tirelire, sans avoir jamais vu un vrai bout de ciel, c'est pas bien grave ; mais faudrait pas par contre que la mère Michu bien de chez nous se chope une mycose purulente à cause des produits toxiques étalouiller sur ma verticalité-à-moi. Rassurez-vous : l'union européenne veille au grain. Ouf ! Je suis certifié BPA-free en plus. Cette insigne, pour les godemichés dans mon genre, ça équivaut à la Légion d'honneur. C'est un sacré pin's à épingler fièrement sur ma pinéalité de pine.

Reprenons. Après lui avoir lapé la glotte et machine-à-laver le gosier avec sa langue blanchâtre de trentenaire bibineux, Rodéo se décide à descendre en rappel vers la calanque ruisselante de Jumelette. Il s'apprête à planter son museau dans la dentelle nervurée de rouge et de rose de la dame quand il remarque une petite ligne noire, inscription insidieusement tatouée qui dit : Dupont-Aignan Forever. Purée, le mec blêmit instantanément ; il est blanc, comme un poireau intensivement élevé dans un sol déminéralisé. Et d'ailleurs, le sien de poireau, il a pas fière allure : il pend. Comme une crotte existentielle encore accrochée au grand trou de balle de la vie et qui va bientôt se laisser tomber dans la marmite-à-vacuités. Rodéo est désemparé. Son regard balaie le sol du regard. Soudain... il me voit ! Alleluia ! Il se relève, marche vers moi, me prend dans sa paume moite et pleine de suc filant et...oh...il...ah...je...

Suite au prochain épisode




À propos de l'auteur(e) :

Alexandra Lucchesi

En 2006 et après des études littéraires, Alexandra Lucchesi participe à la création de la compagnie de théâtre l'Oiseau Monde au sein de laquelle elle met en scène  ses propres textes. En parallèle, elle poursuit ses explorations protéiformes en écrivant des contes, des chansons, des romans. Son univers, architecturé autour d'une langue gourmande et poétique, se veut être toujours au service de la vie, sa foulée, son relief teinté d'ombre et de lumière.


Auteure et metteur en scène

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