Chronique en 2084

Publié le 17/05/2021 à 16:05 | Écrit par La Rédac' | Temps de lecture : 07m50s

En un siècle, la situation s’est emballée. Que de drames, de bouleversements, mais la vie n’a pas cessé sur notre planète.

L’explication tient d’une part dans l’essor des sciences et des techniques. La généralisation de l’usage d’ordinateurs date d’un siècle, puis il y a eu la conquête spatiale, l’intelligence artificielle, et surtout le génie génétique…

Y a-t-il un lien entre cette science et la pandémie virale qui a frappé l’espèce humaine dans les années 20 ? D’aucuns l’ont envisagé. Elle a été traitée dans la majorité des pays par des campagnes de vaccinations d’un type particulier qui modifiaient le génome. Vaccinations massives, et surtout répétées au fur et à mesure des mutations du virus.

Cela a abouti en 2024 à une hécatombe sur la planète. Si au départ certains n’ont pas vu d’un mauvais œil la diminution de notre biomasse, il a fallu se rendre à l’évidence : sous l’action conjuguée du virus qui continuait ses ravages allié aux complications post vaccinales, l’espèce humaine était bel et bien menacée d’extinction. La parade est venue des généticiens, vrais deus ex machina du siècle. Ils ont tout simplement créé une nouvelle espèce résistante au virus qu’ils connaissaient si bien. Ils l’ont baptisée l’espèce iumaine, la première d’une chaine qui se prolonge de nos jours. Avec la particularité, pour faciliter la reproduction, d’individus hermaphrodites dotés d’un organe mâle l’étapine et femelle, le pinestil (noms choisis en référence aux végétaux). Toutefois, l’égalité des sexes n’était que partiellement réalisée, certains préférant donner, d’autres recevoir, et surtout la majorité ne souhaitant rien du tout. Les gouvernements qui avaient mené tambour battant ces campagnes de vaccinations à l’origine du désastre, tenus pour responsables, ont subi des représailles qu’on n’ose décrire. Ce fut terrible. A la réflexion, il est apparu qu’ils étaient plus des exécutants, des pantins. Les directives venant de géopoliticiens, financiers, scientifiques, hégémonistes, un groupe occulte considérant la majorité de leurs semblables comme une variable ajustable à leurs propres besoins. On peut les considérer comme  l’embryon de « BIGBROTHER ». C’est de cette période que date la disparition des états comme organismes de direction,  remplacés par des structures dites privées qui depuis gèrent tout. Le point de départ de cette nouvelle hégémonie a été fixé assez logiquement au 30 mai 2020, quand la société Space X a été la première organisation privée au monde à envoyer des astronautes dans l'espace (deux). ″Exploit″ répété le 23 avril 2021 avec quatre astronautes à bord. On verra juste après le rôle vital qu’a joué l’industrie spatiale.

Las, alors que la terre se repeuplait rapidement, c’est un phénomène cette fois naturel,  qui a menacé cette nouvelle iumanité. Une glaciation d’une violence telle que la planète est devenue quasiment invivable. C’est la nutation qui a modifié l’axe de rotation de la terre, phénomène pourtant bien connu mais qui a surpris les iumains, qui en est la cause principale.

De ce fait, l’espèce iumaine aura eu une durée de vie très brève (la question de la conservation des espèces sera traitée plus loin). 

Là encore ce sont les généticiens, mais aussi l’industrie spatiale, aidés par l’IA (mais certains inversent les rôles) qui ont trouvé une parade. 

La survie sur terre n’étant possible qu’au voisinage très proche de vieilles centrales nucléaires, seules en mesure d’apporter assez d’énergie pour neutraliser le froid, la seule solution fut de maintenir la vie dans un vaste réseau de satellites mieux placés pour capter assez d’énergie solaire. 

C’est la nécessité de construire en urgence une noria de vaisseaux spatiaux qui a propulsé les maitres de l’industrie spatiale dans l’entité qui nous dirige : «BIGBROTHER », constituée d’individus dont le nom et le nombre reste secret (c’est du moins ce que nous croyions en 2084*).

La nouvelle espèce mutante créée pour s’adapter à ce nouvel habitat a logiquement été baptisée espèce jumaine. L’hermaphrodisme a été conservé, mais seulement pour le plaisir, l’expansion de l’espèce étant difficile à gérer et peu souhaitable. Les membres inférieurs quasiment inutiles et encombrants dans les satellites ont été réduits, remplacés par deux petites pattes, proche de celles des oiseaux. Nos mains sont dotées de six doigts que l’ont peut opposer par trois groupes de deux pour la préhension des volumes ou par deux groupes de trois pour tenir des objets plats. L’apesanteur ayant à long terme des effets mortifères, les satellites ont tous la forme de tores et tournent sur leur axe. Objets et jumains sont plaqués vers l’extérieur par la force centrifuge.

Conservation des espèces

Il était difficile de laisser disparaitre l’espèce humaine, au moins pour des raisons historiques, sinon sentimentales, certains d’entre nous la jugeant responsable en grande partie des désastres passés. Mais la question d’une responsabilité collective, elle aussi, est discutable. 

Quoi qu’il en soit, les rares survivants, justement ceux qui avaient échappé aux vaccinations et qui avaient gardé un génome d’ ″origine″, sont maintenant dans des Hoos, au voisinage immédiat de centrales nucléaires, pour les raisons déjà évoquées plus haut. 

Ils ne sont pas faciles à gérer, l’hécatombe ayant frappé les plus dociles et sélectionné de ce fait les plus rebelles. On les reproduit quand même par clonage. Il y a trois centenaires, deux femelles et un mâle. C’est une curiosité même s’ils sont les plus pénibles, répétant sans cesse : « C’était mieux de mon temps ! ». 

Il est rare que nous ayons un contact direct avec eux car nous ne pouvons nous déplacer sur terre que dans des véhicules spéciaux. De plus il y a le problème de l’énergie pour le retour. Au début de la conquête spatiale, c’est sur terre qu’on l’accumulait. Maintenant c’est dans nos satellites qu’il faut y parvenir et ça demande du temps. Des iumains on n’a gardé que des gamètes congelés, leur « ère » ayant été si courte.

Nous sommes en 2084. La situation reste préoccupante à deux titres. D’une part, il y a la question des zorbytes qui sont les trajectoires des satellites. Elles sont loin d’être de la même ″qualité″ suivant leur altitude moyenne et leur orientation. Il y en a où on reçoit trop d’énergie, d’autres pas assez. C’est comme sur la terre où les bandes pas bien larges autour des 45ièmes  parallèles étaient les plus disputées. Il y a aussi la période de révolution qui joue le rôle du ″jour″ terrestre qui ne doit être ni trop courte ni trop longue. Il y a donc une concurrence et il faut rester vigilant pour rester sur une bonne zorbyte.

L’autre question fondamentale c’est l’usure inéluctable du soleil. Même si la planète va connaitre d’autres épisodes tempérés, l’évolution à long terme ne peut se faire que dans le sens du refroidissement puis d’une destruction du système solaire, avec l’épuisement de l’astre.

Il nous faut donc penser à chercher une autre planète bleue autour d’un astre plus jeune. Mais nous-mêmes les jumains ne pouvons pas sortir du système solaire, pour de simples raisons de longévité ou d’incapacité à hiberner ou vivre au ralenti comme les tardigrades. Pour relever ce défi, une nouvelle mutation est nécessaire. L’IA, sans laquelle l’idée même serait inconcevable,  est en pleine recherche pour mettre au point les kumains aptes à une navigation de très longue durée dans l’espace interstellaire. Aptes aussi à supporter l’angoisse de la quête d’une nouvelle planète bleue, donc avec beaucoup d’eau à sa surface, ce qui implique des limites précises au rayonnement de l’astre pour que les températures se maintiennent entre 273°K et 373 °K. Les humains auraient dit de leurs descendants qu’ils devront « rechercher une aiguille dans une botte de foin » ! 

La question de la station emportant les kumains au-delà du système solaire est un autre challenge. Elle aura aussi une forme torique mais en plus vaste. Un peu comme pour l’ancienne station ISS réalisée par les humains, tous les jumains de tous les satellites doivent collaborer pour la réaliser.

A l’arrivée, si arrivée il y a, il faudra recréer une espèce plus proche des humains. On prévoit de conserver l’hermaphrodisme et les mains à six doigts, mais aussi de retrouver des membres inférieurs proches des jambes, probablement au nombre de trois, terminées par des pieds à trois doigts ce qui assurera une excellente stabilité, également d’augmenter la boite crânienne. La taille des lumains dépendra de celle de la planète. Plus elle sera grosse, plus il faudra qu’ils soient petits pour ne pas être écrasés par la pesanteur. Leur longévité sera adaptée à la durée de lannée qui est la période de révolution autour de l’astre.

Tous ces plans avec tous ces détails, c’est l’œuvre en cours de BIGBROTHER. 

 

Blanchette Cottet

 

*Est-ce toujours un groupe d’individus ou une créature mixte, assemblage de deux genres différents comme les lichens qui associent un végétal et un champignon. En l’occurrence un computer créateur et utilisateur d’une gigantesque IA, donnant ses ordres à quelques jumains qui assurent sa maintenance et son évolution mais aussi dirigent les monopoles privés ? 

Quoi qu’il en soit, depuis la maladresse des vaccinations massives, nous n’avons pas à nous plaindre de BIGBROTHER qui veille sur chacun de nous.

Chaque jumain de tous les satellites est codé, suivi, pourvu d’un « revenu universel ». C’est la belle vie jusqu’à ce que nous soyons usés et recyclés.

C’est pourquoi, devenus kumains puis lumains sur une nouvelle planète bleue, certains d’entre nous auront la tâche et le devoir de convaincre les éventuels êtres vivants primitifs de suivre notre modèle, comme l’avaient fait il y a si longtemps les humains dit « missionnaires » qui avaient évangélisé les natifs du monde non européens. Il est prévu d’imposer une organisation de la vie sociale en séquences de douze manches au lieu de sept jours, avec une manche dédiée à BIGBROTHER la dixmanche accompagnée de la publication régulière de lumanitédixmanche ! 




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