En manif contre le pass à Rennes

"Partout, nous aurons la même démarche : reconnaître le civisme et faire porter les restrictions sur les non-vaccinés plutôt que sur tous."

Lorsqu'il a sorti cette abjection, Emmanuel Macron était-il en pleine possession de ses moyens intellectuels et moraux? En a-t-il vraiment encore à sa disposition ? Jean Castex et son orchestre qui joue faux ont-ils eux aussi compris la portée d'une telle saloperie ? Autrement dit, font-ils vraiment exprès d'être aussi cons et mesquins, néfastes et féroces? Pass ou passe, tiennent-ils là le prochain dilemme sur lequel vont s'écharper les Français?

Je fais tourner et retourner dans ma tête toutes ces questions qui m'assaillent depuis le 12 juillet. Je suis officiellement en vacances mais allez faire vacance (voir notre édito de la version papier de juillet) quand la France entière parle de vaccin « obligatoire » et de pass sanitaire. J'ai donc pris l'autobus pour rallier Rennes afin de participer à la manif du samedi 24 juillet. Une voix de robot qui nous remercie toutes les cinq minutes de notre compréhension à propos du port du masque obligatoire, pas encore d'ausweis exigé. Cela vaut mieux car je n'ai pas l'intention de me faire vacciner. D'un commun accord avec mon épouse, on a choisi d'en chier un peu pendant nos vacances mais de ne pas céder sur un coup de tête aux injonctions à l'injection . Sur nos cinq mômes pourtant, quatre se sont fait vacciner sans qu'on ne les menace de les déshériter. Comme la plupart des jeunes, ils l'ont fait de guerre lasse, sans conviction, sans fanfaronnade, histoire d'être bien sûr de ne pas être refoulés d'où que ce soit pendant leurs déplacements.

En deux heures de trajet, j'ai eu le loisir de gamberger. Entre deux pages du roman de SF poisseuse « Stalker » dont je vous reparlerai, j'ai laissé vagabonder mon humeur dans la campagne gallo (le 35, c'est dans le pays gallo, non bretonnant de la pointe armoricaine), déjà copieusement arrosée sous un ciel menaçant et colorié au crayon gris 6B.

Et donc cela fait plusieurs jours déjà que j'essaie de mettre tout mon savoir en perspective. Je connais les bienfaits des vaccins DT Polio et tout le toutim que les pro-vax nous rappellent comme les piqûres du même nom mais avec moins d'efficacité. J'ai déjà eu l'occasion de l'écrire ici, je ne suis pas pour le vax-à-tout-prix, non par peur de la piquouze (je donne mon sang tous les deux mois), mais par conviction sanitaire. Eh oui, j'ai des convictions sanitaires. Je pense que notre corps a un incroyable talent (sans rire!) et qu'il faut non seulement lui faire confiance le plus possible mais lui donner tous les moyens d'exercer pleinement ses fonctions. Le vaccin est indispensable pour quatre maladies. Très bien. Pour l'obligation des onze autres vaccins de 2018, je suis moins persuadé que cela soit bien utile mais je n'y suis pas fondamentalement opposé. Faudrait peut-être qu'on m'explique, que j'en sache un peu plus et que je sois bien persuadé qu'il n'y avait en 2018 aucune convergence d'intérêt entre Buzin et Bigpharma. Mes enfants étant grands, j'ai un peu zappé le problème. Pour le Sars-CoV2 et toute la batterie de vaccins qu'on propose, je suis un rien plus perplexe. Ce qui me rend plus perplexe encore, c'est le peu d'occasion que l'on a eu d'entendre de vraies explications, de véritables débats de fond non biaisés. On ne peut pas comparer la polio et la Covid-19, leurs dangerosités respectives, leur taux de mortalité et leurs éventuelles séquelles. Il est surtout un élément dont le gouvernement et les médias évitent soigneusement de parler, c'est l'absence de mesures pour remettre l'hôpital public sur pied. Des dizaines de milliards sont injectés dans des vaccins et des tests PCR coûteux, nettement moins dans des recherches sur les médicaments (il en existerait pourtant) et rien du tout dans une vraie politique sanitaire à long terme. Véran est néfaste et féroce et son obstination fascistoïde est on ne peut plus inquiétante. Entre lui, Macron, Darmanin et Blanquer, l'autoritarisme a endossé un nouveau costard, il porte un masque inédit, celui d'une « technocrassie » aveuglément technolâtre et imbécile. Informatique, courbes, tableaux excel, statistiques foireuses, profits à court terme : le vaccin est beaucoup plus juteux que les autres manières possibles (et souvent cumulables) de lutter contre un virus qui nous empoisonne l’existence mais pas tant que ce régime de bananes cravatées à l'idéologie présidentielle quasi-messianique (#niquetonpeuple).

J'étais donc dans d'excellentes dispositions pour affronter la météo. Trois heures avant la manif, Rennes m'a paru gentiment léthargique. C'est l'été et comme ma ville natale accueille durant l 'année scolaire des wagons d'étudiants, fin juillet rime avec calme plat. J'ai bien repéré six fourgons de CRS devant l'ancienne préfecture, loin tout de même du lieu de rassemblement à République. J'ai failli aller dire au nervi bleu marine qui tirait maladivement sur sa cigarette qu'on ne les exempte pas de vaccin pour qu'ils aillent encombrer les services de pneumologie dans dix ans. Mais j'ai senti que ce n'était pas le moment d'entamer le dialogue. Plus l'heure du rendez-vous approchait, moins on voyait de flics. Les RG avaient dû infiltrer le rassemblement car je n'ai pas vu l'ombre d'un flic en uniforme dans le centre-ville, si ce n'est trois fliquettes devant la mairie pour canaliser les cortèges de mariage. On a juste traversé sans le moindre soupçon de résistance, un malheureux cordon d'à peine une vingtaine de CRS aux abords du nouveau Palais de Justice mais pendant qu'on tournoyait dans le centre, avec un parcours hallucinant et emberlificoté dans des rues à goulet et devant des vitrines commerciales. On est même passé près d'un tas de pavés parfaitement accessibles, à deux pas de la magnifique devanture de Séphora. Place du Palais, la circulation n'avait même pas été coupée et plusieurs berlines se sont retrouvées au milieu de la foule, avec à l'intérieur des occupants sans aucune intention de manifester si ce n'est leur peu d'intérêt pour l'intérêt général par un coup d'accélérateur dès que ça a été possible. D'habitude, le préfet Berthier a la main beaucoup plus lourde comme à Redon. Mais l'animal devait être en vacances et le cortège m'a donné l'impression d'errer à sa guise dans les rues piétonnes ou pas d'ailleurs. Il paraît que certains CRS présents ont enlevé le casque et versé une larmichette. Excusez-moi d'ironiser mais ça s'est déjà vu et les flics sont encore là pour appliquer des ordres iniques quand ils sont sous pression. Je demande donc à voir. Pareil pour l'armée. Ces mecs ne sont pas encore de mon côté. Désolé pour jouer les rabat-joie mais on a été échaudé en 1871. Bon mais les schmits se sont tenus cois, c'est déjà ça !

Il faut dire que, si nous étions plus de 2000 à 14h15 sous une pluie battante, l'ambiance était tranquille et sereine. Sous les voûtes de la Poste, la musique techno d'un sound système portatif a résonné quelques minutes, histoire de réchauffer les cœurs, et ce sont ensuite les slogans assez nourris qui ont pris le relais. Une dame m'a demandé les paroles de « On est là » pour les enregistrer (c'est vous dire si c'était un public de primo-manifestants). On a réchauffé le slogan de 86, avec « Macron, si tu savais, ton vaccin où on s'le met... » mais la majeure partie du temps, c'est le duo « Liberté, résistance », presque groovy, qui a sonorisé la manif sans oublier un assez furtif « touchez pas à nos enfants » du côté de la place Hoche.

De ce que j'ai pu discuter, la plupart des présents n'étaient pas des habitués de la protestation de rue. Certains étaient déjà venus la semaine précédente. D'autres étaient là pour se sentir moins seuls et se rassurer. Notamment ce quinqua de la région du Mont-Saint-Michel qui m'a raconté comment, avec sa femme aide-soignante, il se sentait stigmatisé dans leur environnement professionnel. En famille, il évitait d'en parler pour ne pas être ostracisé un peu plus encore. Ce n'était nullement un intégriste anti-vax catholique (j'en n'ai pas vus, juste quelques drapeaux français, un éternel drapeau breton, pas une seule chasuble jaune fluo, sans doute quelques droitards du RN venus en petits troupeaux) mais un prof de tai-chi très conscient de ce que je vous disais plus haut : le corps est un formidable instrument pour exercer notre liberté à condition de l'entretenir sinon ça devient un instrument de soumission. Aucun vaccin au monde ne pourra rien contre la MacDose, la malbouffe quoi qu'il en coûte, le tabac, l'alcoolisme, les médocs.

En parlant bouffe, à plusieurs reprises avant la manif, j'ai vu passer devant moi, alors qu'il pleuvait des cordes, des forçats de l'Uber Eats, avec leur sac à dos mal foutu, trempés sur leur vélo et je me suis demandé si les gens qui commandent par une météo pareille leur accordaient un pourboire « spécial rincée ».

Je me suis aussi demandé ce qu'il pouvait bien se passer dans la tête de cette jolie petite nana bien propre sur elle qui tapotait sur son i-phone, à l'abri d'un salon de thé, en jetant à peine un regard presqu'ennuyé sur ces pauvres blaireaux trempés qui défilaient dehors. Mon voisin l'a interpellée : « Eh, cocotte, c'est pour toi qu'on manifeste ! » Derrière la vitre, elle n'a sans doute rien entendu. Le blindage était, à mon avis, au-delà du simple vitrage. C'étaient nous qu'étions sous l'eau, c'était elle dans l'aquarium. Qui se noiera le premier ?

Sinon l'accueil des badauds étaient plutôt sympas mais je n'ai vu personne quitté sa place pour rejoindre le cortège. Au mieux, ça filmait avant d'envoyer un post sur Instagram ou FB.

La pluie a bien évidemment un peu découragé les pancartes. J'en ai quand même noté quelques-unes. « Bienvenue en Chine », « Couillona Virus, les vagues pour les gueux, le surf pour la pègre », « La tyrannie sanitaire marque l'impossible redémarrage du capital », « Une réelle pandémie n'a pas besoin de propagande », « Abandonner Mamie en fin de vie ou ma liberté ? ». Pas d'étoile jaune détournée, juste un « non au pass » avec des S de SS. En plein défilé, j'ai eu l'idée de mon « No paSSaran » et j'en ai fait un post FB en rentrant. Je n'ai pas crié « liberté » très fort mais j'ai gueulé « résistance » et ça m'a rappelé de bons souvenirs.

Au final, malgré les quatre heures trente d'autocar aller-retour, je suis content d'y être allé, à Rennes. Mes chaussures sont toujours en train de sécher mais ça m'a un peu rasséréné. Le Ministère de l'intérieur annonce 161 000 manifestants, chiffre repris en cœur par la grosse presse qui ne prend même plus la peine de citer sa source. A sa décharge, l'absence de véritables organisateurs ne permet pas d'annoncer un deuxième chiffre. Peu importe. Ce qui compte, c'est qu'en plein mois de juillet, sans le soutien des étudiants en vacances, la mobilisation était loin d'être ridicule, une mobilisation déterminée et sereine avec des gens beaucoup moins politisés que moi pour la plupart et qui pour certains découvrent cruellement la réalité du pouvoir pseudo-libéral. Ils ne se font plus d'illusions vis à vis du gouvernement mais la grande majorité des gens croient encore aux institutions, aux grands mots comme liberté dont je ne suis pas sûr que nous ayons tous le même sens en tête. J'y reviendra très prochainement car ça me démange. D'ailleurs, c'est pas le genre de concept qu'on remet en débat dans une manif. Beaucoup compte sur une montée en puissance de la résistance, une explosion en septembre. Je n'ai pas rencontré un seul gilet jaune ouvertement déclaré mais tout le monde a le 17 novembre 2018 dans le rétroviseur. L'idée d'un vrai soulèvement populaire en travaille certains, peut-être même Castex et sa petite musique de plouc. J'en sais rien. Y avait plus de gens dans la rue en une journée qu'il n'y aura jamais de morts du covid-19 (malgré le bidouillage des chiffres officiels) mais je trouve que la vraie mobilisation se fait attendre : beaucoup de gens, moi le premier, aspirent à souffler un peu. Très peu sont persuadés que la bande à Macron est malveillante et ne veille que sur les intérêts des gros. Les radicaux restent très minoritaires. La colère est là mais la crainte et la résignation aussi. Et puis, il y a ce foutu bien-être, celui qui vous fait préférer une terrasse bien au sec avec un bon demi et la perspective de pouvoir partir à l'étranger à une marche en groupe un peu n'importe comment mais solidaire sous une pluie continue.

On est à un tournant. Soit on suit Macron et la pègre stato-financière, les actionnaires, les préfets, les télés, la grosse presse, les kékés des métropoles sur leurs trottinettes électriques, les tout-sauf-l'inconnu et on va droit dans le mur dont les images de catastrophe vont se succéder sur nos écrans jusqu'à ce que le sol se dérobe sous nos pieds. Soit on sort sous la pluie et les lacrymos qui ne tarderont pas à pleuvoir à nouveau pour gueuler qu'on ne veut pas mourir tranquille, ni vacciné-à-tout-prix, ni obèse, ni alcoolique, ni cupide, ni sous anxiolytiques ni en hypertension mais vivre un tant soit peu souverains, solidaires, sans doute moins friqués mais dignes. Tout le contraire en somme de ce que nous impose ce pass de la crainte et du dépit.