Réflexion autour du passe sanitaire

Illustration : Sameer Al-Doumy/AFP

Aujourd’hui et plus que jamais — comme quoi c’est possible —, le débat national, en s’articulant autour d’un manichéisme barbare, concentre en son sein toute l’absurdité consternante de notre société. Absurdité d’une part, et bêtise de l’autre, car il nous faut bien admettre que les capacités de réfexion et d’analyse critique semblent s’effacer complètement au contact des moyens d’informations. Ce manichéisme barbare dont il est question est l’opposition frontale entre les pro-vaccin et les anti-vaccin. Les uns considérant dans une même mesure les autres, d’un côté comme des conformistes en troupeau, et de l’autre comme des conspirationnistes déviants. Cet antagonisme stérile est alimenté jusqu’à l’étouffement par les discours anxiogènes, manipulateurs et clivants de nos élites politiques et médiatiques. Et, bien que cette dichotomie ne soit pas dénuée de tout fondement, il n’en demeure pas moins qu’elle repose sur une vision profondément réductrice. Cette épouvantable pauvreté du débat cache une réalité bien plus alarmante. Car en concentrant l’attention sur une problématique qui, malgré des apparences contraires, est secondaire, elle permet d’éluder les question fondamentales que la situation dramatique dans laquelle nous nous trouvons soulève.

Reprenons l’essentiel. Si tout tourne autour du vaccin, c’est car il est brandi comme seul remède, comme unique moyen pour un retour à la “vie normale“. D’ici deux interrogations surviennent. D’une part, est-ce bien le cas ? Et d’autre part, lorsque l’on considère attentivement ce à quoi fait référence la “vie normale“, est-ce vraiment souhaitable ?

Tout d’abord, une position doit être mentionnée. L’auteur de ces lignes n’est en aucun cas un antivaccin, ni un conspirationniste. Mais puisqu’il s’agit d’exprimer une opinion, qui à certains égards remettra en cause le discours officiel, celui-ci ne se fait nullement d’illusion quant à la façon dont risque d’être repris ses propos. Mais précisons bien une chose, être contre le passe sanitaire ne signife pas être contre le vaccin. C’est évidemment l’amalgame favori de nos experts éditorialistes, qui fait d’ailleurs écho à l’épithète désormais si commun de “conspirationniste“ dont on affuble allègrement les individus qui osent questionner. Le conspirationnisme est le plus grand allié du pouvoir, grâce à lui toute opposition peut aisément être discréditée. Donc que les choses soient claires, le vaccin est une prouesse remarquable et un atout indescriptible. Et il est très fortement recommandé pour une partie de la population, mais sur ce point nous reviendrons.

Alors de quelle opinion parle-t-on ? Et pourquoi l’exprimer ? La motivation première de ces lignes répond à la complexité chaque fois renouvelée d’expliquer mon refus de la vaccination. Car à l’instant où celui-ci se manifeste, il se confronte à un nombre affligeant d’oppositions péremptoires et exaltées, et ouvre la voie à un ensemble d’accusations irrationnelles, qui vont de l’égoïsme coupable à la preuve de ma stupidité, quand je n’en deviens pas platiste. Donc je tiens ici à détailler l’ensemble de mes motivations afin qu’à chaque fois que ce débat s’ouvrira, je puisse renvoyer mon interlocuteur à ces lignes.

Ma position se base sur ce constat : la covid 19 n’est ni la peste, ni le choléra. Pour l’immense majorité de la population le taux de mortalité est très faible. Il est estimé à un peu moins de 3% de manière générale, tout en sachant qu’en France, entre le 1er mars 2020 et le 1er juillet 2021, la distribution des personnes décédées selon la tranche d’âge était de 8% pour les 45-64 ans, 18% pour les 65-74 ans, et 73% pour les 75 ans et plus. Ce qui signife qu’en dehors des personnes dites “à risque“, il est en réalité extrêmement faible. Et outre nos aînés, les plus vulnérables d’entre nous sont les individus victimes de troubles respiratoires ou cardiovasculaires, et les individus en surpoids. Rappelons à toutes fins utiles que dans la majorité des cas ces troubles sont la conséquence directe de notre modèle sociétal. La pollution de l’air est en grande partie responsable des troubles respiratoires, quand notre alimentation, dictée dans les grandes lignes par la bienveillante industrie agroalimentaire à l’aide d’un matraquage publicitaire indécent, est loin d’être idéale pour notre bien-être corporel. Cela revient à dire qu’en dehors des personnes âgées, les individus vulnérables le sont du fait d’une exposition à toutes les dérives du fonctionnement de notre civilisation. Pour ce qui est du reste de la population, la covid 19 est rarement dangereuse. Je puis en témoigner l’ayant moi-même contractée, avec certains symptômes aussi désagréables qu’éphémères. Et dans la plupart des cas elle est même asymptomatique, donc sans conséquence pour le porteur.

Ces précisions faites, il reste fondamental d’expliquer que le vaccin possède deux effets on ne peut plus bénéfiques. D’une part il protège les plus fragiles, et d’autre part il freine considérablement la propagation du virus. Il ne le neutralise pas, puisque même vacciné on peut contracter le virus, et donc le transmettre, mais dans des proportions fortement limitées. Rappelons qu’il en va de même pour les personnes qui auront été contaminées. Avoir contracté la maladie possède exactement le même effet que s’être fait vacciner.

NDLR : pour être pleinement protégé, il est tout de même nécessaire d’effectuer une seconde dose de vaccin, une seule sur les deux, donc. Dans le but d’être le plus précis possible, voici un graphique comparant la deuxième et troisième vague en Angleterre où 68 % de la population est actuellement vaccinée :

Sur chaque partie du graphique, à gauche les « cas par 100 000 personnes » et à droite les « morts par 10 000 personnes », la vaccination ayant drastiquement réduit la mortalité. 

Et quand bien même il est impossible de savoir combien de temps l’immunité est effective pour les guéris, il en va de même pour les vaccinés. On parle déjà d’une troisième dose pour les premiers à avoir reçu une injection. Jusqu’où cela va-t-il aller ? Car ces vaccins ne sont pas des dons du ciel. Ils sont un produit marchand que nous payons via nos impôts, leur gratuité relève du fantasme. Ce qui soulève un problème non négligeable à mes yeux. Certes, le vaccin sauve des vies, il protège notre système de santé, mais il enrichi considérablement une industrie dont les dérives ne sont plus à prouver. Une petite parenthèse mérite également d’être ouverte. Si le système de santé en est arrivé au bord de la rupture, ce n’est pas seulement dû à l’ampleur de la pandémie. C’est également la conséquence de politiques publiques misent en œuvre depuis plus de vingt ans qui ont conduit à son délabrement. Les responsables sont d’ailleurs ceux qui aujourd’hui nous donnent des leçons, c’est un glaire à la figure. Fermons la parenthèse. Donc l’utilisation massive du vaccin, bien qu’indéniablement bénéfique, soulève d’autres questions d’ordre éthique. Mais ce qui me frappe surtout, c’est qu’il n’existe officiellement aucune alternative. Or à mes yeux, les vaccins ne traitent que les conséquences, en aucun cas il ne s’en prennent aux causes. C’est caractéristique de notre civilisation. Au lieu de soigner la maladie (et je ne parle pas de la covid) nous nous attaquons à ses symptômes, et rien n’est plus vain. Mais cela n’est pas le fruit d’une quelconque ignorance. La maladie sert bien des intérêts.

Sans entrer davantage dans l’explication laborieuse d’une telle affirmation, aux racines profondes et aux ramifications nombreuses, et qui aurait pour conséquence de nous éloigner de notre sujet, revenons-en à ces vaccins. On a pu voir qu’ils servaient autant des intérêts bénéfiques à l’ensemble que des intérêts particuliers qui alimentent un système condamnable. Mais ce qui me gêne le plus avec la vaccination, ce ne sont pas les vaccins eux-mêmes, ce sont les méthodes employées pour les imposer insidieusement, en mettant en place des outils aux effets gravement délétères dans des domaines très éloignés de la santé. Nous en arrivons au cœur du sujet, le passe sanitaire. Tout œil averti pourra aisément y déceler l’archétype même de l’outil de contrôle d’une population. Il permettra au pouvoir de savoir ce que nous aimons, avec qui nous le partageons, quand, à quelle fréquence, et dans quelles conditions. Alors certes, aucun dispositif n’est prévu à l’heure actuelle pour tracer ou enregistrer les scans du passe sanitaire. Techniquement, les données ne pourront pas être exploitées par l’Etat, elles resteront a priori strictement confidentielles (bien que stockées dans des serveurs appartenant à Amazon, mais nous irions trop loin en traitant cet aspect du sujet). Donc libre à chacun de croire ou non à l’utilisation de ces données pour un autre objet que la sécurité relative à notre santé, mais, cela étant dit, mes inquiétudes concernent principalement l’avenir. Rappelons que depuis 2015, nous vivons en situation d’état d’urgence quasi constamment. Ce régime permet l’élaboration de décrets en passant outre le parlement. Au regard des dernières années, et a fortiori des derniers mois, toutes les interrogations au sujet de l’utilisation future des données recueillies par le passe sanitaire sont légitimes. Personne ne me fera croire que ce gouvernement peut être cru sur parole, les va-et-vient incessants, les positions à géométrie variable et les contradictions constantes renforcent mon sentiment. Et en ce qui concerne le futur, au regard de la montée des apprentis dictateurs çà et là sur la planète, et dans des pays démocratiques qui plus est, je considère que mes inquiétudes au sujet de la France sont fondées. Au-delà de cet aspect, je serais malhonnête de ne pas mentionner le fait que nos téléphones portables offrent déjà ce pouvoir à ceux qui ont les capacités d’exploiter leurs données, et nous ne leurrons pas, aucun ne s’en prive, mais cela reste malgré tout illégal. Donner cette légitimité de contrôle à l’État me pose un réel problème. Et, outre ce legs de données personnelles, le passe sanitaire offrira un autre levier au pouvoir, il permettra d’étouffer tout type de contestation, car rien n’indique qu’à terme il ne soit pas demandé pour aller manifester. Il pourra également être utilisé afn d’interdire tout type de rassemblement public supérieur à cinquante personnes, si l’une d’entre elle n’en possède pas. Alors que de nos jours, toute contestation doit faire face à une répression agressive et autoritaire alarmante, demain, avec le passe sanitaire, elle ne sera tout simplement plus possible, ou tout du moins la légitimité de façade de cette répression sera drastiquement renforcée. Dès lors, donner son assentiment citoyen à un outil d’une telle puissance coercitive est contraire à tous les idéaux de la dignité humaine. Il est à mon sens inacceptable de tendre la corde à nos futurs bourreaux, car si demeurent encore de nos jours des fragments de démocratie, rien n’indique qu’ils subsisteront demain. Et nous serons les responsables. Nous avons déjà la responsabilité de l’état misérable dans lequel nous laisserons la planète à nos enfants, mais si on y ajoute un système politique totalitaire, nous ne sommes plus responsables, mais coupables.

Loin de moi l’idée d’imputer la seule responsabilité au bas peuple. Je laisse le monopole de ce discours à nos responsables politiques et à nos élites médiatiques, tant ils semblent y prendre du plaisir. Mais je me refuse à voir le peuple comme une simple victime, ou alors comme une victime autant consentante qu’expiatoire. Or, là réside notre seule responsabilité, notre unique liberté. Pouvoir dire non. Je ne dis pas non au vaccin, je dis non au choix qu’on m’impose. Un choix n’est jamais libre, il s’agit toujours d’un sacrifice, alors je prends la décision de m’y opposer. Je ne me ferai pas vacciner, non pas car je suis contre le vaccin, mais parce que je suis contre tout ce qu’il représente désormais. Á savoir le soutien libre et consenti à une politique de privation des libertés dans le but avoué du maintien d’un système dévastateur, tant au niveau humain qu’environnemental, si tant est qu’on puisse séparer l’un de l’autre. Et nous en revenons au sujet initial, le retour à la “vie d’avant“.

Par-delà le grignotage continuel de nos libertés, un drame encore plus profond se joue dans l’ombre. Au moment où ces lignes sont écrites, des inondations frappent chaque jour une nouvelle partie du monde. L’ouest nord américain continue de brûler, et partout les catastrophes environnementales s’amplifent. Cette année, 2021, battra le record des émissions de gaz à effet de serre, bien loin des idéaux larmoyants des accords de Paris. Alors certes, on en parle, les médias relaient ces informations, mais on en est devenu tellement coutumiers qu’on n’y fait plus attention, on en discute en terrasse ou dans les dîners mondains, puis très vite le vaccin revient sur le devant de la scène. C’est à la lumière de ce constat affligeant que la splendide absurdité de notre époque se dévoile. Car beaucoup le savent, si la Terre brûle, littéralement, c’est la conséquence directe du modèle même que la vaccination tente de sauver. Si demain on me dit, bien, nous n’avons pas fait les bons choix jusqu’à présent, nous allons repenser tout notre paradigme sociétal pour opérer une refonte en profondeur et inverser son axe des valeurs, alors je me fais vacciner tous les jours. Si en revanche on me dit, maintenant vous avez l’obligation d’être vacciné pour occuper un emploi, avoir une vie sociale, voyager, et cela parce que l’économie doit reprendre ses droits, de loin supérieurs à ceux des individus soit dit en passant, pour qu’on continue comme avant à produire pour consommer et consommer pour produire en détruisant tout au passage, alors forcément, j’émettrai des réserves.

Voilà en réalité le véritable enjeu. Au-delà de la fracture artificielle, créée pièce par pièce par nos élites entre pro et anti vaccin, se cache les contours du futur. Refuser de prendre part à la mascarade, s’opposer dès maintenant au choix fallacieux qu’on nous offre, à défaut de l’avoir fait plus tôt, est impératif pour l’avenir de nos enfants. Je refuse le vaccin car je refuse le passe sanitaire. Je m’oppose au passe sanitaire car je m’oppose à la société qu’il façonne. Cette société qui dévaste tout, s’accapare les hommes, s’approprie la nature, et mutile le monde. Cette société qui autorise que les “premières de cordées“ au cœur du confnement continuent à voir leurs droits rognés par un pouvoir scélérat pendant que des milliardaires cyniques s’amusent dans l’espace. Cette société, défendue corps et âme par un président qui nous a révélé qu’à ses yeux nos existences n’avaient pour unique but que de produire de la valeur, et ce jusqu’au plus tard possible, tandis que ses bienfaiteurs ont vu leurs fortunes s’étendre obscènement sans bouger l’ombre d’un petit doigt, est inacceptable. Donc non, je ne refuse pas de me faire vacciner car je suis anti-vaccin, je refuse de me faire vacciner car je refuse d’obéir à l’injonction gouvernementale. Obéir, c’est soutenir.

Sous le couvert d’une rhétorique culpabilisante à vomir, affirmant sans ambages que ceux qui refusent la vaccination mettent en danger la vie des autres, le gouvernement se défausse de ses propres responsabilités dans la crise que nous traversons avec le cynisme absolu de prétendre vouloir protéger la population. Si telle était réellement sa volonté, alors il prendrait en considération de façon définitive les dangers auxquels la destruction minutieuse de l’équilibre environnemental nous expose, dont les épidémies font par ailleurs partie. Les relents totalitaires des discours présidentiels, de plus en plus nombreux, de plus en plus décomplexés, n’augurent rien de bon. Et bien que de nombreuses voix s’élèvent, elles sont quasiment inaudibles, noyées puis submergées par ce débat national autour de la vaccination qui ne poursuit d’autre objectif que de nous opposer les uns aux autres. Plus occupés à commenter les commentaires et à réagir aux réactions, nous cessons de réféchir. Il est grand temps de comprendre que l’ennemi ce n’est pas le virus, que la guerre, ce n’est pas contre lui qu’il faut la mener. C’est contre le système qui lui a donné sa force, qui a permis son ampleur, et qui pour le moment, est le seul à en tirer profit.

Pierre-Julien Ravail.

Petit insert de Lucien Puget : Je souhaitais écrire moi aussi un article qui résumait mes positions sur toute cette histoire de vaccination et de passe-sanitaire tant le débat publique s’est polarisé et complexifié. Et voilà que tombe dans mes mails un article de 4 pages résumant quasi parfaitement ce que j’aurais voulu écrire (– Il faut croire que même quand je souhaite bosser un peu pour vous pondre un article, on arrive à me couper l’herbe sous le pied ! –). Je voulais simplement diverger à peine sur une position que tient ici Pierre-Julien Ravail sans vous emmerder avec un deuxième article résumant (moins bien) ce qu’a déjà dit notre cher auteur, alors j’ajoute ce petit insert ici : N’oublions pas que nos choix politiques lorsqu’ils s’appliquent à un problème de santé publique peuvent impliquer des morts, et en tant que grand « humaniste » (on va dire!) je cherche à promouvoir une vision de société cherchant à préserver au maximum le vivant, nous y compris, et force et de constater si l’on va chercher les chiffres de santé publique france et les comparer à ceux d’autres pays : le vaccin réduit drastiquement les cas graves et les hospitalisations, et donc les morts. Pour pouvoir continuer à défendre/lutter pour notre vision d’une société décroissante et respectueuse du bien commun et de notre planète, il faut déjà être en bonne santé. C’est pourquoi j’aurais tendance (en mon nom) à vous encourager à vous faire vacciner pour vous protéger vous et vos proches, ce qui n’est à mes yeux pas incompatible avec la vision qu’à ici Pierre-Julien Ravail au sujet d’un retour non désiré à un modèle économique et sociétal qui nous pousse droit dans le mur…