Liberté mal chérie
On entend plus que jamais parler de liberté. Tout le monde s'en réclame. LI-BER-TÉ : les manifestants « anti pass » scandent son nom autant qu'ils appellent à la résistance. En face, les souteneurs du pass leur rétorquent que la liberté des uns se termine là où commence celle des autres, sempiternelle tarte à la crème d'une république qui, à trop parler de libéralisme, de laïcité et de tolérance, en a oublié le sens de l'éthique. Toujours est-il que le désir libertaire des uns se heurtent aux mesures liberticides du pouvoir pseudo-libéral. Mais de quoi Macron et ses oukases peuvent-il me priver au juste ?
Tout d'abord, rappelons que les derniers décrets gouvernementaux ne m'obligent pas à proprement parler à me faire vacciner. Même s'il est biaisé et rabougri, ils me laissent le choix.
Soit je me conforme au protocole vaccinal et je reçois un pass sanitaire de plusieurs mois, soit je me fais tester et je reçois un sésame rapidement obsolète, soit je deviens un citoyen de seconde zone pour un temps indéterminé. Le laisser-passer en soi ne m'interdit rien mais ne pas l'avoir ne me permet plus d'accomplir certaines choses que j'avais l'habitude de faire. Si tu veux boire un coup en terrasse, tu te fais piquer, un point, c'est tout. Mais t'es pas obligé, mon pote ! Demain, ce sera la même chose pour bosser. Et tout ça au nom de la santé publique et de la solidarité.
N'en déplaise au sophiste élyséen , le problème est ailleurs et sous d'autres cieux, Socrate se serait gentiment foutu de sa gueule. Comme le vieux barbu athénien est un peu pris par les vacances, je vais donc faire prendre la maïeutique à sa place. En tant que non-vacciné, l'exercice de ma volonté est aujourd'hui limité par la loi mais ma volonté reste intacte. Cette obligation insidieuse lui donne même l'occasion de s'exercer plus que d'habitude.
En effet, il est tentant de céder à la pression ambiante, de suivre ou de s'engager sur la voie tout tracée du bon citoyen dessiné par Jean Castex et sa bureaucratie. « Je me vaccine, je protège tout le monde ». Deux doses, un masque, un pass pour la liberté. Et à bientôt pour un rappel... ou deux, ou plus.
Selon le discours officiel, les vaccinés mettraient plus de chances de leurs côtés de ne pas développer une Covid-19 grave et diminueraient leur éventuelle contagiosité. Je me protège, je te protège. Le raisonnement est limpide, s'y conformer relève du bon sens fraternel. Comme il relève du bon sens commun de ne pas chercher les ennuis et la situation la plus confortable consiste à finalement faire ce que l'institution (le pouvoir en place) attend de moi. Obtempérer, me faire vacciner, produire, consommer, obéir, profiter de mes vacances ou de la rentrée pour dépenser mon argent, adhérer au modèle économique dominant, céder à mes envies immédiates en me croyant libre.
N'oublions pas que la France vit dans le culte du vaccin depuis fort longtemps. Le refuser, c'est aller contre le sens commun. Oui, mais refuser quoi ? Le vaccin ou le culte du vaccin ? Car culte signifie exclusivité et c'est ce vers quoi on nous fait tendre. « Le vaccin est l'unique solution pour sortir de cette crise », entend-on partout dans les médias dominants et avant tout dans la bouche des dirigeants. Et les mêmes reprochent aux complotistes de tout ramener à la même cause. Faudrait savoir ! Qui sont les réductionnistes ?
Au-delà des médias et de la propagande sanitaire orchestrée par Olivier Véran dont on peut tout de même mettre le bon sens en doute au vu de son parcours récent, ce sont les voisins, les collègues et les proches qui ont pris le relais pour faire pression sur les réfractaires. Si on peut éteindre la télé, c'est plus difficile de faire taire son petit ami ou sa mère, d'autant qu'ils prêchent avec la ferveur des convertis. Cela dit, des comme ça, j'en ai pas rencontré des tonnes sauf sur les réseaux sociaux.
Nous voilà donc devant trois grands groupes de comportement. 1) les vaccinés de la première heure contre le Sars-CoV2 par conviction sanitaire et peur du virus, 2) les vaccinés (ou futurs vaccinés parce qu'il y a de l'attente) par conformisme, confiance en l'autorité ou crainte du pouvoir, 3) les non-vaccinés qui résistent à l'injonction de l'injection pour des raisons diverses. Je mets de côté les laisser-pour-compte de Docto Lib.
La plupart des gens désirent un retour à une vie normale, comme si c'était une vie normale de ne pas mourir, ou de vivre en mauvaise santé pour tout un tas de causes principalement imputables au capitalisme moderne qui, d'un autre côté, a jusqu'à récemment rallongé notre espérance de vie, comme si c'était une vie normale de payer les salaires de politiciens sans scrupules et de fonctionnaires des ARS qui détruisent l'hôpital public en affirmant le contraire, bref comme si nous avions vécu normalement alors que des centaines de milliers de Gilets jaunes étaient dans les rues chaque week-end.
Désirer le confort matériel, intellectuel et moral, ce n'est pas la liberté. Fuir les questions et les informations contradictoires, ce n'est pas la liberté. A ce niveau, c'est l'intérêt animal qui motive chacun d'entre nous. Tous, nous sommes tentés de nous faire vacciner pour en finir avec la crise sauf ceux qui ont peur des aiguilles et qui sont encore moins libres face à leur phobie. Mais je pense qu'on n'en finira pas avec tout ce merdier simplement en se faisant vacciner ou en mettant Macron en taule. Tout comme Macron, le vax-à-tout-prix est le symptôme d'un système à la dérive. Les gestes barrières restent à l'ordre du jour et un rappel contre le prochain variant s'annonce déjà. Et je vous passe les réformes que l'oligarchie va nous balancer dans les dents dès septembre.
Faire confiance aux dirigeants et se conformer à ce que l'institution nous enjoint de faire, c'est certes s'assurer une certaine tranquillité citoyenne temporaire. C'est finalement le choix d'un grand nombre d'entre nous mais il n'y a aucune liberté là-dedans : c'est avant tout une réponse à un besoin de non-tension. Se faire vacciner, ça détend la plupart d'entre nous contre l'angoisse de tomber malade, de mourir en réa ou d'être montré du doigt par des imbéciles sûrs d'eux. Refuser pour l'instant le vaccin contre la covid-19, c'est s'exposer à l'opinion dominante qui reste pour l'instant celle du gouvernement et des médias. J'ai bien dit pour l'instant et vaccin contre la covid-19, un raccourci est si vite arrivé quand on a bouclé sa ceinture et qu'on est pressé d'en finir.
Si on se résume : soit je cède à mon désir de confort et de paix des ménages et je me fais piquer, avec en cadeau bonus le tampon moral et solidaire « je me vaccine, je nous protège ». Que ceux qui se sont fait vacciner pour sauver les personnes vulnérables lèvent le doigt !
Soit je résiste à mon impulsion première quelle qu'elle soit et je réfléchis, je pèse le pour et le contre, je me renseigne, je pose des questions, et j'exerce mon libre-arbitre. La liberté réside dans la résistance à ce que nous dicte notre instinct, notre besoin de satisfaction immédiate.
Il y a bien évidemment dans les vaccinés des gens informés qui ont pris cette option en connaissance de cause et ces personnes ont fait un choix libre et non-contraint.
D'un point de vue personnel, ce n'est pas mon aversion à Macron et Véran qui me retient de me faire vacciner. Je suis contre le vax-à-tout-prix, la fausse solution définitive qui ne va être qu'une fuite en avant vers pire encore. Je ne veux plus du monde d'avant et je crains encore plus le monde d'après que nous réserve cette bande de technocrates contrôleurs et fascisants qui profitent de l'épidémie pour véroler un peu plus encore toutes les institutions. Consultez la liste des membres du Conseil Constitutionnel et vous comprendrez de quoi je parle.
Alors de quoi me prive le pass s'il ne limite pas ma liberté qui reste intacte puisque je résiste à mon envie de ne pas avoir d'emmerdes ? Il va me priver d'autonomie ou, pour employer un mot royal, de souveraineté, ou plus exactement il va la restreindre. Comme une prison en somme qui réduit les activités sans altérer la liberté. Pouvoir tout faire, ce n'est pas être libre. Se laisser priver de cinéma, de concert, de musée, et demain de dessert, de boire un coup en terrasse, d'aller au resto et de mille autres petits plaisirs, ce n'est pas renoncer à sa liberté. C'est au contraire affirmer sa position contre une contrainte d'État à laquelle il n'est pas facile de résister. C'est peut-être stupide de ma part mais c'est mon droit . Je n'irai pas là où on me réclamera un pass. Je n'obligerai personne à penser comme moi. Convaincre peut-être, encore que sur le sujet pandémique, je n'ai aucune opinion arrêtée sinon qu'il va falloir qu'on prenne autrement soin de nos corps physiques et hospitaliers. Prévenir le plus naturellement possible et guérir médicalement quand rien d'autre n'est possible.
En revanche, j'ai des convictions éthiques et ce n'est pas une coercition très appuyée, sur mes loisirs ou sur ma vie professionnelle qui va me faire changer d'avis, encore que sur ce dernier point encore, je n'ai pas les moyens financiers de jouer les héros longtemps.
L'État tend donc à réduire mon autonomie. C'est même son penchant spontané : imposer une logique générale, canaliser la souveraineté individuelle et communautaire pour étayer son pouvoir. Identification et uniformité sont les maîtres-mots de l'appareil d'État. Un pour tous, tous pareils. L'ordre naît ainsi. Il classe, il uniformise, il contrôle. On peut aussi résister à cet ordre au nom d'un autre système mais on est toujours le jeu de forces qui nous dépassent un peu. Que la pression soit extérieure ou que l'impulsion vienne de l'intérieur, ma « liberté » est tout de même méchamment ballottée. Et le pire, c'est que depuis Spinoza, on admet que plus on croit être indépendant, plus on est en but à ces déterminismes invisibles qui nous font agir.
Alors que faire devant tout ce fatras ? Premièrement, bien distinguer ce qui relève de l'exercice de ma volonté à l'encontre de mon propre désir et ce qui répond à l'institution qui encadre ma souveraineté. Autrement dit, séparer la liberté morale des libertés publiques.
Sur le plan moral, chacun se débrouille comme il peut. Calmer ses craintes en se faisant vacciner et en respectant les gestes barrières, pourquoi pas ? Garder une certaine sérénité vis à vis de ce virus pas si tueur que ça même s'il est très contagieux, c'est plutôt mon option mais je n'embrasse personne de force car la discorde, c'est le gouvernement qui la sème sous couvert de protéger la population. Et de ça, il se fout pas mal car si telle était sa volonté, il déclencherait un vrai plan d'urgence sanitaire au lieu de contrôler les individus, d'inciter à la culpabilisation et d'encourager la stigmatisation.
Alors je reste libre en ne cédant pas d'emblée à mon désir de tranquillité. Je vais donc au devant de certains emmerdes qui se dessinent, des embûches que Macron et sa horde (sans oublier les bons samaritains de la piquouse que je préviens d'avance de ne pas me brancher sur le sujet) vont semer sur ma route mais je ne renonce pas à ma liberté. Je vais perdre de l'autonomie mais ce sera l'occasion d'exercer ma volonté et aussi mon imagination pour trouver d'autres manières de vivre que celles qu'on veut m'imposer : je reste donc libre de proposer autre chose mais contraint de gagner ma croûte.
Cependant, je me garderai bien de faire la morale à qui que ce soit. La propagande gouvernementale est championne en la matière. Mais je me permettrai de conclure par un vieux proverbe chinois de ma composition : à trop plier, le roseau finit par se coucher pour de bon.
À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.
Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès
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