Mode sombre

L’époque ne porte guère au débat sensé, les réseaux sociaux encore moins. Je suis tombé récemment sur un échange accrocheur. L’illustration a bien évidemment happé mon attention. Au-dessus, ce constat: « Seul un idiot peut se sentir heureux d'être vacciné pour être embastionné sur une terrasse de bistrot. » Embastionné me plait beaucoup, il témoigne d’un goût pour le mot rare, à mi-chemin qu’il est entre bastion et embastillé. Cela dit, c’est une provoc’ contre les conformistes qui privilégient le plaisir à la conviction. C’est leur droit mais ils ne peuvent pas non plus réclamer qu’on les applaudisse pour être en règle avec le gouvernement infantilisant des néolibéraux. Et voilà, qu’un contradicteur se pointe, tenancier de bar, et quelque part piqué au vif : « Seul un idiot regarde les gens dans les lieux recevant du public. On voit que les anti pass gueuler. Nous autres, on s’en fout à la base. » Je vous passe les émoticons et je plussoie ces prises de position. Il faudrait en effet être bien con pour observer les gens en terrasse, au cinéma ou dans un sous-sol de bar de nuit. Ensuite, il n’y a bien évidemment que les anti-pass qui protesternt les autres n’ayant aucune raison de le faire puisqu’ils sont vaccinés, « protégés », libérés? et peut-être d’accord pour la troisième dose et le prolongement de l’état d’urgence jusqu’à la fin du monde. Enfin, puisqu’à la base, ils s’en foutent, pourquoi répondre à une provoc’? La réponse à la réponse ne s’est pas fait attendre. « Moi je m'en fous, j'ai mes terrasses, mes restos. » Et donc mes réseaux et mes adresses. On est heureux pour notre anti-pass qui n’aura tout de même pas le dernier mot car notre cabaretier a de la répartie : « Alors pourquoi revendiquer un truc débile? On s’en fout. » Quand je dis qu’il a de la répartie, ce n’était pas un jugement de qualité mais de rapidité car la parade sonne creux comme un tonneau sans bière. Il est possible que la conversation se soit poursuivie dans mon dos mais je n’ai pas eu le courage d’y retourner voir. Au final, les deux points de vue sont aussi affligeants l’un que l’autre par manque de principes et de rigueur. D’un côté, un commerçant inconséquent prêt à céder à n’importe quelle injonction absurde pour servir des canons. De l’autre, un monsieur je-sais-tout hédoniste sans véritable conviction qu’on ne voit d’ailleurs jamais en manif où on se passe très bien de lui. A noter au passage qu’ils sont habituellement l’un comme l’autre d’un poujadisme réac très perso. Bref, laissons ce genre d’individus soigner leur cirrhose en terrasse! Moins de QR ! Plus de Qi ! Cap sur le collectif !


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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