Le plan B, B comme Bayrou
Je me suis longtemps demandé à quoi pouvait bien servir François Bayrou? Je savais bien qu’il avait élevé pas mal d’enfants et qu’il continuaient sur sa lancée avec des chevaux mais je n’avais pas idée qu’Emmanuel Macron avait pu lui confier une mission réelle dans la vraie vie. Pourtant le Haut Commissariat au Plan existe bel et bien et il produit… des enquêtes, très documentées et plutôt techniques mais pas inintéressantes. Celle de décembre 2021 sobrement intitulée « Reconquête de l’appareil productif : la bataille du commerce extérieur » s’est penchée sur.. hé bien… sur ce qui est dit dans le titre. Pas vraiment de fioritures dans la com’ : on sent que ce n’est pas le cabinet McKinsey qui a pondu le truc. Et l’intro démarre dare dare sur un ton offensif : « Le commerce extérieur offre de cette situation de crise une photographie cruelle. En moyenne, le commerce extérieur de notre pays est déficitaire de quelque 75 milliards d’euros sur les dernières années, alors que le commerce extérieur allemand est excédentaire de plus de 200 milliards d’euros. » Et un peu plus loin, ça envoie encore : « Ce déclassement sans cause liée à notre capacité est purement et simplement inacceptable. En effet, autant il peut être explicable d’être exclu de champs entiers de la production par manque de matières premières sur notre sol (c’est le cas évident des hydrocarbures), autant il est insupportable de voir notre pays déserter des secteurs entiers de la consommation nationale. » Le Haut-Commissaire au Plan tire donc la sonnette d’alarme sur un ton pour le moins alarmiste et fâché qui refuse la fatalité du déclin. « Une vision stratégique de cette question conduit donc à notre sens à conclure à l’urgente nécessité – qui aurait dû être constatée depuis au moins deux décennies – d’un objectif de reconquête de la production nationale. » Le registre est martial. « Nous proposons donc que soient précisément étudiés, avec la contribution décisive ou sous le pilotage de l’État capable de fédérer, les grands secteurs industriels directement concernés par le domaine ou qui peuvent y être associés, de manière à définir, champ de bataille par champ de bataille, une stratégie nationale. » Notons que quand c’est Mélenchon qui propose de planifier, Geoffroy Roux de Bézieux, le président du MEDEF, lui répond sournoisement que LFi a bien bossé son programme mais que les patrons refuseront de marcher dans la combine. S’ensuit dans le rapport une longue enquête très chiffrée qui montre bien que nos dirigeants ont sacrifié notre indépendance économique depuis des lustres en bazardant des secteurs-clefs pour notre autonomie mais pas assez lucratif pour le capital.
Un aspect que pointe le rapport, c’est la tiers-mondisation du pays : un pays qui produit une matière première qui est transformée dans un pays industrialisé qui lui revend ensuite plus cher et souvent à crédit le produit manufacturé. La France est le premier exportateur mondial de pommes de terre mais importe de chips (bon, d’accord, c’est pas terrible pour la santé les chips). Et pareil avec le jus de pommes. C’est à se demander s’il n’y a pas un truc qui cloche. Et des exemples comme ceux-ci, on en trouve à la pelle dans ce rapport. Alors, alors… François Bayrou servirait donc à quelque chose?
Minute papillon!
Bon déjà, le Haut-Commissariat ne fait que confirmer ce que pas mal de gens un tantinet informés disent déjà. Et même des candidats à la présidence.
Et en réponse à ces légitimes préoccupations du maire de Pau (ah ben ouais tout de même, le haut commissariat au plan, c’est comme qui dirait un « job d’appoint » pour un mec qu’on a mis sur la touche), l’autoproclamé « ministre à haut potentiel » Bruno Le Maire ne fait que recracher les vieilles rengaines libérales qui ne fonctionnent pas et s’il est contraint à se rendre compte du déclin industriel français parce qu’on lui met le nez dessus, il ne propose pour la relance rien qu’une ouverture encore plus grande au marché, la mise en concurrence des anciens monopoles régaliens et l’abaissement des contributions patronales qui finissent dans les coffres-forts des actionnaires et dans les paradis fiscaux. J’espère que ce larbin de la finance est de mauvaise foi parce que sinon, ce serait de loin le plus décérébré des ministres pourtant pas toujours futés qui se sont succédés à Bercy, d’autant qu’à l’heure où je relis ce papier ce cornichon vient de proférer des menaces particulièrement irresponsables contre les Russes.
Sans oublier qu’Emmanuel Macron est directement impliqué dans la vente au grand capital mondialiste de quelques grosses boites françaises lorsqu’il bossait pour Hollande tout en lui faisant des enfants dans le dos.
Bayrou peut bien faire écrire tous les rapports qu’il veut, l’exécutif ne lira la chose que d’un oeil distrait. Psychose paraphrénique d’une part et corruption systématique de l’autre, Macron est en plus un piètre économiste. Quand à son entourage, il est rongé par les affaires et les lendemains qui sentent la mise en examen quand ce n’est pas déjà le cas.
Et l’économie (on met de côté l’optimisation des profits), ça se pratique à long terme sur le calcul des besoins réels du pays et de ses habitants: la santé d’abord avec de l’air respirable et de l’eau potable au robinet, de la nourriture de bonne qualité et abordable pour tous, des soins gratuits et pensés humainement et non en termes de technologie, de l’énergie la moins polluante possible à un prix progressif et proportionnel à l’utilité de la consommation (un prix coûtant pour Monsieur Tout le monde et un prix de luxe pour la fondation Louis Vuitton), et un certain nombre de mesures radicales et draconiennes qui ne vont pas faire plaisir aux européistes ultralibéraux, bref s’il y a besoin d’une véritable relance économique planifiée, ce n’est pas sur le capital financier qu’il faut compter. Ni sur Pécresse, Lasalle, Zemmour, Dupont-Aignant ou Le Pen. Encore moins sur Macron.
Alors François Bayrou peut continuer à brasser de l’air et à taper du poing sur la table. Tout le monde s’en fout! Sauf nous parce que c’est quand même pas normal qu’on continue à exporter du bois de grume pour faire venir des meubles en kit made in China.
Pad Zelaski
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