Mode sombre

Y a des gens qui ont le physique pour faire du cinéma sans avoir besoin d’en faire des tonnes. Leur présence à l’écran suffit. S’impose. Sylvain Borneck est de ceux-là. En deux plans, trois mouvements, son personnage est là, incarné, comme un ongle qui s’enfonce dans la chair de poule. Et pour cause, son premier court-métrage en tant que comédien s’intitule « Charognes ». Mieux! Théo Grandmaison, son réalisateur, fait rimer ce titre avec besogne. Je ne vais rien vous divulgâcher. Vous pouvez être rassuré! Ou plutôt non car le scénario du président de Dollywood est bien tordu, un rien malsain, mais irrésistiblement gore et drôle, de cet humour à la Caro et Jeunet première époque qui vous donne envie de vous marrer entre deux spasmes vomitifs. J’exagère un peu? Pas tant que ça, allez-y voir vous mêmes. L’autre aspect intéressant du film, c’est son côté rural, bien de chez nous. Depuis que l’IRIM a disparu au fond des oubliettes, la France-Comté n’attire plus guère les tournages et Théo Grandmaison que Paris a adopté tient pourtant à revenir dans notre terroir pour y filmer avec sa bande de copains. Un synopsis minimaliste, un découpage subtil et affiné, des plans soignés, tous les ingrédients d’un court-métrage sans prétention mais réussi sont réunis. J’aurais presqu’aimé cependant une ultime chute finale qui m’aurait définitivement retourné comme une crêpe. Mais n’en demandons pas trop. « Charognes » est un petit film jouissif qui se joue des codes d’un certain genre à travers lequel se lit toutefois un malaise existentiel, un je-ne-sais-quoi d’après Covid-long, une prémonition, comme si l’effondrement annoncé allait être une immense dégringolade vers le désespoir sans paroles.

« Charognes » de Théo Grandmaison


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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