Mode sombre

L'escobarderie est un terme délicieusement suranné qui désigne le fait d'utiliser des mots équivoques afin de tromper. On vient d'en prendre une sacrée dose et c'est pas fini ! On a beau se crisper tellement c’est gros, ça passe encore. Les politiques et les médias de masse nous arrosent au quotidien de mensonges colossaux, de craques hallucinants et de bobards astronomiques, enrobés dans un lexique délibérément ambigu qu’ils retournent ensuite à leur avantage. Avec les élections, la supercherie de la république bourgeoise a atteint des sommets stratosphériques. On ne peut pas lui en vouloir : la bourgeoisie a construit son pouvoir sur l'hypocrisie. En France, dans la lutte de classes qui l'a opposée à l'aristocratie, elle a berné la noblesse pendant des siècles avant de lui ravir le pouvoir politique en 1789. Depuis, elle a accru sa puissance économique de manière exponentielle tout en bâtissant son hégémonie culturelle sur un leurre : le capital serait plus essentiel que le travail dans la production de la richesse. Sans investisseur privé, pas d'entreprise. Sans libre entreprise, pas de marché. Sans concurrence, pas de liberté, pas de choix, pas de Nutella, pas de chocolat, pas de consommation, pas d'activité économique, pas d’emploi et hop, le tour est joué, le travail est mis à la merci de la propriété privée des outils de production. Alors on trime comme des ânes pour que d’autres engrangent et il faudrait dire merci à la carotte qui nous encule. 

Et pour entretenir l'illusion que tout se joue au suffrage universel, la politique devient un spectacle médiatique alors que les moyens de production sont toujours bien au chaud entre les mains des mêmes ploutocrates et que ce sont eux qui donnent le « la » à toute cette cacophonie conceptuelle. Dans cet enfumage général où ceux qui ont vraiment des choses à dire n'obtiennent même pas leurs 500 parrainages, le vote par défaut a remis Super Pinocchio dans son fauteuil d’exécuteur des basses oeuvres de l’oligarchie. L'escobarderie pharisienne (et parisienne de surcroît) triomphe une fois de plus : « la France a échappé de peu à la barbarie fasciste grâce au sursaut humaniste du libéralisme triomphant » mais il y a belle lurette que l'école philosophique du même nom s'est écrasée sous le poids de son versant économiste. Et on va en reprendre pour cinq ans de fourberie idéologique à la Macron à moins que... 

… à moins de se mettre à faire un peu d'économie. Pas des économies ! De l’économie pour dézinguer la bourgeoisie sur le terrain qu’elle entend occuper. Finies les grands concepts flous : parlons propriété, travail vivant, valeur ajoutée, contribution, subvention. On ne s'en sortira pas à moins. Il va falloir potasser son petit Friot illustré pour comprendre ce que la bourgeoisie trame sur notre dos, comment elle nous empoisonne avec un rêve sournois qui n'est pas le nôtre et comment elle nous envoie dans le mur en se goinfrant. Y a pas de secret ! Pour virer les imposteurs, il faut savoir comment ils s'y prennent, expliquer la supercherie à tous ceux qui n'en profitent pas, même s'ils croient être les gagnants de l'entourloupe, et proposer un autre modèle, une véritable alternative, économique, collective, monétaire et souverainiste, bref tout ce qu’on oublie sciemment de nous présenter avant les urnes.

Il faut absolument sortir de cette impasse idéologique qui nous accule à la résignation et au cynisme parce qu'il n'y aurait pas d'alternative aux élites corrompues qui se maquillent en garantes des libertés, des valeurs morales et de la prospérité. Sortir du mensonge ambiant sur l’Europe, de l'hypocrisie chronique de la mondialisation heureuse et du simulacre d’un capitalisme amendable. Sortir dans la rue, sur les places et aux terrasses pour s’expliquer franchement, loin des magouilles partisanes et des faux-semblants républicains, loin des élections fallacieuses et plus près du pouls de la cité, à la ville comme à la campagne. Remettre des concepts bien définis derrière les mots qui nous sont chers comme démocratie, communisme, État, fonctionnaire, subvention. Montrer en actions et en idées que nous sommes bien autre chose que des spectres qu'on confine à volonté et qu'on sort du placard pour voter.

Cela dit, pour les Législatives, je mets mes grandes idées en sourdine et les sujets qui fâchent sous le tapis pour aller semer un brin d’agitation contre la suffisance de la bourgeoisie locale, en faveur du candidat de la 3ème circo du Jura qui se rapproche le plus de mes convictions. Ce n’est ni pour les beaux discours de Mélenchon à qui je ne souhaite pas de devenir premier ministre sans une volonté plus affirmée de sortir de l’Europe allemande (Kuzmanovic lui prédit déjà un effet Tsipras que le patron de LFi conchie pourtant) ni parce que j’ai l’intention de rentrer dans les ordres partisans ni parce que j’ai plus envie que ça de me réconcilier avec une gôche locale que je trouve trop timorée face au capitalisme assassin mais j’ai des fourmis dans les pancartes et bien envie de me dérouiller un peu en prévision de la guérilla idéologique à venir.


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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