Mode sombre

Sillonner la France à vélo n'est plus une aventure exceptionnelle. Depuis que Steeve Cretiaux a obligé des enfants à rejoindre l'Océan Atlantique en tricycle pour aller se baigner, on connaît la chanson du petit pignon (« il est mignon, le p'tit pignon, il est sanglant, le grand Bornand »). Mais quand vous aurez lu cette interview du Miradole et découvert l'âge de Martine Charmier, et son franc-parler, vous m'en direz des nouvelles. Micro !

 

LE MIRADOLE.- Martine, est-ce que tu fais du vélo depuis longtemps ?

MARTINE CHARMIER.- J'ai toujours fait du vélo.

LE MIRADOLE.- Tu as un vélo avec assistance électrique ?

MARTINE CHARMIER.- Maintenant oui. Je fais partie de Dolavélo même si je ne fais pas de vélo urbain parce que je trouve que les rues de Dole ne sont pas tellement adaptées. J'en fais du côté de la forêt de Chaux, d'Etrepigney, d'Our. Y a vraiment de belles balades le long du Doubs. C'est beau et apaisant.

LE MIRADOLE.- Mais qu'est-ce qui t'as fait passer au vélo électrique ?

MARTINE CHARMIER.- C'est un peu l'âge si tu veux.

LE MIRADOLE.- Tu as quel âge sans indiscrétion ?

MARTINE CHARMIER.- Bientôt 72.

LE MIRADOLE.- Ah, ben, tu me scies. Je t'en donnais 10 de moins. Et donc le vélo, ça conserve.

MARTINE CHARMIER.- Faut croire. J'en fais depuis longtemps mais jamais en compétition, juste pour le loisir. Ma sœur habite à 300 mètres de chez moi et on partait faire du vélo ensemble. C'était une habitude familiale.

LE MIRADOLE.- Mais avec la traversée de la France, tu es passée à un cran au-dessus.

MARTINE CHARMIER.- Oui. J'ai une amie qui est maintenant à la retraite. Elle voulait se trouver quelque chose à faire et elle a demandé au voisin de lui prêter un vélo électrique. Elle m'a invitée chez elle pour en faire. Je suis allée là-bas une semaine, on a fait une voie verte, les petits chemins dans les forêts de sapins. C'était vraiment bien et ça nous a convaincues. Ensuite elle est venue à Dole pour s’entraîner une semaine encore. On procédait en étoile. La base, c'était chez moi, à Dole, et on est allé à Arc-et-Senans, dans la forêt de la Serre, voir des amis à Montbarrey.

LE MIRADOLE.- Et donc vers des trajets de plus en plus longs...

MARTINE CHARMIER.- Oui, tu sais, la Saline aller-retour, ça fait quand même 70 kilomètres.

LE MIRADOLE.- En une seule journée ?

MARTINE CHARMIER.- Oui, bien sûr. On s'est arrêté chez un ami à Augerans, on profite quand même. On s'arrête plus facilement qu'en voiture.

LE MIRADOLE.- Vous avez donc suivi un entraînement assez sérieux pour cette première traversée. C'est bien ça ?

MARTINE CHARMIER.- Oui, c'est la première.

LE MIRADOLE.- Et qu'est-ce qui vous a particulièrement décidées à vous lancer ?

MARTINE CHARMIER.- On a vu que physiquement on tenait le choc.

LE MIRADOLE.- La préparation, c'était donc aussi un test.

MARTINE CHARMIER.- Oui, mais tu sais, je fais toujours des randonnées de 20 kilomètres et la forme, elle est là. Et puis Mauricette, mon amie, elle était dans l'agriculture et il faut avoir la santé. On a donc cherché quelque chose à faire, peut-être pas vraiment exceptionnel mais qui allait nous sortir de notre quotidien, faire quelque chose par nous-mêmes sans l'assistance qu'on a finalement toujours autour de nous. On voulait vraiment partir et être en indépendance totale. Je n'ose pas dire une autonomie parce que si c'est nous qui préparions nos repas et nos hébergements au jour le jour...

LE MIRADOLE.- Comment ça au jour le jour ?

MARTINE CHARMIER.- Ben... si on avait prévu de faire 60 kilomètres, on se sent en forme et on en fait 70, eh bien, on s'arrête ailleurs.

LE MIRADOLE.- Vous aviez de quoi dormir dehors ?

MARTINE CHARMIER.- Justement. Le camping, il y a à dire là-dessus. A l'origine, on a emporté une petite tente de deux places. On est parti le 15 avril et on s'est rendu compte qu'il faisait trop froid la nuit. On a essayé une nuit, on était gelées. Alors on est allé dans les campings et dans les campings maintenant, ils font des habitats restreints pour cyclo-touristes.

LE MIRADOLE.- Vous abandonnez donc l'idée de dormir sous la toile mais vous gardez le cap sur Saint-Nazaire. D'où vous est venue cette idée de traverser la France dans ce sens-là ? Vous auriez pu descendre vers le sud...

MARTINE CHARMIER.- C'est prévu. Depuis le nord, on va faire toute la côte atlantique et aller jusqu'à Hendaye. Mais pour cette fois, on trouvait que c'était une belle chose d'aller jusqu'à l'océan. C'était un challenge. Et on en avait parler avec d'autres gens.

LE MIRADOLE.- Vous saviez donc qu'il n'y a pas trop de dénivelé. Et cela vous a pris combien de temps ?

MARTINE CHARMIER.- On a pédalé pendant deux semaines et demie.

LE MIRADOLE.- Ça ne fait pas beaucoup.

MARTINE CHARMIER.- Non, c'est vrai et on était surprises d'arriver si tôt. Mais on s'est arrêté dans la famille et chez des amis.

LE MIRADOLE.- Mais si vous n'aviez pas défini exactement votre itinéraire, vous avez trouvé des hébergements sans trop de problèmes.

MARTINE CHARMIER.- On choisissait selon les campings qu'on repérait sur le guide. A midi, on téléphonait pour avoir une place au camping et comme on était pas en pleine saison, on a presque toujours trouvé de la place.

LE MIRADOLE.- Le téléphone est donc devenu l'outil indispensable du cyclo-touriste ?

MARTINE CHARMIER.- Ah, oui, indispensable pour l'hébergement.

LE MIRADOLE.- GPS aussi ?

MARTINE CHARMIER.- Oui, on nous avait donné plein d'applications comme Géovélo pour nous aider.

LE MIRADOLE.- Histoire de ne pas vous perdre...

MARTINE CHARMIER.- On a certainement fait beaucoup plus. Ce qu'il y a, c'est qu'il existe le parcours de la Loire, le classique qui est sur les cartes. Ensuite, il y a plein de variantes. Par exemple, on est allé visiter le château de Sully. C'était une belle journée.

LE MIRADOLE.- Vous n'avez jamais eu de problèmes pour parquer les vélos ?

MARTINE CHARMIER.- On se débrouille mais il faut être vigilant. S'il s'agit de faire une course, il y en a une qui reste vers les vélos bien évidemment. Dans les campings, j'avais deux antivols un peu supérieurs et avec cela, on n'a pas eu de problème.

LE MIRADOLE.- Et combien pesait ton vélo ?

MARTINE CHARMIER.- Vélo et bagages, c'était 50 kilos.

LE MIRADOLE.- Dis donc, faut pas chercher à traverser la plage.

MARTINE CHARMIER.- A Paimbeuf, on a préféré faire des détours. Sur le sable, tu n'as pas de stabilité et pousser, c'est la galère.

LE MIRADOLE.- Même avec l'assistance électrique ?

MARTINE CHARMIER.- Alors pour l'assistance, j'ai acheté mon vélo chez un spécialiste. Je me suis bien renseigné, j'ai regardé des tutos sur Internet parce que je voulais savoir. Et bien, quand tu roules à plat, ce qu'il faut faire, c'est mettre ton assistance au minimum...

LE MIRADOLE.- Parce que tu n'en as pas besoin.

MARTINE CHARMIER.- Et quand tu pédales à plat, tu recharges.

LE MIRADOLE.- Tu as donc un système qui recharge.

MARTINE CHARMIER.- Oui et ça me donne une autonomie d'environ 130 kilomètres. Sauf quand tu as beaucoup de côtes.

LE MIRADOLE.- Là, ça consomme beaucoup plus évidemment.

MARTINE CHARMIER.- C'est pour cela que j'ai choisi le vélo électrique parce que sinon, je n'aurais jamais pu faire ce que j'ai fait.

LE MIRADOLE.- Vous avez établi un record pendant une seule journée ?

MARTINE CHARMIER.- Oui, on a fait 94 kilomètres.

LE MIRADOLE.- Ah tout de même...

MARTINE CHARMIER.- Je vais te dire quelque chose qui m'a moi-même étonnée, c'est que tu piques le virus. Tu veux avancer. On aurait pu prendre un ou deux jours de repos de plus. Mais non. D'abord, le soir, quand tu arrives, la première des choses que tu fais, c'est recharger la batterie, voir si tout est en état.

LE MIRADOLE.- En premier, le souci de maintenance, donc...

MARTINE CHARMIER.- Oui. Ça me faisait penser à la route de la soie du temps de Marco Polo, dans les caravansérails, ils soignaient les bêtes en premier. Nous, avec les vélos, c'était pareil.

LE MIRADOLE.- Pas d'incident majeur, pas de crevaison ?

MARTINE CHARMIER.- Non, rien. On avait des pneus prévus pour les chemins caillouteux. On était donc tranquille. Je n'avais pas d'appréhension quand j'allais sur un chemin de terre.

LE MIRADOLE.- Le GPS vous permet de suivre des parcours moins fréquentés ?

MARTINE CHARMIER.- Oui, et du coup, on n'a pas rencontré tellement de monde. On n'était pas non plus en pleine saison.

LE MIRADOLE.- Et vous êtes revenues en train ?

MARTINE CHARMIER.- Oui. Là, j'ai tout de même une chose à dire. La région Pays de Loire est au top pour le train quand on a des vélos.

LE MIRADOLE.- Vous étiez obligées de prendre le TER...

MARTINE CHARMIER.- Oui, il y a des rampes d'accès aux quais qui servent aux handicapés comme aux bicyclettes.

LE MIRADOLE.- Mais à Dole, vous n'avez pas eu de problèmes ?

MARTINE CHARMIER.- On a été obligées de prendre l’ascenseur. Il faut vraiment tourner la roue avant.

LE MIRADOLE.- Vous êtes parties d'où ?

MARTINE CHARMIER.- De Pornic, puis Nantes, le Mans, Paris...

LE MIRADOLE.- Toujours en TER ?

MARTINE CHARMIER.- Mais oui et toutes les fois, il a fallu changer.

LE MIRADOLE.- Et à Paris ?

MARTINE CHARMIER.- A Paris, on a roulé. Depuis Montparnasse jusqu'à Bercy, juste à côté de la gare de Lyon. C'est la gare des TER.

LE MIRADOLE.- C'est donc mieux aménagé dans les Pays de Loire que par chez nous, alors ?

MARTINE CHARMIER.- Ah oui. Dans les petites gares, il y a des parcs pour mettre les vélos en sécurité. Après tu peux aller visiter la ville ou faire tes courses.

LE MIRADOLE.- Comme à Dole finalement.

MARTINE CHARMIER.- Oui, mais là-bas, c'est dans les petits arrêts aussi.

LE MIRADOLE.- Ah oui, en Bourgogne-France-Comté, ce n'est peut-être pas dans les petites gares.

MARTINE CHARMIER.- Il faut aussi que je te dise que sur mon vélo, il y a un mode piéton pour le pousser dans les gares par exemple.

LE MIRADOLE.- Pratique. Tout s'est passé comme sur des roulettes donc ?

MARTINE CHARMIER.- Pas d'incident, pas de crevaison, pas de bobo. On a toujours trouvé un hébergement.

LE MIRADOLE.- Et vous avez donc toutes les deux déjà un projet en cours...

MARTINE CHARMIER.- Oui, ce sera l'année prochaine. Le parcours s'appelle « Vélo Océan ».

LE MIRADOLE.- Vous faites un crochet par la Bretagne ?

MARTINE CHARMIER.- Oui, on va faire la Bretagne bien sûr.

LE MIRADOLE.- Ça vous rallonge drôlement alors.

MARTINE CHARMIER.- Là, moi, je dis qu'on ne pourra pas partir qu'un mois. Il faudra bien un mois et demi.

LE MIRADOLE.- Qu'est-ce qui finalement te donne envie de repartir dans les mêmes conditions ?

MARTINE CHARMIER.- La chose la plus étonnante, c'est de partir, de tout quitter pendant un mois. Tu veux faire le vide, te retrouver toi-même et voir de quoi tu es capable, comment tu réagis.

LE MIRADOLE.- Tu m'avais dit que vous aviez décidé de ne partir qu'à deux.

MARTINE CHARMIER.- Quatre, c'est trop. Ma coéquipière m'a dit qu'après, à plus, les avis sont divergents.

LE MIRADOLE.- C'est le gros soucis avec le collectif et la démocratie, surtout quand l'itinéraire n'est pas totalement planifié à l'avance.


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