Société

Éduquons... c'est pas une insulte...

Publié le 06/08/2022 à 18:14 | Écrit par La Rédac' | Temps de lecture : 03m46s

De la maternelle à l'université, cela fait des années que systématiquement (donc par choix politique des systèmes en place), les moyens attribués à l'école publique (pourtant et cependant, un fleuron historique et fondamental de notre république) sont lentement, mais sûrement, broyés, sacrifiés, amputés, diminués, en subissant successivement coupes budgétaires, réductions de personnels, de matériels, de moyens, de reconnaissance (notamment salariale) dans des classes de plus en plus surchargées, avec paradoxalement une demande croissante de la hiérarchie (« hiérarchie vaincra! ») de performance et de contrôle, car l'entreprise Éducation nationale se comporte ainsi à l'instar de n'importe quelle entreprise du secteur privé... Faut être « rentable »... Misère, misère... chantait un regretté philosophe comique de la fin du siècle dernier.

Il est devenu tellement de bon ton de baver et de cracher sur « le fonctionnaire », et c'est inlassablement relayé la propagande des grands médias depuis... si longtemps, des décennies : « si tout va mal », c'est forcement de la faute des fonctionnaires, de tous poils, et notamment, car le sujet est crucial, ceux de l'Éducation nationale mais aussi de l'Hôpital public, et de l'ensemble des administrations, jadis nommées services publics... et qui rendaient bien des services...

Elles manquent, aux gens, aux usagers que nous étions. Nous sommes aux antipodes de ces temps, nous sommes devenus des clients, pourtant taillables et corvéables à merci.

Et vas-y que ça privatise à tour de bras, hardi petit, sans se soucier des drames humains (tsunami de suicides chez Orange, à la Poste de nos jours, etc.). Les méthodes de management, calquées sur ce libéralisme qui se pratique outre-Atlantique depuis le début du capitalisme n'y sont pas étrangères, mais rarement condamnées, surtout pas sur les chaînes d'info, on n'y évoque jamais les mises au placard, les humiliations, les conditions qui se dégradent, la souffrance au travail... Et que les ex-usagers en payent le prix, normal ! ce sont des clients.

Les nouveaux services privés, du coup, et y'en a des coups, sont d'une efficacité que l'on peut en tant que client, « apprécier » mensuellement, à chaque prélèvement (eau, gaz, électricité, fermeture de services...).

Bien barricadés derrière la déshumanisation numérique qu'ils ont introduite, t’as affaire à des standards d'appels, t'as plus d'interlocuteur possible et direct, plus moyen d'être entendu, écouté, respecté, pris en considération... Même plus moyen de pousser ta gueulante, t'es seul devant ton ordi... à gueuler dans le vide, comme un con... tout est pensé pour. Ou plutôt contre.

Avec ton IBAN, les voilà maîtres du jeu, et toi, t'es plus qu'un numéro, ouais mon gars, t'es pas un homme libre, t'es qu'un numéro (cf la remarquable série britannique des années 60 « Le Prisonnier » que les plus anciens n'ont assurément pas oublié).... Haaa, misère, misère...

Et dans l'Éducation nationale, on devrait s'attendre au même foutoir, en pire selon le président... mais juste pour les gosses des classes populaires (les autres continueront leur bon.ne.homme-femme de chemin dans le privé, comme d'hab, comme toujours, bien à l'abri des gueux... pour peu qu'ils soient bien nés).

Si on choisit de sacrifier autant de futurs adultes, sur l'autel du libéralisme, c'est bien évidemment pour mieux les contrôler plus tard, pour éviter qu'ils ne réfléchissent trop, et par là même, ne deviennent un danger potentiel pour ce libéralisme (dans lequel j'ai beau chercher, je ne vois rien de libéral ou de libérateur) et qui nous vient des Anglo-Saxons protestants (qui ne protestent jamais qui plus est!). Donc je suis méfiant, voire hostile, et amer.

Amer, car je sais combien ce boulot d'enseignant est fondamental dans la construction individuelle et personnelle de tout un chacun, dont moi-même.

Oui, c'est vrai, on se souvient des très mauvais, on a oublié les insipides, mais on retient surtout, les très bons, qui nous ont marqués par leur transmission du savoir, leurs passions, leur pédagogie.

C'est grâce à ça qu'on s'est finalement tous forgé… J'ai encore les noms, les réflexions, ancrés dans la mémoire, ils m'ont aidé bien au-delà du primaire, du collège, du lycée, de l'école professionnelle... toujours présents... Respect.

Je voudrais très sincèrement en saluer un, qui bosse actuellement en école primaire, et qui, en pleine crise sanitaire, a eu les « coronès » malgré le COVID et sa hiérarchie, contre vents et marées, d'organiser une classe de découverte à Quiberon, au mois de mars dernier... Ma fille a vécu une expérience formidable, extraordinaire... Elle n'oubliera jamais rien de ce bout de vie... MERCI, pour ça, et pour tout le reste, Monsieur l’instituteur!

Dans la Grèce antique, les pédagogues étaient des esclaves chargés d'accompagner les enfants sur les chemins de la connaissance... Alors qu'on les laisse cheminer dignement, en leur donnant les moyens, et une reconnaissance au moins salariale, car ils participent à la gymnastique du « muscle » le plus essentiel du corps humain : le cerveau... de notre jeunesse... pour l'avenir... pour ce qui est à venir... Voilà l'enjeu.

Et ok, l'éducation commence à la maison, mais ça ne suffit pas, ce serait trop réducteur pour bon nombre.

Alors, éduquons... c'est pas une insulte... éduquons...

Hasta... Siempre...

Miguel Staplinkrust




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