Pour une alternative viriliste émancipatrice
Considérant le féminisme comme la lutte pour l’émancipation de la gent féminine, et que l’émancipation ne peut être que l’œuvre des personnes concernées elles-mêmes, nous en déduisons, par esprit de conséquence, qu’il est de fait impossible pour un homme d’être féministe.
Nous invitons donc les hommes à sortir de cette double injonction paradoxale absurde et intenable d’être des hommes féministes.
Voici notre modeste manifeste pour une alternative viriliste émancipatrice.
Si le combat pour l’émancipation féminine est pertinent, juste et salutaire, celui de l’émancipation masculine l’est tout autant.
Dire cela ne revient nullement à tenter d’éclipser la cause des femmes. Une certaine vulgate féministe postule que les intérêts des femmes et des hommes seraient antagoniques, tout comme le sont ceux de la classe ouvrière et de la classe bourgeoise. Nous n’en croyons rien, au contraire.
En tant que partisans résolus de l’émancipation individuelle et collective, nous pensons que l’émancipation des unes ne peut que faciliter et consolider celle des autres, et réciproquement.
Nous reconnaissons et saluons la puissance et la relative efficacité du discours contre-hégémonique des féministes et de leurs alliés.
Mais nous constatons aussi la réalité des dommages collatéraux occasionnés au sein de la gent masculine par cette lutte contre-hégémonique.
Beaucoup d’hommes ne se reconnaissent pas dans le tableau épouvantable que l’on dresse d’eux mais ne peuvent pas pour autant trouver leur place au sein des communautés féministes, et pour cause. Or les sentiments positifs d’appartenance et de reconnaissance font partie des besoins anthropologiques fondamentaux.
Ce désarroi rend un trop grand nombre d’entre-eux à la fois imperméables aux propos féministes les plus intéressants, et perméables à certains discours imbéciles et réactionnaires. Pis, ce sentiment d’injustice et d’exclusion peut pousser les plus fragiles d’entre eux vers des sectes réactionnaires, violentes et extrêmement délétères, conduisant parfois à des drames atroces tels que meurtres voire massacres.
Ce ressentiment se répand d’autant plus facilement que les polémiques plus ou moins caricaturales autour des enjeux féministes sont régulièrement et complaisamment relayés par des médias dominants focalisés sur leur double objectif de lucrativité et de diversion conservatrice.
Nous ne saurions faire le reproche de ces dommages collatéraux aux féministes, occupées par la conduite de leurs propres affaires. C’est donc bien aux hommes eux-mêmes de prendre en charge cette perte de repères qui déboussole un certain nombre d’entre eux.
L’on pourrait nous objecter que le terme même de virilisme est discutable, voire fâcheux, tant il renvoie à certaines mentalités insupportables.
Mais il ne doit pas nous rebuter par peur d’un déshonneur par association. Les mots, supports de concepts, outils nécessaires de la pensée, sont trop souvent abandonnés comme autant de prises de guerre à nos adversaires, nous laissant toujours un peu plus intellectuellement démunis.
Conscients de sa connotation infamante pour les féministes, nous assumons pleinement ce retournement du stigmate, sans pour autant faire nôtres tous les clichés y associés.
En ces temps propices aux néologismes plus ou moins bien inspirés, nous apprécions sa parenté étymologique avec vertu (du latin virtus de même sens), nous amusons du mot-valise vir-il, composé du radical de la vertu et du pronom personnel masculin, et proposons son homologue féminin ver-elle, plus heureux selon nous que d’autres protologismes.
Le mot renvoyant également au latin vir – l’homme, mais aussi le guerrier – nous assumons jusqu’à cette dimension agonistique, parce que l’émancipation est un combat, contre les structures et contre soi-même, bien plus que contre d’autres individus, et que nous ne nions pas la violence tragique inhérente à toute société.
Constatant le confusionnisme ambiant et soucieux de ne pas le nourrir, nous savons les risques de récupération et de dévoiement encourus par notre tentative de subversion du virilisme. Ce mot, comme tant d’autres (surtout ceux en -isme) est vague et doit être précisé par des qualificatifs, des prédicats. C’est pourquoi notre virilisme s’entoure des concepts d’alternative – pour souligner notre différence – et d’émancipation – pour l’immuniser contre le poison autoritaire et réactionnaire.
Nous ne verserons pas dans un moralisme donneur de leçons, mais nous évertuerons à respecter une certaine éthique.
Nous nous efforcerons de faire preuve de réflexion, d’analyse, de conséquence, de lucidité, d’honnêteté intellectuelle, d’une ouverture d’esprit indispensable à la connaissance et à la raison.
Nous assumerons nos propres contradictions et accepterons celles des féministes, sans disqualifier, mais en les reconnaissants telles quelles, comme faisant partie des données des problèmes que l’on cherche à surmonter.
Nous ne prétendrons pas à la perfection sans pour autant nous complaire dans l’erreur ou la médiocrité.
Nous éviterons la provocation gratuite mais ne nous interdirons pas d’en faire usage à meilleur escient.
Nous ne craindrons pas de nous faire traiter de machistes en recourant éventuellement à des principes, assertions et autres slogans éhontément non déconstruits tels que “On ne frappe pas une femme, même avec une fleur”, “Les vrais mecs ne violent pas”, ou encore “La violence est plus un signe de faiblesse que de force”.
Nous ne chercherons pas à nous attirer les bonnes grâces des féministes mais les laisserons volontiers se rapprocher de nous.
Nous nous ferons forts de nous tenir à l’écart de toute tentation belliqueuse et de ne pas alimenter une guerre des sexes. Nous ne répondrons pas à l’androphobie et à la misandrie par la misogynie, et encore moins par la violence.
Certaines femmes nous craignent, nous détestent, nous insultent, plus ou moins ouvertement. C’est leur droit. Ça leur appartient. Nous leur laisserons le soin et la responsabilité d’assumer et de gérer leur propre ressentiment à notre encontre.
De notre côté, nous prendrons et assumerons nous-mêmes, individuellement et collectivement, notre part de responsabilités – mais pas davantage – et en tirerons les conséquences qui s’imposent.
Nous pensons que les féministes gagneraient certainement à ne pas se contenter de (se) débattre seules ou face à des hommes de paille et des hommes-paillassons.
La rencontre et la confrontation de nos idées et points de vue respectifs devraient être fécondes comme peuvent l’être celles de nos gamètes.
Notre drapeau sera rectangulaire, comme un pavé, de couleur vert tendre, teinte complémentaire au mauve des féministes.
Le Pavé
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