Mode sombre

Mercredi 11 janvier, Julie Laernoes était bien au rendez-vous à Dole, une conversation sympa organisée par l’UES (sa première) et surtout par EELV puisque l’actuelle députée verte Nupes a été cheffe de cabinet de Dominique Voynet lorsqu’elle était maire de Montreuil. Ce n’est sans doute pas par hasard qu’elles se sont rencontrées à Sciences Po lors d’une conférence de Dominique Voynet à propos du Traité constitutionnel européen rejeté, je le rappelle, par une majorité de Français en mai 2005 et de Néerlandais un mois plus tard. Si elle s’exprime sans une once d’accent qui traduirait ses origines néerlandaises et avec une aisance d’élocution qu’on aimerait entendre chez notre élue locale, Julie Laernoes n’a guère été convaincante sur le rôle de l’UE dans la crise énergétique actuelle: certes elle reconnait la spéculation à laquelle se livrent les concurrents d’Enedis, mais elle rechigne à imputer la paternité de cette escroquerie à l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie par la commission européenne. On sent en elle une foi en l’UE hors de laquelle il n’y aurait point de salut, comme si les échanges énergétiques entre pays européens avaient attendu l’ouverture du marché dérégulé et comme s’ils avaient besoin de l’UE pour perdurer, comme d’autres types de coopération d’ailleurs. On aura reconnu le fameux credo européiste et on a pu mesurer le chemin qu’il y a encore à parcourir pour ébranler cette confiance dans le bidule bruxellois chez les enfants de la 9ème Symphonie, d’autant que les Verts trouvent tout naturel de tenter leur chance en solo aux prochaines élections européennes qui leur réussissent d’habitude plutôt bien au niveau des sièges, faute d’agir efficacement par la suite au sein du Parlement, lui-même court-circuitée par la Grôsse Commission d’Ursula. 

Autre paradoxe notable, l’optimisme inébranlable de Julie Laernoes dans le parlementarisme hexagonal quand bien même le gouvernement Borne se contrefout des amendements et des propositions constructives de l’’opposition et les balaie à la première occasion à coup de 49,3 quand c’est nécessaire. On comprend qu’elle défende son statut. On ne peut pas en vouloir à une députée fraichement élue de ne pas se rendre à l’évidence de l’impasse parlementaire actuelle: n’est pas Gilet jaune qui veut. Mais Julie Laernoes a révélé une bien étrange contradiction sans qu’on ait besoin de la pousser dans ses retranchements: pour les retraites, c’est dans la rue que ça va se jouer dans les prochains jours, a-t-elle lâché en substance. De la part d’une parlementaire, c’est tout de même surprenant, cette reconnaissance de la puissance populaire d’une part et de l’impuissance de la NUPES à l’Assemblée nationale d’autre part. Nous aurait-on « nupés » avec de faux-espoirs sur l’issue d’une lutte que le peuple est sûr de perdre si on reste dans les règles du jeu des bourgeois? 

Comme prévu, le RN en a pris pour son grade d’incompétence avec une touche de diabolisation un poil trop bien pensante à mon avis de la méchante Marine Le Pen par un enfant de 5 ans. Les présents savent de quoi je veux parler. 

Mais l’élément qui m’a le plus intéressé durant cette intervention assez attendue au final concerne le lobbying à l’Assemblée nationale. Pour Julie Laernoes, celui-ci a changé de forme. Finis les corrupteurs mandatés par des grands groupes commerciaux pour défendre leurs intérêts derrière les portes et dans les couloirs de l’Hémicycle. Les temps ont changé: ce sont les députés du groupe Renaissance eux-mêmes qui défendent spontanément leurs propres intérêts qui sont également ceux des habituels groupes de pression. On est en plein régime clientéliste, une expression feutrée pour signifier la corruption. Ce qui confirme mon opinion sur le fait qu’il n’y rien, mais alors rien, à attendre du parlement actuel. 

Au final, on aura passé deux heures avec une oratrice plein de bonnes intentions et d’énergie positive, à l’aise avec le micro et les dossiers écolo-techniques mais un petit peu moins avec l’argumentation de fond sur les institutions et sur de vraies perspectives. Du pragmatisme de terrain pour l’état de la planète mais pas encore de remise en cause radicale d’un système économique pourri qui la détruit, elle et ses habitants. A ce rythme-là, on peut continuer à écoper sur le Titanic en écoutant le concert à la radio. 


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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