Mode sombre

- Mémoire, Oh ! Mémoire... Dis-moi, qui ne tourne pas en rond dans ce royaume ?


- Eh bien, il y en a qui tournent en carré, en rectangle et en losange, et d'autres encore en triangle... Mais ça finit toujours par user les angles. Et puis, il y en a qui tournent mal, qui s'arrêtent de tourner. Sauf, qu'à bien y réfléchir, c'est peut-être un bienfait. Car à quoi sert de tourner, si ce n'est pour moudre le grain ? C'est-à-dire, que, quand les boulangers auront rejoint la longue liste des espèces disparues, comment fera-t-on pour connaître le coût de la vie indexé au prix d'une baguette ?

- Bah, de toute façon, ça fait bien longtemps, qu’on ne trime plus que pour générer des zéros dans les comptes des millionnaires... Alors, on pourra toujours l’indexer sur le prix de l’énergie.

En 2023, on passe du tigre d’eau au lapin d’eau, alors je ne vais pas me gêner pour passer du coq à l’âne :
- Quand on veut guérir un organisme malade, c’est un non sens d’essayer de supprimer les symptômes. Ils sont, au contraire, des témoins d’alerte extrêmement utiles. Il s’agit plutôt de cerner l’origine de la maladie, le virus. Et comme dit l’adage, de toute façon, « Il vaut mieux prévenir, que guérir ». Dans le cas de notre société rendue en phase terminale, c’est bien plus compliqué, alors je suis parti à la recherche de ce qui était encore sain. Le procédé que j’ai utilisé pour la sonder est simple. C’est mon ressenti. Qu’est-ce qui me fait vibrer ? Qu’est-ce qui me réjouit, me sort de ma tendance dépressive ?

Avant, je pensais que c’était l’humain...

En réalité, ce n’est pas quand je lutte pour un genre, une couleur de peau, pas même l’humain, mais pour le vivant dans son ensemble. C’est ce qui me fait vibrer. La base de cette pensée est, que je ne peux être heureux que dans un monde, où les autres êtres vivants le sont. Bien sûr, pas un meilleur des mondes puant de perfection, mais une version alternative de la terre, juste un peu moins pourrie. Donc toutes mes actions, qui tendent dans cette direction, me font me sentir bien, vivant, épanouissant mes potentiels, au bénéfice du collectif. Et cela me nourrit en retour et m’aide à exister.

La question qui revient le plus souvent, quand quelqu’un est conscient de l’état de la société, est :
Mais, qu’est-ce qu’on peut y faire ? Ou, allons bon, comment faire alors ? Ce qui revient au même et gaspille du papier. Je pourrais dire, qu’on ne peut rien y faire, ce n’est pas nouveau et cela ne risque pas de changer. Car rien ne change. Jamais !  Heureusement, cette pensée, n’est pas la mienne. C’est celle issue du conditionnement scolaire, pourquoi je devrais obéir à ce qui est injuste ? Parce que... c’est comme ça ! C’est le maître qui le dit, et pis, d’abord, c’est ce que tout le monde fait, cela a toujours été ainsi et si tu ne le fais pas, tu auras des ennuis… On ne peut pas survivre dans la société sans être contaminé, au moins un peu. Alors, je dirais, qui n’essaie rien, n’arrive à rien. Qui ne tente pas l’impossible, ne réalise aucune utopie. Qui ne persévère pas, reste enfermé dans l’illusion.

- Tu vois le délire ? Chaque fois, que tu essaies de parler, tu t’égares avant l’arrivée, alors je ne te parle pas du calvaire pour qui te lit. Par pitié abrège sa souffrance. Diras-tu enfin quel est le remède ?

- Eh bien, si tu décryptes bien, ou devrais-je dire, si tu distilles bien dans ton alambic, c’est cela le remède. Déjà, ne pas se transformer en sale cellule capitalo-cancéreuse et ensuite, entre autre, créer des solidarités et un imaginaire où le vivant est prépondérant.

- Après, la façon la plus simple est d’inviter l’autre, à commencer par nos proches, à essayer de trouver comment se nourrir. Si chacun arrive, un tant soit peu, à dévier des pseudo besoins, auxquels il est conditionné, cela lui permettrait d’être disponible, pour ressentir la manière, dont des besoins véritables le nourrissent. Le vivant est notre dénominateur commun. Je donne un exemple qui peut sembler anodin, mais ne l’est pas, dans la vie du consommateur, celle ou celui qui dans la queue des caisses laisse sa place, participe à cette lutte pour le vivant. Je m’explique, ce qui semble minime est en réalité l’affirmation, que nous pouvons ne pas être aliénés. La société nous impose un rythme insensé, qui est la traduction de la recherche du profit. Ce n’est pas une fatalité. Elle nous impose l’individualisme. Ce n’est pas une fatalité. Un autre exemple est la personne qui ramasse une araignée pour la sortir de son logement. La politique du moindre effort voudrait qu’on l’écrase. Là encore, ce n’est pas une fatalité. Cette liste est sans fin.

On pourrait aussi redresser la tête et regarder l’oppresseur dans les yeux. Je pourrais citer pour ce rôle, le conjoint, le politicien, le flic, le militaire, le religieux, le professeur ou… toutes les professions qui prétendent exercer une autorité. Même s’il existe une autorité de compétence qui est différente, c’est ici juste la manifestation de la hiérarchie, égalité mon cul, une fois encore l’idéologie à peine voilée qui valide un être supérieur et un être inférieur. La même, que l’adulte qui considère l’enfant comme un adulte en formation et non un individu pleinement vivant. John Ono et Yoko Lennon dans le documentaire « Bed Peace » disaient qu’il n’y a pas d’ennemi, effectivement l’oppresseur n’est pas un ennemi, juste la conséquence du pouvoir qu’on lui accorde. Toute la réalité n’est qu’un tissu de croyances. Un tissu de mensonges ? Exemple, si beaucoup de scientifiques pensent que la science est imparfaite, dans l’espace médiatique la science est vendue comme parfaite. De fait, la majeure partie de la population croit la science parfaite. Peu importe ce qui est réel, seule la croyance la plus populaire fait ce qui est réel, les politiciens l’ont bien compris avec le storytelling.

Si chacun, autonome, à sa façon, trouve comment agir, à sa mesure, une goutte de solidarité en amène une autre. Avant que ce ne soit un torrent d’alternatives. Ou encore, le vibrion de la flexibilité, qui se glisse dans le moindre interstice. Avant de devenir racine, qui approfondit la brèche, jusqu’à ce que puisse en sortir le vivant. Tel un diable hors de sa boite.

Si tout n’est que croyance, c’est comme un rêve, la seule façon de le faire changer, c’est de le piloter de l’intérieur, en chacun. Sinon, ce sont des pouvoirs occultes qui le font à notre place. Tout en disant que la magie n’existe pas, ils font la démonstration de comment se façonne la réalité, à nos dépens.

- Mange ta soupe new age, simples paroles, d’un esprit simple, pour des esprits simples, c’est facile de débiter la litanie lénifiante de la bonté. D’établir une paterne bénéfique. Pourtant, si j’étais un journaliste digne de ce nom, je devrais écrire en passant mon propos à la moulinette du filtre critique. Et que resterait-il à la fin ? Une intention.
T’exhorter à choisir la vie de tout ton cœur, de toutes tes forces !
Résister à la mort.
- Et ???

- Et être patient, quand on pense au long terme, le résultat n’est pas instantané. Il ne suffit pas de claquer des doigts. Il s’agit plutôt, de dériver hors du flux mortifère, suivre une certaine inclinaison pour le vivant, jusqu’à atteindre les berges du rêve... ou la barge de la vie.
Si je suis vivant, pourquoi vivre ?
Célébrer la vie évidement. Refuser la compétition et la surproduction, aller à son rythme, suivre ses convictions et partager ses ressources.
C’est l’exemple de l’Iran : on peut risquer de perdre sa vie, quand on est prisonnier de la non-vie, on ne risque rien en définitive, seul compte, de gagner le droit de vivre vraiment.
C’est aussi l’exemple de Kinji Imanishi, quand il découvre le seul dieu de service, la planète terre. Et que tout ensemble d’atomes animés à une conscience et peut ressentir.
C’est aussi ton exemple, quand tu lis Libres Commères et que tu te décides à essayer d’écrire dans ses pages.



Le soulèvement des survivants
Illustration peinte par Dall-E-3.

 

 


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À propos de l'auteur(e) :

Robot Meyrat

Éternel débutant, Chercheur de singularités, Créateur de chimères, Expérimentateur d’inédits. Inscrit dès la naissance à l’école de la Vie. Il m’arrive d’être drôle à mon insu. Je suis mon chemin. Résister au courant principal jusqu’à la Mort et au-delà.


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