Un pain à la une

Ce matin, je pensais à la pression qui manquait dans les pneus de ma voiture en franchissant le check-point à l’entrée du Leclerc, lorsque la une du journal exposé à ma droite m’interpelle. Je consulte la première page : « Un représentant CGT s’est pris une patate dans la gueule hier soir ». Je n’achète pas le journal. Mais la nouvelle m’obsède alors je creuse un peu. L’info se répand puisque beaucoup y étaient, et la commune est minuscule. Évidemment, c’est Antoine qui a mangé la mandale. Je croise le journal dans la main d’un pote retraité. Je salue poliment en empruntant le journal. Le pauvre a estimé nécessaire de cracher son avis au mépris d’une victime résolue à défendre le droit du travail contre les vampires du capital au quotidien, tout ignorant qu’il était de ma position inconditionnelle en sa faveur. « Il l’a bien cherché. » Je lui rend son journal. Sans même le consulter. Plus tard dans la matinée, je l’achète. Là encore, au bureau de tabac, un vieux con tente de vouloir m’expliquer qu’ « il n’y a pas de fumée sans feu », scrutant mon approbation. J’ai envie de l’enchaîner.

Je lis l’article qui mentionne trois fois le nom de la victime qu’on ne peut pas louper sur le photo-montage d’illustration – aussi réussi qu’un croissant sans beurre, et que la légende aurait aussi pu identifier. Demande d’explications d’un porte-parole adressée aux élus sur fond d’inauguration d’une boulangerie de centre-ville dont l’entrée semblait être sur invitation. Pour terminer, dans un contexte politique inquiétant, et une boulangerie qui sélectionne ses clients, le papier scelle le jugement d’un président de communauté qui « ne supporte pas l’irrespect » approuvant le pain dans la poire, satisfait dans le commentaire du geste de l’usage de la violence physique pour soumettre l’intersyndicale dans l’expression des droits, condamner la dignité humaine à la servitude, et bâillonner l’énoncé de l’information qui l’emmerde : En gros il avait qu’à fermer sa gueule. Et aller chercher son pain à côté.

Pour la dernière phrase, comptez sur nous.

Professeur Tournesol