Un macron qui cache la forêt ou de quoi Macron est-il le nom ?
Cet article est paru dans le numéro papier spécial été.
A quoi peut bien servir Marlène Schiappa ? Pourquoi supporter les yeux larmoyants d’Olivier Dussopt ? A quelle fin Elisabeth Borne s’entête-t-elle à provoquer bêtement députés et citoyens à coups de vapotages et de rires méprisants ? Est-il vraiment nécessaire de laisser Bruno le Maire donner des leçons d’économie d’une vacuité et d’une obsolescence tellement affligeantes ? Cette énumération de questions est sans fin, chaque jour apportant son lot de bêtises, de « mots d’esprit » (lol) méprisants ou de contre-vérités pleinement assumées. Et si on ajoute Yaël Braun-Pivet, Aurore Berger, l’inénarrable Karl Olive, Prisca Thevenot, l’insupportable Marc Fesneau, l’effrayante Agnès Panier-Runacher, et… tous les autres, c’est l’explosion de rire ou de pleurs assurée.
Mais peut-être sont-ils là justement pour ça : provoquer des émotions de plus en plus incontrôlables, cristalliser la colère et la moquerie pour cacher que pendant leur show ininterrompu, la vente continue. La vente de nos conquêtes sociales à coups de déremboursements de frais médicaux ou de déficit sciemment provoqué du système de retraite (voir le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites et l’analyse d’Alternatives économiques du 25 juin) ; la vente de nos territoires à la FNSEA et à la Fédération des Chasseurs qui, sous couvert de tradition et de nécessité alimentaire, détruisent la terre et les paysans pour produire toujours plus d’oléagineux à bio-carburants, de maïs à matières plastiques et de viandes malades pour remplir les frigos ; la vente de notre industrie qui, quoi qu’en dise le présidentissime, crève de la désorganisation du travail, des dépenses inutiles en conseil, communication ou rapports de tous poils, et subit de plein fouet la financiarisation débridée de l’économie (voir l’article de Dominique Meda dans Alter Eco du 20 avril et celui de Mathias Thépot sur la restructuration d’Orpea dans Mediapart le 27 juin) ; la vente aussi (et hélas pas enfin) de nos services publics, tous nos services publics, comme le montre toute la presse, y compris celle qui ne parvient plus à cacher cette braderie monstre de nos intérêts collectifs.
François Ruffin avait bien raison de dire à l’ensemble du gouvernement et des députés qui le soutiennent : « vous pensez figurer dans les livres d’histoire, vous ne resterez que dans les livres de compte, à la rubrique déficit ». Car c’est bien cela que la suffisance de Macron nous cache, la vente par pièces et au rabais de l’Etat français. Dans le but bien sûr de satisfaire des intérêts privés, d’enrichir quelques milliardaires dont il espère récupérer un ou deux os à ronger quand à son tour, il prendra sa retraite. Mais aussi pour prouver que son ultra-libéralisme permet la croissance sans fin de l’économie, l’ordre policier en passant la langue à l’ultra-droite (sic), et la paix sociale et internationale cernée de casque et de canons. Macron Imperator ouvrant les jeux du cirque, pardon les jeux olympiques, pourra en remontrer aux Césars de tous les temps et de tous les pays.
Seulement voilà, tout cela repose sur un immense mensonge et une très grande illusion. Le président s’enferme dans sa tour d’ivoire et ne reçoit plus d’information que de courtisans incultes est ridicules ; la presse elle-même, celle qui voulait être le quatrième pouvoir, n’est plus que la fabrique d’alibis factices pour justifier le mensonge, et gare aux individus et aux médias qui veulent dire la vérité ; les forces de l’ordre, celles-là mêmes qui sont censées protéger le monarque, sont en plein délitement (25 000 policiers et gendarmes ont démissionné en 2022 d’après un rapport de la Cour des comptes de janvier dernier) ; et la suppression exponentielle des règles de sécurité et des contrôles dans tous les domaines d’activité, y compris les usines les plus dangereuses comme les centrales nucléaires, nous mène irrémédiablement au bord du gouffre et de la catastrophe (voir l’article de Benjamin Fernandez dans le Monde diplomatique de ce mois de juillet). Est-il besoin d’en rajouter en parlant de l’état de la planète qui serait si bon qu’on peut de permettre une “pause écologique“ afin de ne pas freiner la croissance économique ?
Ivre de son petit pouvoir, Emmanuel Macron ignore ou oublie que ceux qu’il sert ne le protégeront que tant qu’il leur sert à quelque chose. Si Emmanuel Macron était cultivé, il aurait lu “comprendre et gérer les conflits dans les entreprises et les organisations » de Pierre Rousseau, lui qui voulait faire de la France une start-up nation, il saurait ainsi qu’un conflit se règle par le dialogue et la négociation (la vraie, pas celle d’Elisabeth Borne), et que quand on l’enterre par la force ou la ruse, il rejaillit à un moment et pour un prétexte inattendus avec une violence nourrie de la frustration. Si Emmanuel Macron avait quelques notions de politique, il aurait lu Nicolas Machiavel, et en particulier le chapitre 9 du Prince où il est dit « Celui qui devient prince à la faveur du peuple doit donc demeurer en amitié avec lui (…). Mais celui qui devient prince à la faveur des grands et à l’encontre du peuple, doit avant toute chose chercher à se gagner le peuple «. Le pouvoir d’Emmanuel Macron résulte à la fois du peuple et des grands, le jour où le chaos qu’il a créé nuira aux affaires des grands, il ne pourra pas compter sur le peuple. Il comprendra alors que ceux qu’il sert aujourd’hui ne l’ont mis en place que pour protéger l’ordre établi, et pas le gang de malfrats qui l’entoure. Il est urgent de dépasser les émotions qui nous paralysent et de nous unir pour combattre ceux qui, dans l’ombre depuis longtemps, détruisent tout ce qui fait notre vie. Les mauvais pitres qui nous provoquent ne sont eux, que de passage.
Jean-Luc Becquaert.
1) traduction de Thierry Ménissier
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