Culture

Les lycéens m’inspirent

Publié le 15/05/2024 à 18:37 | Écrit par Christophe Martin | Temps de lecture : 02m30s

Je me rends parfois à reculons au Musée des Beaux-Arts. Je m’y emmerde un peu, les expos ne me transportent plus depuis pas mal de temps déjà, en dehors de quelques oeuvres par ci par là. Mais les performances du 7 mai dernier par des élèves de Nodier autour des propositions de Sarah Roshem ont un peu infléchi ma réticence vis à vis du monde artistique que je trouve franchement timoré et dépolitisé depuis l’avènement du néolibéralisme. Le travail réalisé interroge matériellement et corporellement sur l’interaction et l’harmonie. Sur l’illustration ci-dessous, on peut voir que des balles de ping pong déposées sur un drap tendu par seize mains nécessitent pour se maintenir en équilibre une coopération en douceur. S’en est dégagé un moment de grâce que tout le public a profondément ressenti: alors que l’émotion esthétique est souvent une expérience solitaire, aussi bien la performance que le ressenti se sont opérés sous le sceau du collectif. Je n’ai pu m’empêcher de noter la très forte présence féminine. 

Ceci explique-t-il cela? 

 

 

Toujours est-il que l’équipe de l’option cinéma du lycée Prévert est à grand majorité féminine elle aussi, ce qui ne l’empêche pas de proposer au « Coup de cœur du spectateur » de la MJC le « Joker » de Todd Phillips : « Ce film nous parle, son montage rapide, amplifié par une photographie dans les tons verdâtres et sombres, nous amène très vite dans la brutalité d’une société malade, gangrenée par la surconsommation et l’omniprésence du divertissement, où les inégalités dominent et les faibles s’écrasent… ou pas. Majestueusement interprété par Joaquin Phoenix, Joker, âme solitaire et délaissée de la société, en quête de reconnaissance et d’amour, nous touche et impose la réflexion au spectateur sur notre monde actuel. » A ce commentaire du groupe, j’ajouterai pour avoir vu le film à plusieurs reprises que « Joker » montre bien comment la frustration économique et la précarité mentale mènent à la colère populaire qui s’exprime par l’émeute contestataire mais qu’elle ne revêt pas de caractère révolutionnaire, ni même réellement politique. Je ne partage pas la lecture de Houria Bouteldja sur les « manifestations » après la mort de Nahel Merzouk l’été dernier, même si je pense que Mélenchon avait raison de s’opposer aux violences sans appeler au calme, une façon légitime de jouer son « Joker », ce qui bien sûr n’a pas manqué de faire hurler les bonnes âmes de l’ordre bourgeois. En revanche, la récupération par la racaille des quartiers de l’explosion de colère légitime des jeunes est sujette à caution car les caïds et leurs gangs sont eux-mêmes capitalistes. Parce qu’elle est vouée à l’échec vu l’arsenal policier actuel, l’insurrection spontanée n’est qu’un défouloir : ça, le film le montre très bien. Le héros et tous les casseurs n’obtiennent rien sinon le chaos et le pillage, provoquant un sentiment de toute puissance chez le Joker et une jouissance un peu malsaine chez le spectateur. A vous de voir. 

« Joker », Le Majestic à Dole, jeudi 16 mai, 19h45, tarif unique : 6 euros. Les jeunes ont réalisé une bande-annonce assez réussie dont est extraite l’image d’illustration.




À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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