Couac à trois bandes
Adidas aurait dû se méfier de la mémoire sélective des Israéliens. S'ils ont oublié ce qu'il s'est réellement passé en 1948, le souvenir de Munich 72 est intact : onze de leurs athlètes ont été tués lors d'une prise d'otages par le commando palestinien Septembre Noir. Aux JO de Munich, Adidas était sponsor officiel et son service marketing a cru malin de relancer la SL72, une grôle de sport vintage qui date justement de cette année-là. Jusque là, rien à redire... mais le choix de la charmante Bella Hadid pour en assurer l'image de marque relève du faux pas même si le mannequin américain de 27 ans est franchement canon. Sauf que Bella Hadid a aussi de la mémoire : elle est la fille d'un réfugié palestinien, né à Nazareth comme Jésus et, contrairement à lui, devenu un gros promoteur de l'immobilier aux États-Unis. Et Bella Hadid a régulièrement exprimé son soutien aux Palestiniens depuis qu'Israël bombarde la bande de Gaza. On sait que sur cette question l'Etat sioniste est intraitable et manque singulièrement de discernement : si tu ne te tais pas, tu es antisémite, tu propages l'antisémitisme et tu appelles à la violence contre les juifs. Et c'est en toute mauvaise foi que l'ambassade d'Israël à Berlin a exprimé la colère de l’État israélien. Fallait pas être grand clerc pour prévoir cette réaction qu'on trouvera justifiée ou pas. Toujours est-il que c'est « Bella Ciao » pour Mademoiselle Hadid immédiatement retirée de la campagne de pub mais qui ne finira pas sur les trottoirs de Miami (Papa est un gros bonnet de la spéculation immobilière). En revanche Adidas se retrouve malmené sur Welt TV par l'ambassadeur israélien en Allemagne Ron Prosor même après les excuses d'Adidas : « Comment Adidas peut-elle maintenant prétendre que le souvenir de cet événement était totalement involontaire' ? L'attentat de 1972 est gravé dans la mémoire commune des Allemands et des Israéliens ». Et comme ce n'est pas la seule, m'est avis qu'on devrait payer quelques cours d'histoire aux jeunes génies des écoles de commerce occidentales : ça éviterait des aventures commerciales hasardeuses ! Cela dit, la prise d'otage de 1972 a mené à des représailles orchestrées par le Mossad et Tsahal : d'un côté, les services secrets abattent des terroristes (quitte à se tromper de cible), de l'autre, l'aviation bombarde les camps de réfugiés (en étant sûre de se tromper de cibles). Dernièrement, Baraa Katerji, un homme d'affaire très copain de Bachar Al-Assad, a été exécuté par un drone israélien pas loin de Damas sans que ça ne génère le moindre remous diplomatique. Rappelons qu'une exécution sans jugement, même celle d'un salopard, n'est pas digne d'une démocratie, encore moins un massacre. C'est pratique et expéditif mais légalement et moralement, c'est interdit. Et là, ce n'est pas une simple histoire de godasses de sport et d'indélicatesse publicitaire.
À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.
Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès
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