Un autre Obama est possible
Kamala Harris coche toutes les cases de la candidate idéale pour les bien pensants atlantistes (1). Femme (2), métisse, éduquée, jeune (3), élégante, progressiste (ou considérée comme telle), démocrate, œcuménique (4), chargée des valeurs du camp du Bien et du monde libre. Et c'est là que le bas file.
On a eu en effet à maintes reprises l'occasion de pâtir de la politique de l'administration Biden, elle-même issue de la mouvance Obama-Clinton et de l'impérialisme américain d'une manière plus générale. Je dis cela parce qu'il me paraît assez hasardeux de poser des jugements de valeur sur les autres nations et encore moins de donner des conseils de politique intérieure aux États souverains. Les États-uniens définissent donc eux-mêmes la manière dont ils veulent être gouvernés.
En revanche, leur manière d'imposer au reste du monde ce qui leur profite pose problème. Et quoique bien pâle vice-présidente d'un président encore plus blafard et gâteux, Kamala Harris est la candidate idéale pour cette Amérique yankee triomphante et impérialiste qui, sous un visage plus propre sur soi et moins déjanté que Trump, n'en est que plus insidieusement autoritaire et intrusive. Obama avait l'air cool parce qu'il se débrouillait avec un ballon de basket mais son insupportable politique étrangère d'ingérence a globalement foiré : Afghanistan, Ukraine, Syrie, TAFTA, Snowden, NSA, Assange... Et les commentateurs oublient soigneusement de parler de l'affaire Khadafi, des raisons véritables de son limogeage létal et du gigantesque boxon qui s'en est suivi. Obama reconnaît d'ailleurs lui-même son erreur stratégique sur ce dossier. Et je vous passe la lente mais irréversible dégradation des relations avec la Russie et la Chine. Vous me direz que ce n'était pas Obama mais Hillary Clinton qui était aux manettes. Justement, c'est le camp entier des Démocrates (la veine Bernie Sanders exceptée), cette pseudo gauche progressiste (5) états-unienne, qui partage cette vision idéologiquement expansionniste et culturellement invasive.
Supportée par toute une smala de stars du spectacle, Kamala Harris ne dérogera pas à cette croyance que les États-Unis représentent le modèle vers lequel le monde entier doit tendre. Alors, quels que soient les thèmes de campagne qu'elle choisira, soyons persuadés qu'elle n'infléchirait pas, en cas de victoire aux primaires, puis à la présidentielle, la politique prédatrice de son pays vis à vis du monde et surtout pas au détriment de la classe politique et économique qui finance sa campagne. Je ne la crois pas capable (ni désireuse en fait) de stopper les livraisons d'armes à Israël, de négocier honnêtement avec Poutine et d'arrêter les provocations militaires au large de la Chine ou sur le territoire européen.
En France, le camp du Bien, eurobéat et otaniste, a élu sa candidate à la Maison Blanche. Ses médias vont chercher à nous faire croire qu'elle vaut mieux que Trump parce qu'elle est moins machiste, mieux léchée que lui et issue de la diversité raciale. Mais on s'en fout : ce qui nous importe, c'est que le prochain chef d’État états-unien piétine un peu moins notre souveraineté nationale que ses prédécesseurs, accepte enfin la multipolarité du monde et ne déclenche aucune guerre néocoloniale. A ce niveau, Donald Trump me semble plus qualifié que Kamala Harris.
1) Un atlantiste voit dans les États-Unis le modèle à suivre et soutient que le Parti démocrate américain, tout comme le PS, est de gauche.
2) Mélenchon parlait d'Huguette Bello en « femme racisée et féministe antiraciste pour la proposer au poste de premier ministre, un poste qu'il sait, soit dit en passant, qu'il grillera la carrière de celui qui l'occupera dans les mois difficiles qui s'annoncent.
3) A 59 ans, Kamala Harris et moi sommes en pleine possession de nos moyens intellectuels, au zénith de ce que la nature nous a offert à l'intérieur de la boite crânienne.
4) Mère hindoue et père baptiste, elle se déclare chrétienne baptiste mais participe volontiers avec son mari aux célébrations judaïques. Elle affiche volontiers sa foi et ne garde pas secrète ses conversations avec son dieu.
5) Même si Trump en fait « une cinglée de la gauche radicale » pour ses prises de position en faveur de l'avortement, de la protection des personnes LGBT, du climat ou d'une certaine molesse sur l'immigration, Kamala Harris n'a rien, mais alors vraiment rien, d'une anticapitaliste.
À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.
Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès
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