Technologie

Les feuilles se ramassent à la pelle…

Publié le 26/08/2024 à 20:07 | Écrit par La Rédac' | Temps de lecture : 05m34s

Histoire de nos campagnes délaissées (en mémoire de nos poètes-résistants et alchimistes de la République)

Les personnages et évènements de ces pages sont fictifs. « Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence ».

Imaginez un jour ensoleillé de 2023 ; les coquelicots au bord d’une route campagnarde découvrent une nouvelle star : l’annonce de l’autorisation de construire une antenne relais de 42 mètres de haut (soit un immeuble de 14 étages)… C'est le cadeau réservé aux voisins de cette future « Miss 5G ».

Les résidents, aussi surpris qu'un lapin devant des phares de voiture, découvrent que cette tour de Babel des ondes est prévue sur un terrain privé. Apparemment, personne n'a pensé à discuter avec les gens directement touchés. Qui a dit que la loi prévoit des mesures d’information dans ce cas précis, voire un débat public s’il est souhaité?

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,

Les souvenirs et les regrets aussi 

Et le vent du nord les emporte 

Dans la nuit froide de l'oubli.

Face à ce projet qui émerge en lousdé, un groupe de riverains se met en mode Sherlock Holmes. Les « experts » sont en action, décortiquent les textes de l'OMS, l'ANSES où les recherches du professeur Zothansiama et autres décisions de justice protégent des vaches d’une antenne de ce type.

Fort de la découverte de l’irrespect des lois tant par le promoteur que la mairie, ils lancent un recours gracieux pour annuler le permis, ou en tout cas pour donner à cette antenne un peu plus de fil à retordre.

Pendant ce temps, l'antenne a le sourire et clame vouloir réduire la fracture numérique. Vous savez, comme si la zone avait autant besoin de 5G qu'un poisson a besoin d'une bicyclette.

Oh ! je voudrais tant que tu te souviennes
 Des jours heureux où nous étions amis.
 Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
 Les souvenirs et les regrets aussi

Au premier rang des acteurs de cette « comédie », on trouve une entreprise de télécom qui vise le jackpot comme un joueur de casino. Le dernier iPhone ? Des cacahuètes à côté de leur résultat net après impôts : 103 Millions sur un CA de 300 ; les GAFAs n’ont qu’à bien se tenir. Et quand on enregistre un tel succès financier, on n’a plus à se soucier du respect de la légalité pour quelques péquins ruraux.

On a également la propriétaire du terrain : maire d'un village voisin. Celle-là a trouvé une astuce pour toucher un loyer tout en évitant les ondes : louer son terrain, habiter et administrer ailleurs. Double jackpot !

Pendant ce temps, la maire du village, un peu dépassée par les ondes et les abréviations, tente de naviguer à travers le brouillard de l'information. Elle reçoit laborieusement des citoyens inquiets comme si elle était une hotline technique, et parle d'autorisation abandonnée aussi maladroitement qu'une girafe dans un magasin de porcelaine. La Communauté de Communes joue la carte du "pas de bras, pas de chocolat", renvoyant la balle. Le préfet et le chef de l’ARS? Ils ont oublié leur portable... Pas de réponses aux lettres. Silence radio.

La scène locale est complétée par une association foncière, dirigée par un président qui a le pouvoir comme si c'était son anniversaire tous les jours. Il veut creuser un trou pour faire passer le jus jusqu'à l'antenne, même si certains pensent que cela pourrait transformer ses vaches en radios ambulantes. Quant aux jugements interdisant ces matériels face à des étables, ils les ignorent.

Enfin, les habitants du coin, signataires d'une pétition, se sentent un peu comme des confettis dans une tempête électromagnétique. Les gouvernements font des lois en faveur des installations téléphoniques comme s'ils avaient besoin d'une antenne pour capter le bon sens. L'idée d'un recours contentieux plane comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête du collectif.

En ce temps-là la vie était plus belle,
 Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
 Les feuilles mortes se ramassent à la pelle.
 Tu vois, je n'ai pas oublié...

Tout s'est passé en mode ninja, sans infos pour les habitants, comme si l'antenne était une star et tout le monde devait s'incliner. Ils veulent leur gâteau sans que les gens qui vont manger puissent dire quoi que ce soit. Ils ont donc décidé de faire du justice-punching.

La suite : plutôt que d’annuler une décision prise sur un dossier non conforme à la loi, comme le demandent les riverains, la maire nous a réservé quelques tours de magie.

Tout d’abord elle écrit sa demande au promoteur (non sans mal, les requêtes orales par mail et courriers se sont enchaînées avant qu’elle retrouve sa plume) : qu’il envoie les pièces manquantes à son dossier !... Ne pas casser l’autorisation ! Cela pourrait déplaire aux amis politiques, voire pire : réveiller les juristes du colosse financier. Quant aux besoins et intérêts de ses concitoyens ? Mais que sommes-nous sots  !!! Cela n’entre plus en compte dans le paysage politique contemporain. Les veaux sont là pour élire des élites qui ensuite les conchient. Un point, c’est tout.

Ensuite, une réunion de concertation avec les « opposants » (ce sont les termes utilisés). En fait de concertation, elle enfume les dernières abeilles. L’horaire en pleine journée éjectant du cadre ceux qui travaillent (bien vu dans une cité dortoir). Les experts prévus par la loi et demandés étant absents. Le tout s’achevant par une promesse du financier des ondes : « Nous ne construirons que 32 mètres ». Ha ! C’est tellement gracieux, mon bon maître. Plus que 11 étages (soit tout de même mieux que le plus grand immeuble de la ville voisine…). Et comme nous sommes bon prince, nous vous laissons même choisir le type d’antenne (un pylône EDF ou un phallus vert). Toc. Une claque sur les fesses et au lit.

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
 Les souvenirs et les regrets aussi
 Mais mon amour silencieux et fidèle
 Sourit toujours et remercie la vie.

La conclusion reste en suspens : est-ce que les héros du quartier vont réussir à mettre le grappin sur cette antenne et à la faire plier ? À suivre, comme on dit. 

Si vous voyez pointer une construction dardant ses émetteurs d’ondes en tous sens (les précisions sur l’orientation, l’intensité et les fréquences sont toujours attendues), nous n’aurons qu’à nous en prendre à nous-mêmes… depuis le temps que nous laissons les élus dégrader petit à petit les ors de la République. Ne parlons pas de démocratie, la loi du plus riche ne perd pas de temps avec les confrontations d’idées fondant la cité.

Et le vent du nord les emporte
 Dans la nuit froide de l'oubli.
 Tu vois, je n'ai pas oublié
 La chanson que tu me chantais.

Aristote, Montesquieu, Descartes, Montaigne, Levi-Strauss, Aron... les brutes arrachent vos pages, et nous les voyons voler au vent. Internet, spam et mensonges divers et variés vous ont remplacés. Mais la vie sépare la Démocratie et les débats d’idées de ceux qui les aimaient, tout doucement, sans faire de bruit. Et la mer efface sous le sable, les dernières colonnes qui bordaient l’agora, ainsi que les pas des Hommes désunis.

Il semble bien que les décisions ne soient plus prises par le peuple avant longtemps…

1000 mercis et autant d’excuses à Monsieur Prévert pour l’emprunt de quelques lignes, le saccage pourront dire certains…

Jack Cinqjets




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Donner la parole à ceux qui ne l'ont pas, voilà une noble cause ! Les articles de la Rédac' donnent le plus souvent la parole à des gens que l'on croise, des amis, des personnalités locales, des gens qui n'ont pas l'habitude d'écrire, mais que l'on veut entendre...


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