International

De Mickey Mouse à Che Guevara, une trajectoire improbable - 1ère partie : une enfance dans l'oeil du cyclone (1928-1945)

Publié le 06/10/2024 à 09:54 | Écrit par La Rédac' | Temps de lecture : 28m52s

Notre interlocuteur a décidé de prendre un pseudonyme. Il a choisi Mickey pour une raison qu’il développera un peu plus loin. Son récit est celui d’un jeune parisien qui traverse une bonne partie du XXème siècle et croise quelques figures historiques. Comme 95 ans d’un vie riche, ça ne se raconte pas en quelques lignes, nous avons retranscrit ici les quelque 6 heures d’entretien que nous avons eues en plusieurs épisodes. Le premier va de 1928 à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

LE MIRADOLE.- Eh bien, commençons par le début. Ta naissance, tes parents…

MICKEY.- Je suis né à Paris où mon père était lui-même arrivé de Vienne vers 1910 environ. Je dis environ parce que je ne sais pas précisément à quel moment il est arrivé. Il ne racontait rien de sa vie antérieure … Il avait décidé de quitter Vienne définitivement pour s’installer en France pour des raisons diverses, certaines connues, certaines inconnues de moi parce qu’il n’en parlait guère. Je ne connaissais rien de ses antécédents familiaux, plus ou moins lointains, notamment paternels. Il était arrivé à Paris avec sa sœur aînée qui venait de perdre son mari, les deux filles de celle-ci et sa mère, une dame de la bourgeoisie viennoise qui ne parlait pas français. J’ai un peu connu cette dame qui vivait chez nous. Elle me parlait comme à un enfant mais elle ne me parlait qu'en allemand. 

LE MIRADOLE.- Et tu nais en…?

MICKEY.- Je nais au mois d’août 1928 dans le 9ème arrondissement de Paris où mon père avait loué un appartement dans un vieil immeuble datant de l’Empire.

LE MIRADOLE.- Le 9ème arrondissement en 1928, socialement, c’est comment?

MICKEY.- C’était un quartier fort bourgeois déjà. Le 9ème arrondissement est divers, certaines parties sont plus prolétaires que d'autres, mais nous habitions dans le quartier bourgeois, c’est à dire plus précisément le quartier de la rue Lafayette qui est un grand axe parisien très commercial. Je me souviens d'un café qui s'appelait Les Diamantaires. Ça donne la couleur…

LE MIRADOLE.- Rue Lafayette, carte jaune au Monopoly…

MICKEY .- …c'est là que s’étaient installées les fameuses Galeries Lafayette. Nous vivions tout près.

LE MIRADOLE.- J’imagine que tu vas commencer à aller à l’école…

MICKEY.-  J’allais dans une école publique. Mon père était très laïc. Il ne voulait pas du tout entendre parler d’école privée, encore moins religieuse. Il tenait à l’école publique. Je suis d'abord allé au jardin d’enfants du lycée Lamartine qui était tout proche. C’était un lycée de filles. A l’époque, il y avait encore la ségrégation. J’y suis resté deux ou trois ans avant d’aller à l’école communale de garçons la plus proche, rue de la Victoire. J’ajoute un détail : on m’a dès l’enfance appelé Micky parce qu’en 1928 était apparue pour la première fois la figure de Mickey Mouse dans le dessin animé qui venait de sortir. C’est de là qu’est venu mon surnom. Tout le monde m’a tout de suite appelé Micky.

LE MIRADOLE.- Sur le plan culturel, peux-tu me dire comment cela se passait chez toi?

MICKEY.- C’était un très grand appartement de huit pièces où mon père avait sa consultation. On voyait défiler chez nous une patientèle plutôt bourgeoise.

LE MIRADOLE.- Quelle était sa profession?

MICKEY.- Mon père était médecin. A Vienne déjà, où la médecine était très développée, il était oto rhino, mais quand il est arrivé à Paris, on lui a refusé le droit de travailler parce qu’il n’avait pas de diplôme français. Il a donc dû repasser des examens pour qu’on l’autorise à exercer. 

LE MIRADOLE.- A Vienne, avait-il rencontré Freud?

MICKEY.- Non, mais c’était le même milieu. Il vivait dans le même quartier à Vienne, je crois.

LE MIRADOLE.- Et ton père n’a pas cherché à percer du côté de la psychiatrie?

MICKEY.- Non, pas du tout. J’allais dire malheureusement, parce que, lorsqu'il s’est marié dans les années 20 avec ma mère à Paris, celle-ci souffrait d’une névrose obsessionnelle… 

LE MIRADOLE.- Comme toute viennoise de l’époque…

MICKEY.- Comme elle était gravement atteinte, il l’a lui-même conduite vers toutes sortes de psychiatres dont des psychanalystes et elle a toute sa vie été familière des consultations psychiatriques… Mon père était né en 1876 à Cracovie qui était à l’époque au sein de l’empire austro-hongrois. Il ne se considérait pas comme polonais dont il ne parlait pas la lanhue, mais comme autrichien, austro-hongrois. Il avait quitté Cracovie probablement très jeune pour venir avec une partie de sa famille à Vienne où il avait fait ses études secondaires et supérieures. Il considérait Vienne comme sa ville. J’ajoute qu’à Cracovie dans son milieu, on parlait yiddish mais mon père semble s'être rebellé très tôt. Il n'acceptait pas de parler yiddish parce que, dans la Vienne fin de siècle, c’était humiliant, il voulait parler le « hoch deutsch », le véritable allemand classique auquel il tenait beaucoup comme langue de haute culture.    

LE MIRADOLE.- Et donc laïc jusqu’au bout des ongles?

MICKEY.- Absolument.

LE MIRADOLE.- Et toi, tu reçois une éducation française classique dans les années trente ?

MICKEY.- Oui, sauf que dans mon enfance, mon père, mon frère aîné et moi, nous parlions aussi bien le français que l’allemand. Mais, avec l'intégration dans la société française et sans doute aussi à cause de la guerre, l'allemand s’est peu à peu effacé de l'atmosphère familiale. Parler allemand était devenu inconvenant. Mon père tenait beaucoup à l’assimilation, c’était son grand mot. Il était d'ailleurs farouchement anti-sioniste et se considérait désormais comme exclusivement français. Naturellement, l’allemand, il le revendiquait comme sa langue de culture mais il ne se voulait pas allemand: il se voulait français.

LE MIRADOLE.- Il avait été naturalisé?

MICKEY.- Oui, grâce à la première guerre mondiale où il s’était engagé comme médecin dans l’armée française.

LE MIRADOLE.- Si on en revient à l’école. Tu y fais du grec, du latin?

MICKEY.- Oui. J’allais dans un lycée connu à Paris, le lycée Condorcet, l’un des grands lycées parisiens. Mon père était très strict sur l'assiduité et l’application. Latin et grec, il suivait cela de très près parce qu’il connaissait admirablement ces deux langues. Donc, il ne me pardonnait pas les fautes de grammaire… Il était scandalisé qu'on ne parle plus couramment ces langues mortes et qu'au lycée, on n' étudie ni la cristallographie ni la cosmographie, comme cela avait été le cas dans sa jeunesse !

LE MIRADOLE.- Tu as eu des baby sitters?

MICKEY.- Oui, j’ai encore le souvenir de certaines d’entre elles que j'aimais beaucoup. C’étaient toutes des demoiselles étrangères qui venaient de Suisse, d’Allemagne, d’Autriche…

LE MIRADOLE.- Et vous fréquentiez quel type de personnes?

MICKEY.- Parmi les amis de mes parents, de mon père notamment, il y avait un certain nombre de juifs émigrés qui parlaient français comme vous et moi mais affichaient des liens culturels très marqués avec le judaïsme.  Nous, pourtant, n'avions aucune culture juive, surtout pas religieuse, laïcité oblige ! Je me souviens aussi de deux prêtres de l'Institut catholique, qui venaient fréquemment à la maison.

LE MIRADOLE.- J’imagine que tu atteins le baccalauréat sans problème…

MICKEY.- A ceci près qu’une grande partie de mes études secondaires s’est effectuée pendant l’occupation allemande et que cela a été une période très perturbée à cause du danger et de la crainte que la Gestapo vienne nous rafler. Mon père et ma mère avaient créé des liens d’amitié avec certains enseignants du lycée Condorcet qui nous protégeraient au cas où les Allemands interviendraient au lycée.

LE MIRADOLE.- Tu veux dire que la direction et les profs de Condorcet savaient que tu étais juif et malgré tout, t’acceptaient encore en cours?

MICKEY.- Absolument. Je me souviens encore de ma rentrée en troisième au lycée Condorcet où, le premier jour de classe, le professeur de latin-grec, notre professeur principal, m'a fait venir sur l’estrade, à la stupéfaction des autres élèves. Il m’a demandé de m’asseoir à côté de lui et puis il m’a dit en me regardant dans les yeux: « Je tiens à vous féliciter pour l’insigne que vous avez sur la poitrine. » C'était évidemment l'étoile jaune!

LE MIRADOLE.- Si on revient un peu en arrière, même si tu étais très jeune, as-tu des souvenirs de la crise ou du Front populaire?

MICKEY.- Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de cette période. J’étais petit et ça ne me touchait pas beaucoup. Mon père, à cette époque-là, avait des revenus confortables, on vivait très bourgeoisement et je ne me souviens pas avoir ressenti le moins du monde les crises, économique ou politiques. 

LE MIRADOLE.- Ton père était politisé?

MICKEY.- Il se disait radical-socialiste. Son héros en politique, c’était Léon Blum.

LE MIRADOLE.- Tu as 11 ans en 1939. Comment le début de la guerre va être ressenti dans ta famille?

MICKEY.- Je ne me souviens pas des premiers jours... En revanche, très vite, il y a eu l’exode. Nous sommes partis de Paris au moment où les Allemands menaçaient de bombarder la ville. Des amis qui étaient dans la politique et qui connaissaient bien les affaires de l’État, ont dit à mon père: s’il faut que vous quittiez Paris, nous vous le dirons. Et un jour mon père a reçu un appel téléphonique d’un de ses correspondants qui lui a dit : Maintenant, partez, ça devient dangereux! Et nous sommes partis en urgence. En voiture, avec mes parents, ma grand-mère maternelle qui vivait avec nous, mes deux frères, l'infirmière de mon père, à 7 dans la traction avant Citroën de la famille… Nous avons parcouru avec difficulté la ville qui était encombrée comme jamais et, après des heures d'embouteillages, nous avons atterri, si j’ose dire, à Villeneuve-la-Guyard, un petit patelin dans l’Yonne. Quand nous sommes arrivés, tout le monde était fatigué, il était tard. Il y avait là une auberge sur le bord de la route, Le Relais fleuri, et nous y avons dormi. Finalement… je dis finalement, parce que les jours ont passé, nous sommes restés là, alors qu’on voyait tout Paris défiler sur la route pour le sud. C’était très pittoresque, j’allais dire, parce que les voitures passaient, surchargées, avec des matelas sur le toit et tout un tas de choses… Nous sommes restés près de deux mois dans cet hôtel. 

LE MIRADOLE.- Sans avoir l’idée d’aller plus loin?

MICKEY.- Si et non, parce que mon père pensait que la situation n’était peut-être pas si grave et qu'il tenait à continuer de recevoir ses patients. Il retournait donc chaque semaine à Paris pour travailler. Avec son infirmière qui conduisait la voiture et dont je reparlerai, il repartait pour Paris le lundi, y passait la semaine et revenait le samedi. Nous restions seuls avec ma mère dans cette hôtellerie. Mon père alla à Paris jusqu’au jour où on lui recommanda de ne plus revenir car Paris allait être occupé. Dans notre hôtel, mon père avait fait la connaissance de deux fonctionnaires qui travaillaient dans une raffinerie de pétrole située au bord de la Seine. Comme par hasard ils étaient juifs, l’un s’appelait Goldberg, l’autre Saltiel. Ils nous ont rempli le réservoir d’essence avant de faire sauter la raffinerie, et nous avons repris la route… 

LE MIRADOLE.- Des résistants de la première heure !

MICKEY.- C’est ça! Nous sommes partis vers le sud et lors d'une halte, des Allemands sont venus dans notre hôtel chercher un médecin dont ils avaient su, je ne sais comment, qu'il parlait allemand. Ils ont donc emmené mon père avec un side car, celui qu'on voit dans les films... Nous étions très inquiets mais il a été ramené quelques heures plus tard après avoir soigné le commandant de la place qui, pour le remercier, nous a fait apporter un gros morceau de viande de cheval! Après des jours d'errance, nous nous sommes retrouvés dans une petite ville nommée Vaux-en-Beaujolais, connue depuis parce que le roman « Clochemerle » s'y passe. C’était au milieu des vignes et nous sommes restés là plusieurs mois, parmi les puces qui infestaient les lits et par un froid de chien, jusqu’à l’hiver 40 où nous sommes finalement rentrés à Paris. 

LE MIRADOLE.- Sachant que vous êtes juifs, je ne comprends pas trop que vous rentriez…

MICKEY.- Des amis avaient en effet dit que c’était dangereux, mais mon père pensait, qu’étant naturalisé français, il ne risquait pas grand-chose. C’était son argument. Dès l'arrivée des Allemands, les premières lois d’exclusion des juifs avaient été promulguées, dont l’interdiction d'exercer la médecine. Je me souviens d'une réunion chez nous à Paris. Nous vivions désormais rue de Lisbonne dans l’appartement que nous avions occupé à partir du printemps 1938, un très bel appartement situé à deux pas du parc Monceau. Les amis de mon père s’y étaient réunis pour apprécier s’il convenait ou non de se déclarer juifs. Certains disaient oui, d’autres non, il y a eu des discussions interminables et finalement, le consensus a voulu que par solidarité, on se déclare. Mon père était opposé à cette idée mais il a fini par se ranger à l'avis majoritaire.

LE MIRADOLE.- Alors qu’il n’y avait aucun moyen de le savoir, pas de pratique religieuse, vous étiez français!

MICKEY.- Oui, mais l’ensemble des gens qui étaient là disaient que par solidarité, il fallait qu’on fasse cause commune. On s’est donc déclarés comme juifs à la mairie… 

LE MIRADOLE.- C’est surprenant. Pour moi, c’est se jeter dans la gueule du loup… Tu as donc repris ta vie d’avant?

MICKEY.- J’ai repris mes études dès notre retour à Paris. En décembre, je suis de nouveau allé au lycée Condorcet. J’étais en sixième mais j’ai redoublé ma sixième parce que du fait de l'exode, j'avais accumulé du retard.

LE MIRADOLE.- Et là, on sait que tu es juif…?

MICKEY.- Oui, parce que je porte l’étoile…

LE MIRADOLE.- Dès que vous vous êtes déclarés juifs, les autorités françaises vous ont donc obligés à porter l’insigne?

MICKEY.- Oui, et ils vérifiaient… quelques mois après, nous avons été convoqués avec ma mère dans un bureau pour prouver que nous portions bien les étoiles et qu’elles avaient été correctement cousues. On avait chacun trois étoiles pour chaque série de vêtements. 

LE MIRADOLE.- Et fournies par l’administration française?

MICKEY.- Oui, par les Français!

LE MIRADOLE.- Donc tu vas en classe avec ton étoile, ton professeur te protège en quelque sorte, comment cela s’est passé vis à vis de tes camarades? 

MICKEY.- Dans ma classe, il y en avait un ou deux qui avaient aussi une étoile. mais il n’y avait aucun problème à l’école avec les copains et les camarades de classe. Et il n’y en a jamais eu aucun.

LE MIRADOLE.- L’antisémitisme, tu ne l’as donc pas du tout senti?

MICKEY.- S’il y en avait un, je ne l’ai pas ressenti. En tous cas, à Condorcet, aucun des profs ou des élèves n’a jamais fait aucune allusion ni à l’étoile, ni au judaïsme, ni à rien de tout cela.

LE MIRADOLE.- Toi et ta famille, avez-vous quand même eu des ennuis avec la police française ou la Gestapo?

MICKEY.- Non, nous allions dans la rue normalement. J’allais à l’école normalement avec mon sac et mon masque à gaz, puisque le masque à gaz était obligatoire et qu'on devait toujours l’emporter avec soi. La seule qui était inquiète de l’intervention possible des Allemands, c’était ma mère. Elle passait une partie de la nuit sur le balcon à guetter l’arrivée possible de la Gestapo pour nous rafler. Dès qu’elle entendait le moindre bruit, elle se précipitait pour voir si ce n’était pas une voiture de police…

LE MIRADOLE.- Étrangement, c’était elle qui avait raison de craindre une rafle.

MICKEY.- Oui, c’est vrai, mais mon père la critiquait beaucoup car lui au contraire était plutôt confiant. Enfin… c'est du moins ce qu'il affichait, sans doute pour nous protéger des angoisses contagieuses de ma mère... Il ne croyait pas qu’il puisse nous arriver malheur. 

LE MIRADOLE.- Vous n’aviez aucune idée de ce qui se passait en Allemagne?

MICKEY.- Si. Ma mère savait. Ma mère parlait des camps de concentration et craignait qu’on nous y envoie à un moment ou à un autre. Elle en parlait tous les jours…

LE MIRADOLE.- Et à partir de la rafle du Vel d’hiv, vous avez vu des gens disparaitre autour de vous?

MICKEY.- Oui, des gens de la famille notamment, du côté de ma mère.

LE MIRADOLE.- Ton père s’est peut-être un peu inquiété à ce moment-là?

MICKEY.- En tout cas, il ne l'a jamais montré! Une partie de la famille de mon père avait fui à temps aux États-Unis. On savait qu’ils étaient là-bas et même qu’ils y faisaient des démarches pour qu’on obtienne l’autorisation d’émigrer. 

LE MIRADOLE.- Oui, parce que, avec ses moyens financiers, ton père aurait très bien pu vous faire partir.

MICKEY.- Mon père n’était pas contre l’idée d’aller rejoindre sa famille à New-York mais il y avait un gros inconvénient, c’était l’état de mon frère aîné qui souffrait d'une grave maladie cardiaque congénitale.. Il ne pouvait faire aucun effort. L’idée avait été planifiée de passer en Espagne par les Pyrénées. Mais il fallait marcher pendant des heures dans la montagne pour passer la frontière et mon frère était incapable de cet effort physique. Mon père a dû renoncer.

LE MIRADOLE.- Et il était déjà trop tard pour vous rendre dans un port français!

MICKEY.- Oui. A mesure que les Allemands raflaient les gens, mon père était averti sur ce qu’il fallait faire ou ne pas faire. Des amis le renseignaient plus ou moins sur les dangers possibles. A un moment donné, je ne sais plus lequel d’entre eux lui a dit: il faut que vous partiez de chez vous parce que les Allemands peuvent désormais venir à tout moment. Alors mon père a décidé que nous allions nous disperser pour que, si certains étaient pris, d’autres ne le soient pas. Mes parents sont donc allés vivre avec mon frère malade chez des amis dont, par prudence, nous, les enfants, ne connaissions ni le nom ni l'adresse. Quant à mon frère cadet et moi, nous avons été accueillis par la mère de l'un de mes camarades de classe qui vivait dans un tout petit appartement près du lycée depuis que son mari avait ete fait prisonnier en Allemagne. Aucun de nous ne savait où étaient les autres. On était en 42-43.

LE MIRADOLE.- Et donc les années les plus noires et les plus dangereuses! Et toi, tu vas survivre grâce à ces gens-là!

MICKEY.- Oui, et j’allais quand même à l’école. Nous étions devenus amis avec le surveillant général du lycée qui était une autorité très stricte. Ce surgé était un peu particulier: il était lorrain et il était de l’Action Française, antisémite notoire! 

LE MIRADOLE.- Comme Maurras.  

MICKEY.- Et il se revendiquait comme tel. Mais il disait aussi que depuis que les Allemands avaient envahi la France, il ne fallait plus parler des juifs. Ce n’était plus son affaire! Son affaire, c’était les Allemands! L’ennemi, notre ennemi commun, c’était l’Allemand, le boche. Par conséquent, il nous protégerait en tant que français et on oubliait l’Action Française, Maurras et tout ça… il était devenu notre protecteur! Il avait dit à mes parents : si les Allemands viennent, ne vous inquiétez pas, je connais toutes les entrées et toutes les sorties de Condorcet, c’est un grand machin, je les ferai sortir! Et c'est ce qu'il a fait! A cette époque-là, il y avait presque tous les jours, des raids aériens anglo-américains sur Paris. Des centaines d’avions survolaient Paris et bombardaient… ou pas! Quand il y avait une alerte aérienne, les classes s’arrêtaient, et il fallait courir dans les abris. Les abris, c’était le métro. Celui de la gare Saint-Lazare, c’était un réseau souterrain très important. Alors on allait se cacher là, non pas dans les stations mais sur les voies ferrées dont l’électricité était coupée. Ça durait une demi-heure, trois quarts d’heure, dans le noir, puis on se dispersait... C'était Monsieur Champagne, le surgé, puisqu’il s’appelait ainsi, qui dirigeait les opérations. Il était professeur d'histoire, incollable sur toutes les questions historiques et il allait devenir après la guerre une vedette de la radio où il animerait un célèbre jeu de redoutables questions d'histoire…

LE MIRADOLE.- Et tu portais l’étoile? Avec des Allemands partout, des mouchards…

MICKEY.- Oui, ceux qui la portaient la portaient comme ça, on la portait…Je crois me souvenir que mon père, qui continuait à aller travailler à sa consultation de la rue de l'ancienne comédie, malgré le fait qu’il n’y était pas autorisé, mettait une étoile de façon discrète voire invisible, je ne sais pas comment il faisait, il la mettait sans la mettre vraiment, il ne la mettait pas en valeur en tous cas pour aller travailler. 

LE MIRADOLE.- Vous êtes donc passés à travers les mailles du filet.

MICKEY.- Oui, mais un jour, il y a eu un incident. L’infirmière de mon père dont j’ai déjà parlé, tchécoslovaque et de religion protestante, vivait avec nous. Elle était arrivée dans notre famille en 1935 comme baby sitter et était devenue la mère adoptive de mon frère cadet qui la considérait vraiment comme sa mère. Mon père l'avait convaincue d'entreprendre des études d'infirmière, ce qu'elle avait fait. Elle s’était attachée à la maison, avait fait tout l’exode avec nous, était rentrée avec nous et, du fait des incapacités de ma mère, avait pris la maison en main. C’était elle qui dirigeait la maison. Pendant l’exode, lors de l'épisode que j'ai déjà raconté oú les Allemands étaient venus chercher mon père pour soigner leur commandant, ils avaient fait la connaissance de Lydia et pour remercier mon père de les avoir aidés, ils avaient accepté d'acheminer par la poste militaire allemande une lettre destinée à sa mère à Prague puisqu'aucun courrier ne circulait plus. C’était exceptionnel !      

LE MIRADOLE.- C’était des soldats de la Wehrmacht?

MICKEY..- Oui, elle a donc confié sa lettre à la Wehrmacht mais quelques mois plus tard à Paris, on a vu débarquer à la maison la police allemande, qui a sonné au grand émoi de ma mère. Ils ont demandé à parler à Lydia et lui ont montré la lettre qu’elle avait envoyée à sa mère. L’Allemand voulait savoir comment elle avait pu envoyer cette lettre. Lydia a donné des explications mais l’Allemand ne l’a pas crue. Il lui a dit: vous mentez! Comme ça, en français! Lydia qui ne craignait personne lui a rétorqué : en France, on ne dit pas « vous mentez », on dit « vous vous trompez! » Bref, ils sont repartis et on n'en a jamais ré-entendu parler….

LE MIRADOLE.- Votre chance parait vraiment surprenante.

MICKEY.- Oui, car beaucoup d’amis de mon père ont été arrêtés, des médecins en particulier, parce que les Allemands qui étaient très friands d’objets de valeur, volaient volontiers les maisons cossues qu'ils avaient vidées de leurs habitants pour les expédier en Allemagne.  

LE MIRADOLE.- Des prédateurs prêts à tout piquer! Quand avez-vous commencé à sentir que le vent allait tourner?

MICKEY.- A partir de Stalingrad, quand les Russes ont commencé à regagner du terrain.

LE MIRADOLE.- Et vous le saviez en France?

MICKEY.- Oui, on était au courant, on avait à la maison une carte avec des petits drapeaux, on suivait cela pas à pas.

LE MIRADOLE.- Et comment vous saviez cela?

MICKEY.- Par la radio. On écoutait la radio de Londres, en cachette chez la concierge. Comme les juifs n’avaient pas le droit d’avoir de radio, on avait confié notre radio à la concierge qui était une amie et qui nous permettait de venir écouter Radio Londres chez elle le soir. On fermait les volets, les lumières et on suivait les progrès des Russes…

LE MIRADOLE.- La radio anglaise diffusait donc des informations sur l’état du front?

MICKEY.- Tous les soirs, on écoutait la BBC: Ici Londres! Les Français parlent aux Français!...

LE MIRADOLE.- Et vous preniez le risque d’avoir des cartes et de suivre l'avancée des Alliés!

MICKEY.- Oui, on avait un portrait de Churchill, c’était notre héros. Je me souviens très bien, c’était un grand portrait!

LE MIRADOLE.- Mais est-ce que vous vous rendiez compte du danger que vous couriez?

MICKEY.- Je ne sais pas.

LE MIRADOLE.- Vous aviez tout pour vous faire arrêter et exécuter sur place…

MICKEY.- Lydia qui était le chef de la maison en quelque sorte, connaissait tout le monde. Elle était infirmière de la Croix rouge française et avait des liens avec la police parisienne. C’était une inclination personnelle…. elle connaissait tous les officiers de police du quartier. 

LE MIRADOLE.- Tu penses qu’elle vous a protégés?

MICKEY.- Je crois. Je ne sais pas comment mais elle savait tout et elle nous protégeait beaucoup. Comme il n’y avait rien à manger à Paris à ce moment-là et qu'il y avait beaucoup de rationnement, elle partait avec sa bicyclette le samedi dans des fermes avoisinantes et elle rapportait des aliments à ses risques et périls…. elle s'est même fait arrêter un jour et on lui a confisqué tout ce qu'elle rapportait. 

C'est elle également qui m'a fait connaître l'opéra, elle qui était totalement réfractaire à la musique et qui chantait faux comme une casserole! Mais elle avait, par je ne sais quelle voie, des places gratuites et c'est à moi qu'elle en faisait profiter. Je ne suis jamais tant allé à l'opéra que pendant la guerre, au cours de mon adolescence! Et on y jouait toujours Wagner! Le parterre était vert d'uniformes allemands et blond de Gretchen, le nom que nous donnions aux infirmières allemandes… sur le moment, je ne mesurais pas du tout l'insolite de la situation!

Et c'est encore elle qui a recueilli dans je ne sais quelle circonstance et caché dans la consultation de mon père, rue de l' ancienne comédie, un parachutiste anglais dont l'avion avait été abattu par la DCA allemande et qui était en rade à Paris…

LE MIRADOLE.- Et vous aviez toujours de l’argent? 

MICKEY.- Au départ, mon père avait pas mal d’argent, des bijoux, des valeurs, mais il les a vendus au fur et à mesure. Je me souviens que certains de ses patients venaient le soir, il discutait avec eux de ce qu’il y avait à vendre… et il vendait…

LE MIRADOLE.- Et tout ça sans être dénoncé?

MICKEY.- On a eu de la chance, il y a eu très souvent des gens qui venaient faire des affaires avec mon père le soir. A la fin de la guerre, on a eu beaucoup de problèmes économiques: il avait tout vendu.  Ce sont les deux nièces émigrées à New York que mon père avait élevées à son arrivée à Paris qui nous ont alors soutenus financièrement.

LE MIRADOLE.- On en arrive à la Libération.

MICKEY.- Le 6 juin arrive, j’allais à l’école; sur le trottoir, je m'en souviens encore, un de mes copains m'a dit, tout excité : ça y est, ils ont débarqué en Normandie! C’est comme ça que je l’ai su.

LE MIRADOLE.- Tu n’as pas entendu la veille « les sanglots longs… »

MICKEY.- Non, par exemple « les carottes sont cuites » non plus, je ne l’ai pas entendu. On entendait tous les jours sur Radio Londres « je n’aime pas la blanquette de veau », tous les jours, il y avait des séries de messages secrets, interminables…

LE MIRADOLE.- Effectivement, pas très intéressant pour ceux qui n’avaient pas le code.

MICKEY.- C’est ça. Donc, les Américains débarquent, il y a la bataille de Normandie, qu’on suit pas à pas à la radio. Et puis de Lattre débarque dans le sud, il remonte progressivement. Puis, c’est la Libération de Paris à laquelle j’assiste.

LE MIRADOLE.- Et tu en as des souvenirs?

MICKEY.- Ah oui! Lydia, notre ange gardien, a disparu plusieurs jours. Comme infirmière de la Croix rouge, elle était retranchée dans les locaux de la Préfecture de police à côté de Notre Dame et allait, sous le feu, chercher les blessés sur l'île de la Cité. Ça tirait dans tous les coins. 

Un matin, comme on n'avait rien à manger et qu'un ami avait dit à mon père : venez, je vais vous donner des conserves, je suis sorti avec mon petit frère pour aller en chercher du côté de la gare Saint-Lazare, sous les tirs… ça tirait de partout! Et on est allé chercher des boîtes de sardines! On courait, tout excités de participer- c'est en tout cas ce qu'on s'imaginait- à la bataille!

LE MIRADOLE.- Et là, à 16 ans, est-ce que tu as conscience que tu risques vraiment ta vie?

MICKEY.- Je ne sais pas si on en avait vraiment conscience…

Et puis il y a eu la Libération, de Gaulle sur les Champs-Élysées. Je n’y étais pas. Le 25 ou le 26, nous avons été invités à la grande synagogue de Paris, rue de la Victoire, pour fêter la Libération. Alors on y est allés. C’est la seule fois que je suis entré dans une synagogue! On ne pouvait pas ne pas y aller! Il y avait 80% d'Américains! On a fêté ça! C'est là que j'ai bu pour la première fois du Coca Cola!

LE MIRADOLE.- Et il y avait encore des juifs à Paris?

MICKEY.- Il y avait surtout des soldats et des officiers américains…

LE MIRADOLE.- Tu m’as dit que tu avais perdu ton frère à cette période-là…

MICKEY.- Mon frère aîné est décédé d’une tuberculose en 45 et mon père en 47. Il y avait une épidémie à cette époque, à cause de la misère, de l’absence de soins. Il y avait beaucoup de malades très graves qui n’étaient pas vraiment pris en charge. A cause de la contagion, mon petit frère et moi avons été écartés de la maison et avons été hébergés chez des amis d’enfance de ma mère qui occupaient des fonctions à la grand synagogue de Paris. Ils s’appelaient Kahn, qui est un nom juif alsacien. Lui, était cantor à la Grande Synagogue où il avait un appartement. Il avait une voix de basse profonde extraordinaire… sa femme s'appelait Blanche mais avec l'accent alsacien, il prononçait Planche, et, avec mon frère, nous nous esclaffions… C’est là que nous avons été hébergés pendant la maladie de mon frère. Nous y avons vécu plusieurs mois après le départ des Allemands.

LE MIRADOLE.- Si je récapitule, tu es élevé de manière totalement laïque, on te colle une étoile jaune…

MICKEY.- Mais mon père avait beaucoup d’amis à l’Université catholique de Paris, des amis ecclésiastiques. Certains d’entre eux lui avaient dit au cours de la guerre : il faut que vous vous convertissiez au christianisme, ça peut servir, on ne sait jamais. Alors mon père y avait consenti. Les catholiques étaient d’accord à condition que nous fassions les choses en règle, pas de faux papiers! Donc nous nous sommes convertis au christianisme officiellement et ça s’est passé à Notre-Dame de Sion, une église qui se trouve boulevard Raspail…   

LE MIRADOLE.- Notre-Dame de Sion? Mais c’est un roman que tu m’écris là…

MICKEY.- C’était une église spécialisée dans la conversion des juifs en chrétiens. Nous avons fait là tout le nécessaire pour être baptisés, pour recevoir la première communion. Mes parents s'y sont mariés catholiquement. Et tout ça s’est passé pendant la guerre.  

LE MIRADOLE.- Mais c’est rocambolesque!

MICKEY.- Oui, tout à fait rocambolesque. On avait dit à mon père: de toute façon, vous n’avez rien à perdre à faire ça. Alors il avait donné son accord. J’allais apprendre le catéchisme chrétien chez la directrice d’un cours privé très connu à Paris, le cours Hattemer, un cours très chic, un peu comme l’École alsacienne. J’y allais toutes les semaines. Madame Hattemer me posait des questions auxquelles je devais répondre; il fallait que j’apprenne le catéchisme.

LE MIRADOLE.- Et tu étais dans quel état d’esprit?

MICKEY.- Je prenais cela à la rigolade. Mais je jouais le jeu. Je me souviens qu'un jour, j’ai eu le culot de dire à Madame Hattemer: écoutez, puisque vous me dites que Dieu pardonne, pourquoi vous ne pensez pas que Satan peut se repentir? Satan peut aussi demander pardon à Dieu pour les fautes qu’il a commises! Elle m’a regardé, a trouvé la question bizarre et m’a répondu : ça, ce n'est pas possible. C’est en lui. Satan n’est pas capable de se repentir ! C’est en lui!

LE MIRADOLE.- Et donc tu prends cela avec détachement.

MICKEY.- J’avais des copains de classe catholiques pratiquants qui allaient à l’église tous les dimanches ; parfois ils m’emmenaient. J’allais avec eux, j’assistais à la messe, à Saint Louis d'Antin. Je faisais comme eux, je me levais, m'asseyais, me mettais à genoux… parce que c'étaient mes copains !

LE MIRADOLE.- Je commence à voir un peu l’état d’esprit dans lequel tu es et qui explique un peu la suite de ton parcours. Ce n’est pas du tout l’image qu’on a d’un jeune juif qui traverse la guerre. Ton histoire me fait parfois penser à « Un sac de billes » de Joseph Joffo. Peut-être que dans les années 70, on était moins crispé sur ce sujet.

MICKEY.- Pendant plusieurs années, il faut le dire, on ne parlait pas de la Shoah, on n'employait pas le mot. Lorsque Madame Veil est revenue des camps dans l’état qu’on sait, on n’en parlait pas. C’était presque considéré comme secret. On ne pouvait pas raconter cette histoire. Et peut-être surtout, on ne pouvait pas l'entendre! Il y a d’abord eu cette période qui a duré longtemps où on taisait les camps, les horreurs qui s’y étaient passées. Il ne fallait pas en parler. Il y a eu pendant longtemps un tabou jeté sur cette période.  

LE MIRADOLE.- Mais justement ton vécu va dans le sens inverse. On a tous en mémoire l’histoire d’Anne Franck avec une tragédie inéluctable. Alors que ton récit est beaucoup plus picaresque. Comme les frères Joffo ou Stéphane Hessel. A la Libération, as-tu quand même commencé à apprendre ce qui s’était passé?

MICKEY.- Non, je ne savais pas grand chose. Je savais qu’il y avait eu des camps, qu'ils avaient été libérés, mais on n'en disait pas plus. C’était presqu’un sujet qu’on se devait d’ignorer.

LE MIRADOLE.- Donc en tant qu’adolescent, tu n’as pas mesuré ce qui s’était passé?

MICKEY.- Non pas du tout.

LE MIRADOLE.- Est-ce qu’à Paris, tu as eu l’occasion de fréquenter des rescapés?

MICKEY.- Non, je savais que la famille de ma mère, de Besançon, avait été en grande partie exterminée, mais je ne les avais pas connus. Du côté de mon père, ils étaient partis aux États-Unis, personne n’avait été raflé. On avait beaucoup d’amis médecins, dont on savait qu’ils avaient été déportés, c’est tout. Un jour pourtant en 45 ou 46, on a vu arriver chez nous, à Paris, inopinément comme ça, une dame qui nous a dit : voilà, je suis votre cousine. Elle s’appelait Schoenberg. Elle nous a raconté une histoire rocambolesque qui lui était arrivée dans les deux ou trois ans qui précédaient. Elle avait fui, avait été arrêtée, elle était rescapée de toutes sortes d’aventures invraisemblables qu’elle nous a racontées en disant à mon père : je suis votre cousine. Mon père ne la connaissait pas. Ensuite est arrivée sa mère et deux ou trois autres personnes de la famille, une nièce, tous des gens qui avaient survécu dans des conditions qu’on ne pouvait parfois pas raconter. Il y en avait une qui avait été arrêtée, internée à Buchenwald et qui avait un tatouage sur le bras. Tous ces gens-là parlaient yiddish. Ils ne parlaient même pas l’allemand, je crois. C’était vraiment la famille originelle, celle que mon père récusait plus ou moins. Ils ont vécu un moment donné chez nous, quelques mois et puis ils sont partis aux États-Unis. Mon père était très mal à l’aise lorsqu’il avait vu arriver cette famille yiddish. Il avait l’impression d’être repris par un milieu qu’il avait récusé. C’était Cracovie et il ne voulait plus en entendre parler.

LE MIRADOLE.- Comment ces personnes vous avaient-elles retrouvés?

MICKEY.- Ça, je ne sais pas. Je ne sais pas comment elles sont arrivées. Cette cousine Schoenberg notamment, car c’est elle qu’on a connu surtout, était une fille très intelligente, d’une vivacité et d’une capacité remarquables. 

LE MIRADOLE.- Est-ce qu’elle était vraiment de la famille?

MICKEY.- Je ne peux pas le jurer mais j’ai toutes les raisons de penser qu’elle était de la famille. Ils étaient tous misérables. Mon père, qui avait deux consultations, sa consultation privée dans notre appartement, et puis sa consultation plus modeste dans le sixième arrondissement, au métro Odéon. C’est là qu’il avait logé cette famille rescapée. 

LE MIRADOLE.- Je pense qu’on va s’arrêter là pour cette première partie déjà très riche.




À propos de l'auteur(e) :

La Rédac'

Donner la parole à ceux qui ne l'ont pas, voilà une noble cause ! Les articles de la Rédac' donnent le plus souvent la parole à des gens que l'on croise, des amis, des personnalités locales, des gens qui n'ont pas l'habitude d'écrire, mais que l'on veut entendre...


Média associatif

Retrouvez tous les articles de La Rédac'