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La poutre dans ton oeil, Yuval

Publié le 09/10/2024 à 17:19 | Écrit par Christophe Martin | Temps de lecture : 02m38s

Si vous avez jamais pensé que Yuval Harari, l’auteur de Sapiens et de Homo Deus, était un visionnaire, sachez que, lors de la 20e réunion annuelle du Yalta European Strategy (13 et 14 septembre 2024) à Kiev, ce même Harari, historien et professeur au département d'histoire de l'Université hébraïque de Jérusalem, a traité la question suivante: « Pour la survie de l'humanité, l'Ukraine compte-t-elle ? » Et voici, en substance, à quoi se résume la pensée de ce libéral convaincu: « C'est le conflit le plus important depuis la guerre froide, puisqu'il remet en cause toutes les normes de l'ordre mondial. C'est comme une brute qui est autorisée à s'en sortir en faisant du mal à d'autres enfants dans l'aire de jeux. Si la Russie est autorisée à s'en tirer, alors les pays problématiques répondront. » En 2018, Harari s’opposait pourtant à la promulgation par Israël de la loi sur l’État-nation qui stipule que « le droit d'exercer l'auto-détermination au sein de l'État d'Israël est réservé uniquement au peuple juif ». Il avait alors clairement saisi la dimension suprématiste ethnico-religieuse que Netanyahou comptait introduire dans la constitution, une loi qui lésait ouvertement les minorités présentes sur le territoire que revendique Israël et qui heurtait les convictions libérales d’Harari. Le 1er juillet 2024, l’historien a participé activement à un meeting de la gauche israélienne en faveur de la paix. Il y a même fait une intervention assez courageuse : « La vérité amère, en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, c’est que chaque partie a peur que l’autre soit en train de tenter de l’annihiler – et les deux ont raison… C’est vrai, nous avons essayé de faire la paix dans le passé et nous n’avons pas été à la hauteur. Et alors ? Nous n’avons pas non plus été réellement à la hauteur quand nous avons fait la guerre, et cela ne nous empêche pas de réessayer encore et encore. Toutes ces guerres nous ont amenées dans un abîme sans fond. Le temps est venu de faire la paix ». Sage parole qui ne peut que nous rendre un poil plus sympathique cet universitaire à succès très apprécié de Mark Zuckerberg, Bill Gates ou encore Barack Obama. Pourquoi Harari est-il donc allé soutenir un conférence internationale qui a pris fait et cause pour Zelensky dont la politique contre ses propres minorités russophones aurait dû l’interroger? En outre, accuser la Russie de Poutine de montrer le mauvais exemple quand on a sous les yeux un gouvernement et une armée qui déstabilise tout le Moyen Orient, n’est-ce pas servir la soupe au « nouvel ordre mondial » de Davos et des multinationales sans voir que la soi-disant « brute » du Kremlin est à l’origine d’une redistribution des cartes géopolitiques en défaveur du paternalisme abusif de l’Oncle Sam. 

On ne peut donc qu’inciter Yuval Harari à regarder les 22, 23 et 24 octobre prochains du côté de la ville de Kazan qui accueillera le Sommet des BRICS dont la Russie est actuellement la présidente. Les BRICS proposent actuellement un modèle nettement plus « libéral », souple et multilatéral que l’impérialisme américain dont participe Israël. Libres Commères n’a pas les fonds pour s’y rendre malgré la gracieuse accréditation que nous avons bien reçue (au fait, merci, Vladimir!) mais nous suivront cela d’une oreille extrêmement attentive et si j’ai un conseil pour Jean-Noël Barrot, le pauvre garçon qu’on a propulsé dans un costume mal taillé et trop grand pour lui (ministre de l’Europe étranger aux affaires), c’est d’en faire de même.




À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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