Politique

Le capitalisme sans merci

Publié le 08 janv. 2025 à 19:03 | Écrit par
Stéphane Haslé
| Temps de lecture : 04m17s

Deux faits ont retenu Louis ces derniers temps qui l’ont convaincu que le capitalisme était définitivement sans vergogne et sans limites et, en conséquence, que toutes les tentatives politiques pour espérer le réformer ou le rendre moins injuste sont, aux mieux, des illusions, au pire, des complicités. Le premier fait est la nomination par Trump d’Elon Musk au poste d’un quasi-ministère chargé de « l’efficacité gouvernementale » dont l’objet sera de lutter contre la bureaucratie et de faire des économies dans les dépenses de l’État. Il s’agira donc, nous le comprenons, de laisser davantage de liberté au marché, de réduire le nombre de fonctionnaires, ainsi que les aides publiques en faveur de tous les « assistés » qui horripilent les libéraux depuis toujours. Le second, plus anecdotique en apparence, est une émission de radio, Questions politiques, diffusée sur France Inter le dimanche 8 novembre dernier entre 12 h et 13 h. Trois journalistes interrogent Didier Migaud, ministre de la justice. L’animatrice demande à chacun des participants à l’émission de dire quel est l’événement qui l’a marqué durant la semaine qui vient de s’écouler (entre le 2 et 8 novembre). Le ministre relate l’acte de la jeune iranienne, Ahou Daryaei, qui s’est dévêtue en public et a été arrêtée par la police de Téhéran, une journaliste de France 2  cite les échauffourées lors du match de football entre Ajax Amsterdam et Tel-Aviv, une autre, du journal Le Monde, évoque l’élection américaine. Aucune des personnes présentes dans le studio, ce jour-là, ne considère, comme fait marquant de la semaine, les annonces, mardi 5 novembre, des fermetures d’usines Michelin à Vannes et Cholet, 1300 suppressions d’emploi, et celles de dix magasins Auchan, 2400 postes supprimés. Sans remettre en cause l’importance des faits retenus par les intervenants de Questions politiques, Louis voit, dans cette absence, une complète soumission à la logique capitaliste et une acceptation cynique de sa brutalité sociale.

Le lien entre ces deux faits apparaît vite : Les noces Trump-Musk scellent l’alliance entre le Capital et l’État, ou plutôt, surlignent la mainmise de plus en plus totale du Capital sur l’État.  L’État doit être au service des besoins du Capital et considérer que l’intérêt général se confond avec ceux-ci. Quels sont les besoins du Capital ? Accroître ses taux de profits et, pour cela, marchandiser (au sens de soumettre au marché) tous les champs possibles de l’existence humaine, en commençant par le travail. Ce n’est certes pas nouveau. Ce qui est nouveau, c’est l’absence quasiment totale, dans les milieux médiatiques,  d’opposition à cette dévastation. Cette politique est source d’injustices et d’inégalités sur le plan social, elle entraîne la continuation de la destruction écologique de la planète et maintient le monde entier dans une situation de conflits larvés ou réels, quand l’intérêt du système les rend propices à son développement. Les silences du ministre Migaud et des journalistes, sur France Inter, dénotent un accommodement de cet état de choses, une banalisation du mal et une indifférence au sort de celles et ceux qui en payent le prix. Pour vaincre, dans la guerre économique et idéologique permanente que mène le Capital contre tout ce qui entrave la poursuite de ses intérêts, il est bon que la révolte soit désormais supplantée par la résignation, la dénonciation par l’invisibilisation, la critique par le fatalisme. La question du travail, le statut des salariés, la misère des chômeurs, sont analysés constamment selon la grille d’explication favorable à ce système : il va de soi qu’il y aura toujours des laissés pour compte, que la compétition économique génèrera de la « casse sociale », que les travailleurs doivent s’adapter à cette « nouvelle donne », bref, à quoi bon le déplorer puisque tel est l’ordre – immuable - des choses ? À quoi bon s’en indigner puisque c’est la réalité et que l’on nous répète que la réalité est, implacablement et pour toujours, celle des Trump et des Musk ? Les discours de consolation sont bien rôdés : après tout, n’est-ce pas l’occasion, pour ces hommes et ces femmes licenciés, de « rebondir », de prendre un « nouveau départ », aidés par les plans sociaux généreux que l’État va mettre en place, de « saisir la chance » de se former à de nouveaux métiers, etc., etc.

Que faire ?, se demande Louis, après d’autres. En premier lieu, il importe d’abandonner l’espoir que le système se réformera de lui-même, qu’il s’humanisera et prendra en compte le sort des démunis. Cela n’est ni dans l’esprit des dominants, ni dans leur intérêt (esprit et intérêt étant d’ailleurs synonymes), ils ne consentent à laisser des miettes aux exploités que contraints et forcés ou s’ils pensent que ces concessions leur apporteront des bénéfices substantiels, plus tard, en retour sur investissement. Le capitalisme n’est pas un humanisme et ne le sera jamais, si l’homme veut survivre, en tant qu’être libre et digne, il doit l’abattre. C’est la seule ligne politique possible.

En second lieu, ne pas avoir cet objectif radical n’a comme effet que de pérenniser l’exploitation et la misère sur lesquelles repose le système capitaliste. À ceux qui s’en arrangent,  le système paraît bénéfique, au moins à court terme, ou ils croient aux sirènes qui en montrent les « bons côtés » et en prédisent des adoucissements. En cela, comme les participants à l’émission de France Inter, en parlant d’autre chose, ils  sont aveugles à la souffrance et à la violence subies par la majorité et, de ce fait, en taisent les crimes.



À propos de l'auteur(e) :

Stéphane Haslé

Convaincu que l’universalisme est une particularité nationale, je me considère comme un citoyen français du monde (intellectuel), définition possible du philosophe. Agressé chaque jour par les broyeurs à idées qui nous environnent, je pense que la résistance, même désespérée, ne doit pas être désespérante.

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