Le point sur le mouvement du 10 septembre
On était une cinquantaine ce samedi matin, 30 août, sous le porche des Arquebusiers. Pas de quoi bloquer Dole mais suffisamment pour sentir qu’il va se passer quelque chose le 10 septembre. Le ras-le-bol est palpable. Mais ce qui est aussi palpable, c’est l’attention que chacun met à ne pas trop se mettre en avant dans l’organisation et à ne pas brimer les initiatives des nouveaux venus. On a quand même senti que les quelques vieux brisquards de la politique qui étaient présents craignent le « dégagisme » populiste (qui ou quoi mettre à la place des têtes de gondole qu’on va dégommer?). On sait par expérience aussi que le manque de structuration a fait la force et la faiblesse des Gilets jaunes : de la spontanéité de chacun est née l’énergie collective mais, RIC et révocation des élus mis à part, le mouvement a peiné par la suite à s’orienter vers un projet politique plus élaboré, faute de cadres et de travail de fond. Faire table rase d’accord mais en rase campagne, on manque de perspectives.
L’objectif est pour l’instant de mobiliser le maximum de monde, d’accueillir toutes les propositions et on est tombé d’accord pour que le parking du Pasquier, avenue de Lahr, en face de la passerelle sur le canal, soit le lieu où on va installer une sorte de base, d’où partiront les éventuelles actions, où auront lieu des ateliers et où pourront venir ceux qui auront posé un jour de grève (les syndicats favorables au mouvement se chargent de déposer des préavis pour couvrir les camarades qui vont débrayer) et aussi pour ceux qui viendront faire un tour après le taf. Y avait des retraités présents et on compte sur eux.
Pour ceux qui ont envie de prévoir en amont et de participer à la mobilisation, la prochaine AG aux Arquebusiers est prévue le mercredi 3 septembre à 17h30. Il y a des boucles qui se sont mises en place sur les réseaux sociaux (Facebook, Telegram, Indignez-vous). Libres Commères prépare et fera imprimer des tracts pêchus (venez comme vous êtes!) pour la mobilisation et en confiera des paquets à ceux qui auront envie de distribuer pendant la petite semaine qui sépare l’ultime AG (le 3) du jour J (du jeudi 4 au mercredi 10 en fait). Au MOU, on a en plus à proposer un moyen d’approcher les gens qu’on va mettre en pratique.
Le mercredi 10, nous, à Libres Commères, serons à la base à partir de 10h30 (peut-être plus tôt si y a des volontaires pour tenir le stand), jusqu’à la fin de journée avec le numéro 59 et aussi avec des éditions plus anciennes pour ceux qui voudraient rattraper le temps perdu. Je prépare un nouveau stand de campagne. Voilà pour l’essentiel. Rien n’est donc très défini. Les mots d’ordre, les revendications, la stratégie, tout ça est à construire. Et ça ne peut se faire qu’en se parlant.
Je balance un peu l’idée à la va-vite mais il est possible qu’on se lance dans des éditions spéciales (une page recto-verso avec du contenu apporté par les participants) si le mouvement prend une forme intéressante et une ampleur suffisante.
Bon, c’est à peu près tout mais c’est déjà pas mal. Une chose est sûre, c’est qu’il ne faut pas attendre un miracle du 10 septembre. Ce n’est qu’un début et il faudra assurer la suite. Les aboyeurs de la droite réac’ ou poujadiste vont se moquer de nous (voir notre document d’illustration). Et vous savez quoi !? ON LES EMMERDE ! Et on les emmerde déjà, c’est pour ça qu’ils vont nous tomber dessus de toutes parts.
Avant de vous laisser, voilà une petite histoire que j’ai croisé sur le net. Elle tient de la parabole et nous sera sans doute utile. Rien ne se fera si on ne parle pas honnêtement et on a commencé à la faire ce samedi matin.
Le récit se déroule aux États-Unis. Un prof de collège a décidé de parler à sa classe du procès des sorcières de Salem, une petit ville au XVIIe siècle où la vindicte populaire et religieuse s’est emballée contre une vingtaine de malheureux qui ont été pendus. L’enseignant a proposé à ses élèves de jouer à un jeu. « Je vais passer parmi vous et chuchoter à chacun d'entre vous si vous êtes une sorcière ou une personne ordinaire. Votre objectif est de former le plus grand groupe possible qui ne contient PAS de sorcière. À la fin, tout groupe contenant une sorcière recevra une sale note. » Les adolescents ont joué le jeu et se sont lancés dans des interrogatoires. Un groupe assez important s'est formé, mais la plupart des élèves se sont répartis en petits groupes exclusifs, rejetant quiconque montrerait ne serait-ce qu'un soupçon de culpabilité.
« Bon, a conclu le prof, on ne bouge plus. Il est temps de découvrir lesquels auront une sale note. Toutes les sorcières, levez la main ! » Personne n'a levé la main. Les jeunes étaient confus mais aussi un peu énervés et ils ont reproché au professeur d’avoir gâché le jeu.
« Vraiment ? J’ai gâché le jeu ? Vous croyez vraiment qu’il y avait de véritables sorcières à Salem ? Ou est-ce que tout le monde croyait simplement ce qu'on lui avait raconté. »
On voit ainsi qu’il est facile de diviser une communauté. Les médias mainstream qui servent les intérêts de Bolloré ou Saadé, d’Arnault ou de Bouygues, tous les chiens de garde du système, de Macron à Salamé, sont là pour ça et ils ne vont pas manquer de chercher à saper le mouvement du 10. Les cyniques de droite et de la pseudo-gôche vont nous pourrir avant même que ça ne commence et si ça prend, on va prendre cher. Selon l’expression de Lordon que j’aime utiliser, faut pas compter sur la classe dirigeante pour nous refiler sans broncher les clefs du camion. Les urnes n’ont pas suffi. On tente autre chose.

À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.