Lordon, affects, nation, etc.
Lors de l’une de ses récentes interventions [1], Frédéric Lordon pose d’une manière originale la question de la réaction à la montée du fascisme en France : pourquoi toute une partie des classes populaires vote-t-elle pour l’extrême-droite ? Et quoi lui opposer, et comment ?
Pour aller à l’os, Lordon pointe la puissance des affects d’appartenance et d’identité collective, et propose de mobiliser des affects équivalents mais fondamentalement opposés à ceux de l’extrême-droite.
Problème. Toute une partie de la gauche radicale vomit toute idée d’identité collective. Les identités individuelles qui permettent de se distinguer de la masse et de cultiver sa petite singularité personnelle : aucun problème. Tel est l’apanage des bourgeois et petits-bourgeois éduqués qui ont les moyens de se permettre une métaphysique individualiste. Mais une identité collective, une identité nationale : Pouah ! Horreur !
Lordon fait remarquer que la gauche radicale contemporaine confond certaines réalisations historiques contingentes de la nation avec un concept beaucoup plus général de la nation : celle de Robespierre n’est pas celle de Le Pen, celle des zapatistes du Chiapas n’est pas celle des trumpistes.
Il va plus loin en indiquant que de toute façon, il y aura toujours des nations, entendu comme groupes politiques distincts, par opposition à une hypothétique communauté humaine mondiale unifiée.
Si la nation est inévitable et que son contenu n’est pas fatalement mauvais en soi, les forces de gauche devraient utiliser à leur avantage la puissance des affects d’appartenance et d’identité collective, accessibles à tous, pour faire advenir une nation communiste.
Et pourquoi pas continuer à l’appeler France. Car derrière ce nom – la France – se cache un conflit, un antagonisme historique toujours ouvert, entre une vision nationaliste de droite et une autre internationaliste de gauche. Abandonner le signifiant “France” à l’extrême-droite, c’est capituler, se rendre sans même combattre, abandonner une prise de guerre inestimable à l’ennemi.
Mais alors quel contenu précis mettre dans notre “France” de gauche ? Lordon propose d’y mettre une fierté. Celle de la Sécurité sociale universelle (telle qu’envisagée par Bernard Friot avec son “salaire à vie” ou Lordon lui-même avec sa “garantie économique générale”), c’est-à-dire celle du communisme.
Conclusion : contre le poison de la nation nationaliste, l’identité française devrait être une nation internationaliste, c’est-à-dire la fierté communiste.
[1] “La nation internationaliste, c'est la fierté communiste”

À propos de l'auteur(e) :
Un radis noir
Être radical, ce n’est pas être extrémiste ni fanatique : c’est s’intéresser à la racine des choses… À la racine des mots, pour pouvoir aiguiser les idées et les concepts… À la racine des maux, pour pouvoir espérer y remédier.