Par delà les Schtroumpfs… Gaza !

Publié le 03 oct. 2025 à 17:58 | Écrit par
La Rédac'
| Temps de lecture : 03m34s

Au début de l’été, je suis allé au Majestic voir Once upon a time on Gaza (Il était une fois à Gaza) des frères Arab et Tarzan Nasser. C’était le jour de la fête des Schtroumpfs au cinéma et tandis que les petits bonshommes bleus se contorsionnaient dans le hall d’accueil, nous étions trois dans la salle du film palestinien… C’est à croire que les Schtroumpfs ont pour fonction d’exorciser les angoisses qui affleurent avec un peu trop d’insistance en ce moment. Doit-on se réjouir de cette tendance à mettre la tête dans le sable pour ne plus voir ni entendre ce qui détraque le monde ? Toujours est-il que la Palestine semble ne pas faire recette - en tous cas moins que Gargamel - même si le film vient d’être primé à Cannes où les dénonciations officielles du génocide ont d’ailleurs été bien timides…

Bien que, au regard de l’histoire, la cause palestinienne me paraisse juste et que le sort infligé à la population par Israël soit inique, je suis sorti de la salle perplexe ou tout au moins animé de sentiments contradictoires qui me mettaient mal à l’aise. J’étais venu pour apprendre sur Gaza en soutenant sa cause et j’étais déçu d’éprouver de nombreuses réserves devant l’image que le film donnait de la société gazaouie.

C’est pour démêler ce trouble que j’ai eu envie de partager quelques réflexions. Etant parfaitement inculte dans le domaine cinématographique, j’ai quelque peu lu sur le film et ses deux réalisateurs pendant l’été, ce qui m’a beaucoup éclairé et aidé à nuancer mes propres critiques. Néanmoins il m’a semblé que mes premières impressions ne devaient pas être gommées d’un trait de plume car elles peuvent peut-être nourrir le débat.

Brièvement, et pour que ceux qui ne connaissent pas le film puissent se faire une idée du scénario - précisément l’élément primé à Cannes -, je résume : trois personnages évoluent dans la Gaza de 2007, celle qui, par le biais des élections législatives vient de passer aux mains du Hamas, déclenchant ainsi le retrait de l’armée israélienne et le début d’un blocus féroce transformant ce petit territoire en prison à ciel ouvert. Yahia, un jeune étudiant isolé à Gaza depuis que le blocus l’a coupé de sa famille restée en Cisjordanie, se lie d’une amitié improbable avec un rude dealer qui l’entraîne malgré lui dans ses activités occultes alors même qu’il s’affronte à un policier corrompu. Celui-ci l’assassinera sous les yeux de Yayia terrorisé qui finira par venger son ami en torturant horriblement et tuant l’assassin avant de recevoir à son tour une balle mortelle. Un remake palestinien de Le bon, la brute et le truand. Ou encore, comme me le disait un ami en sortant, l’univers psychologique de Tchao Pantin…

L’atmosphère du film est étouffante et les réalisateurs ont magistralement su créer, par leur art du cadrage, la sensation du sinistre huis clos qui caractérise la ville assiégée où tout devient bon pour assurer la survie dans un univers privé de perspective. Si le but d’Israël est bien de détruire la société palestinienne, pourquoi lui donner du grain à moudre en montrant une société moribonde, laminée par la corruption, qui tourne son désespoir contre elle-même dans un processus d’auto-destruction semblant ainsi achever le travail accompli par la guerre ? Pourquoi acter la défaite alors qu’en ce moment même la population résiste héroïquement et que, à l’intérieur, tant de gens s’évertuent à la faire tenir debout contre vents et marées?

N’est-il pas contreproductif de montrer un visage palestinien délétère au public occidental, abreuvé quotidiennement par l’unique son de cloche israélien qui fait passer les Palestiniens pour des brutes sans foi ni loi, quand ce n’est pas “pour des animaux” ? Car le film est bien destiné au public occidental, n’est-ce pas, et les codes du western spaghetti omniprésents sont bien là pour le faire entrer au palmarès officiel (en témoigne sa présentation au Festival de Cannes). Pourquoi alors ne mobiliser que des personnages destructeurs et détruits alors que, en ce moment même, des voix palestiniennes suscitent dans la réalité, par leur courage et leur grandeur, estime, admiration et empathie ?

On comprendra que mon propos n’est en rien une critique cinématographique, car l’art confirmé des deux réalisateurs ne fait aucun doute. Il ne porte que sur le message qui me parait pouvoir malheureusement se transformer en opposé des convictions des frères Nasser dont les films précédents témoignaient de leur engagement et de leur fidélité. Je questionne seulement l’effet d’un tel film sur le public…

Mistouflet.



À propos de l'auteur(e) :

La Rédac'

Donner la parole à ceux qui ne l'ont pas, voilà une noble cause ! Les articles de la Rédac' donnent le plus souvent la parole à des gens que l'on croise, des amis, des personnalités locales, des gens qui n'ont pas l'habitude d'écrire, mais que l'on veut entendre...

Lire plus’

Brèves d’ici et d’ailleurs

13/09/2025 08:54
La Rédac'

Centre d'Assignation un jour, Centre de Rétention toujours !

28/09/2025 09:06
La Rédac'
,
Baron Vingtras

Hôtroscropre de l'été

08/08/2025 10:03
La Rédac'

Débloquons-nous

23/09/2025 18:11
La Rédac'
Agenda’
05
oct.
Troc à troc
Place de la Concorde, Damparis
08h00

Fin de l'évènement le 05 oct. à 17h00

05 oct. 17h00
Troc à troc propose d'échanger des affaires ou de venir montrer son savoir-faire, le tout...
09
oct.
Palestine au Coeur
Le Majestic, Dole
20h00

Fin de l'évènement le 13 oct. à 22h00

13 oct. 22h00
Festival du film palestinien, une manière de soutenir les Palestiniens en restant dans son fauteuil
18
oct.
Café réparation
MJC rue Sombardier
10h00

Fin de l'évènement le 18 oct. à 12h00

18 oct. 12h00
Une fois par mois à la MJC, François-Xavier Dugrès anime un "café réparation", c'est le...