Mode sombre

« Et 1 ! Et 2 ! Et 3 degrés ! C'est un crime contre l'humanité ! »

Ce slogan nous l'avons entendu en manif, on voyait des jeunes goguenards ouvrir leurs jolies petites gueules, soutenus par des sourires et des regards complices de moins jeunes, de carrément vieux. C'est joli, ça sonne bien, c'est entraînant.

M'enfin quand même ! Notre slogan n'exprime t-il pas clairement une position éthique anthropocentrique et implicitement occidentalisée ? Tu t'imagines aller chanter ça dans les mines, avec des petits congolais en piochant durement la terre à leur côté ? Cela aurait tout de suite un peu plus de gueule tiens! Mais faut l'avouer, je suis pas un pro de la diatribe lexicale comme le camarade Gore qui s'éprend à enculer des mouches plus grosses que d'autres dans cet article [ Ça va de soi! ]  Alors reprenons.

L'écologie tout le monde il est d'accord pour, tout le monde il aime ça! Le fait est qu'en 50 ans, la pensée environnementaliste n'as pas été foutue de créer un début de révolution philosophique suffisamment forte pour atteindre en profondeur nos imaginaires collectifs, nous poussant, nous peuples, vers la sortie de notre civilisation thermo-industrielle par la refonte de nos sociétés. Pour l'heure, nous nous gargarisons de nos manifs consensuelles et d'une prise de conscience collective réelle mais tout à fait insuffisante, adolescente. Nous n'avons simplement pas identifié collectivement les causes, les possibles. En témoigne notre capacité individuelle à osciller entre un immobilisme relativiste et un solutionnisme puéril. Nous apprenons ce qu'est le deuil.

L'horloge tourne. Nous y allons tous de nos petites phrases...

         

         Jean Labase - Trop de pollution ! De gaspillage ! De transports! De viande ! On va mettre des éoliennes partout et aussi bah euh... des panneaux solaires...

         Théodule Justemilieu- Jean confond les causes et les conséquences... La pollution n'est-elle pas la conséquence du productivisme ? Les gouvernants doivent agir !  (peut-être qu'en leur faisant des bisous et des gros câlins...)

          Benichou Radiskale– Jean, pardonnons-lui, il a découvert l'écologie ce matin en faisant le tri sélectif. Théodule se croit intelligent avec sa rhétorique de pécore, avec son raisonnement             de type « l'eau, ça mouille ».La vraie cause c'est LE CA-PI-TA-LISME ! Les aristocrasses à la lanterne !

          Un cocaïnomane de la Silicon Valley – Taisez vous pleutres ! Ne voyez vous pas la puissance de MA science ? Mon génie nous sauvera !

          Un témoin de Jéhovah – LA FIIIIIN DU MOOONDE ! DIEU RECONNAITRA LES SIENS !!

          Célestin CollapsoTut tut tut! La fin d'UN monde.

 

Les pensées écologistes existantes sont en débat permanent et reposent sur bon nombre d'antagonismes, ce qui est bien normal. Reste que les outils sont là (depuis un bail). Mais les utiliser signifie faire un grand trou dans notre culture cartésienne qui place ontologiquement l'Homme au dessus de la nature, la reléguant à une valeur purement instrumentale. En cela, le délitement pestilentiel du monde appelle à nous interroger sur nos éthiques par-delà l’anthropocentrisme, vers des éthiques fondées sur des systèmes de valeurs écocentriques.

Retenons ici que dans l'écocentrisme, la préoccupation principale est celle de l'équilibre des écosystèmes. Cet équilibre se construit par l'ensemble des interactions entre individus au sein d'environnements donnés permettant la continuité des espèces. La Terre est alors vue comme un super-système qui englobe la production de l'ensemble du vivant et des environnements du vivant.

Ainsi, c'est à nous humains de prendre conscience d'une nécessité, celle de s'inclure au sein de la vaste communauté du vivant. Elle appelle à assembler des éthiques dans lesquelles toutes choses se pensent comme des maillons possédant des valeurs intrinsèques que nous ne pouvons hiérarchiser entre elles, bien qu'elles soient souvent en concurrence les unes avec d'autres.

Par ailleurs, les chemins tortueux de la pensée environnementaliste peuvent nous mener dans des abysses peu fréquentables... Si il est bien question de penser l'Homme au sein d'écosystèmes en équilibre, la surpopulation humaine actuelle apparaît comme un facteur de déséquilibre. Aussi, dans un certain écocentrisme holiste - les êtres vivants ayant tous une valeur intrinsèque égale - l'extermination pure et simple d'une grande partie de la population humaine peut apparaître comme une nécessité, la fin justifiant les moyens. Ouch !

Nous le voyons ici, nos actions dépendent en bonne partie de nos choix vis à vis de l'ensemble de nos valeurs. L'éthique ne préconise rien de précis, elle ne nous donne pas un catalogue de mesures politiques. Alors c'est pas gagné !

L'horloge tourne.

Accrochez vos ceintures, on fonce droit dans le brouillard en klaxonnant ! L'occident bourré au volant, l'asie sur le siège passager qui voudrait bien conduire à sa place, le sud qui se sert sur la banquette arrière au risque de passer par la fenêtre, et le reste du vivant dans le coffre qui se demande quand tout ce beau monde va s'arrêter pour pisser. La planète continuera de tourner.

Voilà, c'est avec cette première digression, que je m'introduis à vous.

 

E.B.A


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À propos de l'auteur(e) :

Elie Ben-Ahmed

Faux écologiste admis aux Gilets Jaunes sur liste d'attente, souffre d'hyperphagie informationnelle causant souvent des troubles de paraphrasite aigue. CAP "Technicien de Maintenance de l'Ascenseur Social - Option Scooter en Y" en cours.


Volontaire en sévices civiques

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