Mode sombre

Pas besoin de lire la suite et la fin de Glissement Sémantique. On peut résumer mon propos plus ou moins en une question :
- Que se passerait-il si l’on remplaçait + et - par = ?
Cependant, si tu n’es pas réfractaire au plaisir coupable de gamberger, rien ne t’interdit de poursuivre la lecture.

J’avoue que je n’avais que peu d’espoir que quelqu’un me réponde. Pourquoi ?
Peut-être, parce que les personnes qui semblent avoir le plus à nous apprendre sont souvent les plus humbles. L’îlot de pensée, où je t’ai invité à jouer, même s’il resplendit de liberté, même s’il semble renfermer des trésors inédits, a cette particularité, qu’il y a tellement de regards silencieux braqués dessus qu’on ne peut les compter. Ce ne sont peut-être pas ces caméras de surveillance, qui nous coûtent un pognon de dingue, cela n’en reste pas moins intimidant. J’ose espérer que beaucoup sont des futurs « toi », des êtres en devenir, qui n’en peuvent plus de croupir dans leur cages, alors que la vie les appelle… dehors, sur une petite île, pas éloignée de celle d’Aldous Huxley. Peut-être que demain, ce sera l’île aux lapins.

Aujourd’hui, pour accompagner cette séance, je vous propose de découvrir des échoniriques*. Le premier est cet appel de la vie qui est la clef de voûte du doigt dans le troisième œil, une sorte de préquel à ce glissement sémantique.

Au sommet de l’horloge de l’apocalypse, les aiguilles sont sur le point de se croiser, voici le moment venu d’agiter mon chapeau, et d’en sortir, une lapine… arc-en-ciel1 ! Je pourrais faire comme ces messieurs « loyal » déloyaux qui organisent de faux débats, juste pour diffuser leur propagande. Cependant ce serait mal me connaître. Soit, je suis joueur, je tends des pièges, comme cette pique sur Monsieur plus et Madame moins dans le glissement précédent, mais je ne le cache pas. Simple démonstration de comment se répand insidieusement cette polarité ? Ou hameçon étincelant pour te ravir ? L’un et l’autre...

- Cher Robot, tu m’excuseras cette facilité, j’ai été emportée par ton glissement... J’ai l’impression que nous sommes beaucoup à penser comme toi. A avoir pour seule certitude le doute. Je n’ose plus parler avec mon langage. J’ai l’impression qu’être un tant soit peu cultivée est devenu une honte, être honnête un sujet de mépris, etc. Emportée par la lassitude, j’avais fini par me résigner au silence. Faire de mon corps, la cage de mon esprit. Je suis partagée entre la peur de prendre la parole et le désir de soutenir cette rare initiative. Pour une fois que l’on me propose de m’exprimer en toute liberté, sans la camisole de la consensualité*, sans chercher à me diriger. Je n’ai pu me résoudre au confort de rester derrière mon écran de spectatrice. Par contre, je n’ai pas très bien saisi ce que tu attends de moi ? Je prend l’initiative de poursuivre ton raisonnement, j’espère que tu ne m’en voudras pas, si j’outrepasse tes attentes.

A l’instant où nous nous asseyons, dans le couloir qui sert de salle d’attente au C.M.P de Dole,
nous prenons les rôles que nous a donnés le metteur en scène. Je baisse le volume de la radio à zéro, puis j’allume une chandelle.

Madame moins fait semblant de m’interroger :
- Pourquoi dit-on plus riche et pas moins pauvre ?
Car le plus est là pour
indiquer l’objectif. Et quel est l’objectif madame ? Devenir Monsieur plus !
Ça nous ferait une belle jambe... Non, il s’agit juste de nous faire courir après l’objectif ! Nous ne l’atteindrons sans doute jamais,
tout comme le drapeau dans Punishment Park. Ou encore la mythique ascension sociale républicaine. C’est juste pour nous faire courir, tel le lapin blanc après sa montre. Pour s’assurer que l’on n’ait, ni le temps de penser, ni le temps de vivre, ni le temps d’aimer.

On voit briller l’intérêt qu’éveille Madame moins dans l’œil de Monsieur plus…
Il entreprend de développer sa pensée :

- Tout à fait, la polarité n'est pas neutre, elle est la matrice de ce monde, dupliquée à l'infini Si tout devient égal, alors la compétition s'effondre, alors la comparaison qui entraîne l'exclusion de tout ce qui s'écarte de la norme, de la pensée consensuelle, devient impossible. Le mécréant, s’il ne peut être converti, doit être éliminé, d’où la blague Soufie, dieu est en toute chose. Alors pourquoi se débarrasser du + ?

Pour x raisons :
1. La première est bien exposée dans cet article d'Elie : Un monde aux ressources finies ne peut être exploité de façon infinie.
2. La simple notion d'équilibre qui en découle, si quelqu'un s'accapare des ressources au-delà de ses besoins, il prive quelqu'un d’autre de ces ressources.
3. Tels, les chromosomes X et Y, c'est manifeste qu'il manque quelque chose au moins2...
Disons que si la polarité disparaît, on ne peut plus rejeter la responsabilité de nos actes sur un ennemi, un bouc émissaire, un souffre douleur. Dieu est mort : nous devons être adultes.

Une porte grince, un des psychologues sort de sa cage, il le regarde en train d’écrire sur son carnet et glisse :

- "Monsieur travaille ?" accompagné d'une sorte de ricanement.
Ensuite, il invite Madame moins à le suivre dans son bureau.

J'aurais aimé répondre : Sérieux, si on écrit à notre époque, cela ne peut pas être par passion ?

Mais je me renfrogne, sans doute était-ce juste une blague subtile sur le travail psychologique, qui m’est passée loin au dessus du plafond. De toute façon, depuis que Don Quichotte est mort, plus personne n'ose rêver d’être compris dans ce bas monde.

Je cesse de me gratter le crane avec mon crayon et m’en sert pour écrire ce qui suit. Derrière le plus et le moins, 1 et 0, ce sont le bien et le mal, soi et l’autre, le travailleur et le chômeur, l’actif et le retraité, l’adulte et l’enfant, le saint d’esprit et le fou, « there is a war between the rich and poor » chante Leonard Cohen… tout un programme basé sur l’exclusion, l’effet pervers de la classification, la pensée occidentale, où l’on fait rentrer tout ce qu’on peut dans des cases. Et le reste ? On le jette, à la façon dont on a jeté l’ADN Junk. J’avoue que je n’avais que peu d’espoir que quelqu’un me réponde. Pourquoi ?

Parce que je sais, que même si désormais, je suis un peu comme ces gamins qui laissent leur main se balancer par la fenêtre du train, qui attendent l'accident qui les sortira de leur ordinaire, j’ai aussi été tous ces être morts, recroquevillés dans leurs corps, morts de résignation, morts de n'oser jouer, morts de peur de se risquer à vivre, morts d'être tombés aux mains d'autres dépendances, que celle du rire fou, de celui qui goutte la liberté. Je comprends également, que ce soit plus dur que prendre la parole, d’oser le dialogue, la confrontation, faire une réelle rencontre. Se risquer à la perméabilité.

Le langage nous programme et nous permet de communiquer nos programmes. Serait-il possible qu’en lisant ces lignes, tu sois en train de te faire contaminer par le plus dangereux virus informatique jamais créé ? Si j’en crois cet autre échonirique ce ne serait pas surprenant que je sois relativement contagieux. Je le dis en badinant, ce pourrait n’être qu’un délire, à mon niveau de conscience, je ne peux ni l’affirmer, ni l’infirmer, je préfère botter en touche. Si c’est le cas, le problème vient du système éducatif, qui n’a pas su prévenir cette contamination. De toute façon, si la raison ne peut trancher, l’intuition elle m’éclaire. Ainsi, je dirais, qu’il s’agit plus sûrement de l’inverse : d’un antivirus heuristique, afin de te permettre de te vacciner contre tous les maux du capitalisme.

Et si tu penses, que sous ces atours d’humour linguistique, c’est vraiment un virus métamorphe. Ou simplement que ce que j’écris te dérange. A tout moment, tu peux arrêter ce fléau, c'est beaucoup plus simple qu'un exorcisme, il te suffit d'écrire à empathexagone@gmail.com avec des arguments convaincants. Enfin, si tu n'as pas peur d'apporter de l'eau au moulin.

De toute façon, je m'engage, à ce que, où que nous allions, cela nous mène quelque part.

Tu as la garantie de ne pas stagner. Et comme il faut bien quelques effluves, pour attirer l'attention sur un met extraordinaire. Je peux t’affirmer que le trésor qui nous attend au-delà de cette quête du langage est presque une panacée universelle. Après, c'est délicat de déterminer si l'effet viendra de la transformation nécessaire à son usage, ou si c'est son usage qui nous transformera. Te rappelles-tu des 3 vœux des génies dans les contes merveilleux ? Quand le 3ème est utilisé, on regrette de ne pas avoir fait d'autres choix. Par exemple, celui de réussir à réaliser nos rêves sans l’aide de vœux.

Quand Christophe Martin m’a révélé l’existence de la ligue des Libres Commères, ce qui m’a convaincu, c’est quand il m’a dit que ce ne serait pas un journalocal* ordinaire. Il m’a expliqué que les articles serviront entre autre d’appuis pour discuter de sujets qui sans cela, auraient été trop complexes pour être abordés dans une conversation. Il ne l’a pas dit avec ces mots, je l’ai peut-être rêvé, mais en tout cas, c’est l’idée que j’en ai retenue.

Et au risque de te surprendre en déballant ce qu'il se passe en soirée dans notre chaumière, quand on s’y retrouve entre amiEs. Même si je pense que ce qui compte le plus, c’est le « being », un moment de vie partagé, c’est vrai que j’éprouve un certain plaisir, quand nous délaissons l’énumération des dessins animés de notre enfance, pour débattre et aborder des sujets de fonds. Faire pétiller les idées à la surface de nos consciences, s’échanger des marrons chauds conceptuels, s’envoyer des boules de neiges philosophiques.

Librescommères : le traiteur officiel des rencontres amicales doloises... en mode soupe populaire !

Mon Lexique Revisité :
1. La consensualité est un néologisme qui met en avant la dimension tentatrice du consensus.
2. Echonirique : Les choses souvent subissent plusieurs mutations avant d’atteindre leur forme définitive, on appelle ces bonds des échoniriques, par exemple, la roue a eu des échoniriques aussi divers que le vélocipède, la bicyclette, la mobylette, la moto, la deux chevaux, le patin à roulette, la carte de transport en commun, la trottinette électrique, le terminal de réseau-social, la combinaison de contrôle d’avatar holographique, la cabine de téléportation astrale...
3. Journalocal : quasi un journal mural, le média du circuit court par excellence, un journal par ses lecteurs, pour ses lecteurs.


3 éléments de littérature :
1. La lapine arc-en-ciel : Procédé littéraire, qui n’est pas sans rappeler le Deus Ex Machina, qui consiste à faire intervenir un personnage fictif pour simuler une correspondance épistolaire.
https://fr.wiktionary.org/wiki/conil#arc-en-ciel
2. L’incohérence relative : Figure de style qui consiste à laisser une phrase insensée dans un écrit afin de renforcer son caractère imparfait.
https://fr.wiktionary.org/wiki/incohérence#relative
3. Le salmigondis : Écrit où sont mêlées confusément toutes sortes de choses disparates.
https://fr.wiktionary.org/wiki/salmigondis

Cet article a été écrit par Robot Meyrat, lundi 10 Février 2020.
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Photographie « Ce qu’il reste d’un journal mural » à Besançon par La Liberté.
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(Cet article n'est donc pas régi par les règles habituelles de diffusion consultable ici.)

 

 

 

 


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À propos de l'auteur(e) :

Robot Meyrat

Éternel débutant, Chercheur de singularités, Créateur de chimères, Expérimentateur d’inédits. Inscrit dès la naissance à l’école de la Vie. Il m’arrive d’être drôle à mon insu. Je suis mon chemin. Résister au courant principal jusqu’à la Mort et au-delà.


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