Politique

En plein confinement, Nono réintégré chez lui

Publié le 01/04/2020 à 09:53 | Écrit par Christophe Martin | Temps de lecture : 02m51s

Ça sonne comme un poisson d’avril, ça a le goût et la couleur d’un poisson d’avril, mais non, ça n’en est pas un : Nono Bucher, notre camarade de lutte et, on doit l’avouer, notre copain insoumis, a été réintégré au sein de l’Éducation nationale. Non, non, ce n’est pas un gag du recteur de l’Académie de Besançon : en plein confinement, Nono est réintégré mais chez lui. L’époque est aux paradoxes inattendus mais celui-ci est de taille. Suite à un mail de recours envoyé ce lundi 30 mars, Nono a reçu le soir même, vers 19h30 (preuve s’il en est besoin que dans l’Éducation nationale, on a assez de taf pour ne pas avoir à traverser la France pour aller cueillir des fraises), une réponse du recteur lui disant qu'il prenait une double décision : levée de la suspension et limitation de la conséquence disciplinaire à un blâme (sanction du premier groupe).

Rappelons brièvement les faits: Nono était mis à pied depuis le 31 janvier. Une suspension à titre conservatoire de quatre mois avec interdiction d’approcher du lycée Duhamel où il enseigne depuis des lustres. Le coup était rude d’autant que l’affaire n’était pas claire.

 

Le mardi 18 février, on s’est retrouvé à près de 200 devant le lycée pour lui manifester notre soutien lors d’une réunion pour le moins chargée d’émotion malgré son absence. Il faut dire que Nono a bénéficié du soutien d’un comité de choc. Une pétition pour sa réintégration sans condition a recueilli plusieurs milliers de signatures.

Pour être tout à fait impartial, l’émotion n’était néanmoins pas partagée par l’intégralité de ses collègues, un certain nombre d’entre eux préférant se retrancher derrière la direction et la hiérarchie, ce qui tend à prouver que le milieu enseignant n’est plus un repaire de gauchistes comme pouvait le prétendre la droite conservatrice d’antan.

Le jeudi 20 février, une délégation avait été reçue par le recteur qui depuis réfléchissait. Nono a mis un certain temps, et même un temps certain, à avoir accès au dossier pour connaitre l’exacte version officielle des faits qu’on lui reprochait.

Pour ceux qui sont habitués à la précarité de l’intérim et des contrats reconduits ou pas, sachez que le coup a été rude pour le fonctionnaire qu’est Nono : la sécurité que représente un salaire à la qualification est un droit que personnellement je réclame pour une partie plus importante de la population. Sous le coup d’une suspension de quatre mois, l’enseignant vivait depuis une soixantaine de jours dans l’angoisse d’un conseil de discipline et peut-être d’une révocation pour un motif qu’il contestait. Psychologiquement, c’est violent. Heureusement que Nono est costaud et qu’il était bien entouré.

 

Le recteur a su trancher en fin briscard : la suspension est levée et Nono est libre de rester chez lui. On tâchera de faire un interview avec lui pour voir comment un prof de maintenance s’en sort avec le télétravail car j’imagine qu’il ne va pas cueillir des fraises jusqu’à ce qu’on nous relâche. D’un autre côté, Nono reçoit un blâme de la hiérarchie qui veut quand même marquer le coup, histoire de ne pas non plus se désavouer. Ça n’aidera pas sa promotion dans un lycée au coeur de Paris mais je crois savoir qu’il s’en fout un peu d’autant qu’il évite la déportation à Vesoul ou Vierzon. Et comme le rappelait l’un de nos amis communs dernièrement, on lutte ensemble pour « mieux vivre dans le trou du cul du monde que dans le monde du trou du cul ».

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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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