Mode sombre

On l’a définitivement appris vendredi soir lors du dernier rendez-vous dolois : c’est peut-être pas encore la fin des haricots mais celle des Coquelicots a été officiellement annoncée. Le collectif national « Nous voulons des Coquelicots » n’appelle plus à se retrouver chaque premier vendredi du mois comme on en avait pris l’habitude. Officiellement, l’objectif est atteint, la France entière sait qu’on l’empoisonne et on s’était donné deux ans dès le départ du mouvement en septembre 2018. Ça, c’est le verre à moitié plein. Officieusement, le mouvement s’essouffle, les rangs s’effilochent et le gouvernement de Macron se fout bien des quelques rigolos à fleurs rouges qui la ramènent avec leurs fongicides, SDHI et autres néonicotinoïdes. 

Le constat peut paraitre un peu raide mais il n’est pas totalement négatif pour autant. Depuis deux ans, en effet, le grand public a pu s’informer plus largement sur ce que l’industrie agro-alimentaire déraisonnable et cupide lui fait ingurgiter comme saloperies pour qu’il en ait plein l’assiette pour pas trop cher. J’ai pas une amitié particulière pour les parasites (animaux, j’entends) mais j’ai appris qu’ils ont tous quelque part leur utilité, ce qui n’est pas le cas pour tout le personnel politique ni pour les actionnaires de la grande distribution. Le public a eu le droit de savoir, il a donc pu apprendre ce qu’est un métabolite de pesticide mais en fait, on a quand même l’impression qu’il s’en bat un peu les steaks, le grand public. Et c’est vrai que c’est abstrait ces histoires de phytosanitaires et que quand on n’a pas vraiment l’occasion de creuser un peu le sujet, on peut ne pas trop se sentir concerné. Pour cesser de flirter avec l’euphémisme, beaucoup de gens s’en branlent de l’empoisonnement général. On ne leur a jamais mis sous le nez un rapport qui explique la corrélation entre malbouffe et déficit de défenses immunitaires. On ne lui dit pas assez clairement qu’il y a un lien entre la mortalité et une nourriture saine parce qu’aucun technocrate de l’ARS n’a eu l’ordre ou l’idée de se pencher sur la question pendant l’épidémie de covid. L’ordre du jour pour la plupart d’entre nous est beaucoup plus terre à terre (sans jeu de mots), carnage social oblige. Au mieux, garder son boulot ou en trouver un autre. Au pire, s’abonner à la 5G pour choper Netflix dans les tunnels.

On va voir avec la rentrée, maintenant que Greta a repris ses études, si les lycéens vont retrouver l’envie de s’agiter le vendredi pour la planète. Mais après le confinement et avec les masques, y a du temps de flirt à rattraper. Les militants écolos ont encore du pain sur la planche pour nourrir sainement la planète. « Nous voulons des paysans » est le nouveau slogan que nous propose les feus coquelicots. Il en faudrait un million en France pour inverser la tendance à l’industrialisation massive de l’agriculture et de l’élevage. C’est pas gagné mais il faut donc encourager ceux qui s’y sont mis : le local, bio ou issu de l’agriculture raisonnée, c’est pas obligatoirement plus cher que le supermarché mais ça nécessite un peu d’organisation, c’est vrai. Les Coquelicots ne sont donc pas fanés mais il va falloir commencer à agir autrement. Les 26 et 27 septembre, les fermes du Jura se visitent. Le 19 septembre, on peut se bouger pour le climat : ça fait toujours un peu d’exercice, même si pour l’instant ça semble pas trop remuer sur Dole. On vous tient au jus. Bref, on laisse pas tomber l’écologie mais on n’en fait pas non plus un cheval de bataille sans tête ni cavalier : les gros capitalistes nous préparent de sales coups comme à Damparis et à C&K. Macron injecte de la thune comme un bourrin dans des secteurs qui tôt ou tard vont sombrer. La bouffe fait partie des priorités et faudra le lui rappeler comme le fait Ruffin. Pas celle du Gault et Millau, de Top Chef et du Chat Glouton. Mais celle qui nous permettra d’attendre un peu plus sereinement le prochain virus.


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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