Sadisme de classe, sadisme d’État
Si vous pensez que le sadisme est le plaisir qu’on éprouve en faisant du mal à quelqu’un, vous faites fausse route. Le sadisme n’est une question ni de jouissance ni de volonté délibérée de nuire. Le sadisme est l’incapacité de reconnaitre chez l’autre toute responsabilité, autonomie ou souveraineté. Cela se traduit par une cruauté rageuse et incontrôlable qui vise à réduire sa victime à un simple objet, éventuellement sexuel mais pas obligatoirement. Le sadique souffre d’une rupture de curseur et d’un dérèglement du variateur qui permet au sujet sain de négocier dans une relation d’autorité consentie. Le sadique humilie, écrase sa victime, faute de pouvoir établir avec elle un rapport équilibré et mutuellement bénéfique. Il ne connait que le rapport de force et c’est en retour, la seule arme qu’on a contre lui.
Emmanuel Macron et la classe dominante qui l’a porté à l’Élysée, l’aristocratie stato-financière et la tranche supérieure, et essentiellement urbaine, de la petite bourgeoisie CPIS (1), ont depuis longtemps fait sécession. Ils ont fait péter le variateur, nous marchent sur la tête pour se servir dans la caisse, brillent par leur manque de vision et écrasent toute pensée alternative. Si on la laissait faire, on n’entendrait qu’elle, la classe dominante. Les grands bourgeois libéraux, de mère en fils et de père en fille, diplômés des écoles de commerces, énarques, éditorialistes, experts médiatiques, actionnaires, conseillers techniques de toutes sortes qui parlent de relancer l’économie droit dans le mur. Ils croient tout savoir mais ils ne sont bons qu’à nous faire croire qu’ils ont les solutions alors même qu’ils sont le problème.
On ne discute pas avec un sadique : d’ailleurs, il ne vous en laisse rarement l’occasion car il triche, ment, prend par surprise, s’impose par traitrise et vous réduit à l’état d’impuissance par la force et la violence. Sa domination se veut radicale et son pouvoir absolu. S’il prend le dessus, il vous écrabouille. Si vous résistez, cela décuple sa rage. Il ne supporte pas la résistance. En fait, il ne la conçoit pas. Il écrase non par vice mais par perversité, une perversion spontanée, incoercible, qui le submerge. Son pouvoir l’enivre et la violence qu’il ne contrôle plus fait de lui une brute, un monstre, une bête inhumaine qui perd tout sens de la dignité. Ce qu’il ne trouve pas chez lui, il le détruit chez l’autre.
La clique au pouvoir est entrée dans cette spirale répressive et infernale d’autant que s’y mêle la peur face à la multitude populaire qui elle-même doit obéir sans comprendre. Mais chez ces gens-là, Monsieur, on garde ses nerfs, on ne hausse pas le ton, on ne se salit pas les mains. On délègue : les forces de l’ordre ont comme d’habitude choisi le côté du manche et répriment sans réfléchir avec un enthousiasme qu’il faudrait flouter. L’appareil d’État et les cadres de l’administration n’ont jamais brillé par leur esprit de rébellion. Au pire, ils font du zèle et en rajoutent une couche. Au mieux, ils s’abritent derrière les ordres et les décrets qui fusent dans tous les sens. On veut nous manipuler, on nous culpabilise, on nous infantilise, on nous prend pour des cons. Car en haut lieu, on veut encore faire croire aux plus naïfs qu’il y a un pilote sain d’esprit dans le cockpit. Il y a pourtant comme un vent de panique dans la « statosphère » de ces technocrates en orbite qui réagissent au coup par coup pour sauver leurs fesses sans demander conseil à ceux qui cherchent l’intérêt général.
Mais le sadique ignore qu’il est vide de toutes ses nuances qui lui permettraient de négocier avec la rue qui gronde parce qu’elle veut comprendre, de libérer la nation séquestrée qui veut avoir son mot à dire, d’imaginer la suite autrement que dans la dérive autoritaire, le passage à tabac, le vote par soumission. Le sadique ignore qu’il peut se tromper, que l’autre peut avoir raison et qu’en tout cas, la victime a le droit de s’exprimer et d’exister. Il ne connait que le rapport de force et ne réagit qu’à la pression.
On ne raisonne pas un sadique en crise. On lui pète la gueule pour le neutraliser et l’empêcher de nuire. Ensuite seulement, on envisage une thérapie.
- Selon la typologie active de la société française établie par Emmanuel Todd dans son dernier livre « Les Luttes de classes en France au XXIème siècle », ce qui se traduit en chiffres par 1 et 19%, soit 20% de la population, CPIS signifiant cadres et professions indépendantes supérieures. Parmi cette dernière catégorie, il y a sans doute un tri à faire. C’est également Todd qui m’a suggéré l’idée du sadisme de classe lors d’une de ses nombreuses interventions à la suite de la parution de son bouquin.
Pour en savoir plus sur le sadisme, j'y ai consacré plusieurs chapitres de l'Anthropologie pour les Quiches.
À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.
Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès
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