Mode sombre

Le conseil municipal vu de l'intérieur - janvier 2021

Ce qui sépare majorité et opposition (et je ne parle pas de vision politique)

Dans notre ville, il y a 35 conseillers municipaux. 83% d'entre eux (29) font partie de la « majorité municipale », c'est à dire qu'ils ont été élus sur la liste qui a enregistré le plus de voix lors des élections (62% des bulletins exprimés). Les 17% de conseillers municipaux restants (6) sont issus d'autres listes qui ont obtenu chacune entre 17 et 18 % des suffrages exprimés. Ces conseillers sont auto-organisés en 2 groupes  qui peuvent être qualifiés « d'opposition» , « non majoritaires » ou même « de la minorité » si vous souhaitez dénier l'existence même d'une opposition à la politique du maire (c'est le choix fait par la « majorité » dès l'installation du conseil municipal).

Théoriquement, chaque conseiller peut s'exprimer et aurait droit à une tribune dans le bulletin municipal bimestriel. À l'échelle de la ville, c'est en tant que groupes qu'ils s'expriment : 1000 signes, soit environs 6 lignes, pour ouvrir à autre chose que les 32 pages de la publication dans lesquelles il n'y a aucune chance de trouver une idée ou une photographie qui représenterait autre chose que la droite locale. On peut comprendre l'importance pour l'opposition de disposer en plus de ses propres canaux de rédaction et de distribution, et ce, sans le service de communication de la collectivité  ;) . 

Justement. La majorité en nombre n'est pas le seul atout d’une équipe au pouvoir dans une municipalité. Parlons des moyens. En formation sur la prise de mandat, la formatrice, une élue d'une autre ville, n'a pas hésité à nous prévenir que « les élus d'opposition étaient ceux qui travaillaient le plus » , car ils le faisaient sans les moyens qu'a la majorité (équipe plus nombreuse et plus disponible car indemnisée pour cela, cabinet du maire et tous les agents au service de la collectivité). Dans notre ville, le travail des élus d'opposition est un travail bénévole qui s'ajoute souvent à leur activité professionnelle. Il  consiste surtout à décortiquer les projets établis par l’exécutif, mais aussi à « enquêter » sur les alertes lancées par des concitoyens. À la marge, il est possible de proposer des délibérations et amendements, tout en connaissant l'écrasante majorité qu'il y a en face au moment du vote. C'est de la pure démagogie donc quand le maire, fort de tous les moyens et informations dont il dispose, se dit « curieux du budget que l'opposition aurait à proposer » en cette première année de mandat. 

Chacun des deux groupes non-majoritaires dispose d'un siège (sur 13) dans chacune des 5 commission de travail. Pour ma part, je siège dans une seule commission qui étudie en général à elle seule près de la moitié des délibérations. Appartenir à une commission, ça veut dire recevoir les informations de notre spécialité au fur et à mesure qu'elles arrivent, c'est préparer les délibérations et donc être informé de leur contenu bien avant la presse et la convocation au conseil municipal. Non, je déconne! L'ensemble des délibérations soumises au vote lors de la séance du conseil (un lundi) sont envoyées avec la convocation le mardi soir précédent. Les commissions se déroulent les soirs de cette semaine précédent l'assemblée municipale et chacune « passe en revue » les délibérations de son thème. Les textes à examiner en commissions sont donc déjà tout à fait aboutis et c'est ceux qu'ont déjà reçus tous les conseillers. Bon, je vais être un peu positif : on peut poser des questions en commission. Mais  comme on découvre parfois les textes faute de les avoir eu assez tôt, il manque le recul pour poser les bonnes. Et désormais, j'interviens peu et j'écoute beaucoup. Ce n'est pas la peine de dévoiler ses futures interventions en séance publique à mon opposition (je parle de la majorité quand je dis mon opposition, et oui, ça marche dans les deux sens au niveau des idées).

Plusieurs centaines de pages de documents pour une séance de conseil (en tout, de 200 à 360 pages selon les séances en 2020), ça peut faire peur. Mais autre point positif,  après quelques séances, on peut déjà identifier par une lecture en diagonale les quelques délibérations à teneur « politique » (~10%), même s'il vaut mieux quand même jeter un œil au reste. Qu'on ait pu travailler avant les commissions ou non,  on passe du temps à demander et attendre des documents, à rechercher sur le cadastre, à visiter un site pour se rendre compte, à rechercher la législation ou à comparer avec d'autres villes, les élus municipaux d'autres villes.... et mettre en commun pour préparer les interventions. Le week-end permet d'y travailler d'ici le conseil municipal du lundi, mais pas de demander et d'étudier des documents complémentaires. 

En séance du conseil municipal, le maire est le seul à distribuer la parole. Impossible de répondre du tac au tac, même quand quelqu'un vous prête une parole que vous n'avez pas dite, ce qui arrive souvent avec des orateurs malhonnêtes. Il faut alors redemander la parole si on veut vraiment répondre à ce qui a été dit 10 minutes avant. Mais attention, le nombre d'interventions est limitée par le règlement intérieur. Depuis la fin de l'année dernière, les monologues de la majorité servent surtout à les positionner en tant que candidats à leur propre succession aux conseils régional et départemental. Quand on est partout, on est nulle part, quand on veut tout faire, on ne fait rien de bien... Heureusement, d'autres travaillent pour eux. 

Nicolas Gomet


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