Politique

18 Mars, le soulèvement populaire

Publié le 18/03/2021 à 07:58 | Écrit par Baron Vingtras | Temps de lecture : 05m38s

Cet article fait suite à « Pierre Bourgeois, insurgé ».

Nous sommes le 18 mars 1871, il est environ 6h00 du matin. Paris est encore endormie. Les Parisiens les plus chanceux ont droit de dormir dans une masure. Pour les plus malchanceux n'ont droit qu'un banc pour logis.

Ce jour-là, un garde national (1) dénommé Turpin est de corvée. Il doit garder les 171 canons qui sont positionnés sur la butte Montmartre. A ce moment-là, le Sacré-Cœur n'existait pas et il n'était même pas prévu de le construire. Un coup de feu retentit et touche le gardien, le blessant mortellement. C'est la première victime de la Commune. Le coup a été tiré par un soldat du 88ème Régiment de ligne sous les ordres du général Lecomte.

Les habitants des alentours sont réveillés et l'information se répand comme une traînée de poudre. Louise Michel, institutrice féministe et future anarchiste, est présente sur les lieux pour soigner le malheureux blessé. Sur le terrain vague où sont entreposés les canons, les Montmartroises sont majoritairement présentes avec leurs bambins. Les hommes, pour la plupart des Gardes Nationaux, sont moins nombreux et certains d'entre eux s'agitent contre les lignards.

Les femmes restent calmes car elles savent que ce sont elles qui sont les dernières lignes de résistance. Si elles se mettent en mouvement, c'est parce qu'il ne reste plus que l'action pour régler les problèmes.

Avant d'en arriver là, elles échangent avec ces soldats. Elles proposent du vin et du pain. La population et les troufions fraternisent. Durant la discussion, plusieurs militaires expliquent qu'ils ont pour mission de récupérer les canons mais que les chevaux et les attelages ne sont pas arrivés. La population s'insurge en expliquant que ce sont leurs canons, payés de leurs propres deniers, pour se défendre en cas d'invasion des Prussiens. L'une d'entre elles interpelle un gradé, elle l’interroge sur la provenance de cet ordre. Le militaire lui répond : « Du plus haut sommet de l’État ». C'est-à-dire d'Adolphe Thiers, chef du pouvoir exécutif.

Le général Lecomte ordonne de cesser toute discussion avec la population. Au fur et à mesure, il est cerné et ordonne finalement à ses hommes de faire feu contre la population. Hommes, femmes et enfants sont dos à leurs canons et font face à ceux des Chassepot (2) des militaires. Un capitaine demande aux soldats de ne pas tirer et de lever leur crosse en signe de désobéissance. Explosion de joie au sein de la population ainsi que chez les mutins.

Aussitôt arrêté, le général est envoyé dans le local du Comité central de Montmartre (3).

Un autre général en tenue civile repérant les barricades en construction est reconnu et est également arrêté. C'est le général Clément Thomas, ancien général de la Garde nationale durant le siège des Prussiens. C'était l'un de ceux qui avait réprimé les ouvriers des Ateliers nationaux lors du soulèvement de Juin 1848. Faisant 4000 morts du côté des insurgés.

Les deux généraux sont mis dos au mur, rue des Rosiers. Ils tombent sous une salve de Chassepot. Malgré l’opposition du jeune maire de Montmartre, Georges Clémenceau et d'un certain nombre d'élus du Comité dont faisait partie Théophile Ferré. Quatre ans plus tard, ces généraux assassins auront droit à une sépulture, les présentant comme des victimes.

De peur de se faire chopper par les insurgés, Adolphe Thiers, son Gouvernement, ses soutiens et un bon nombre de bourgeois prennent leur clic et leur clac et s'enfuient (comme a failli le faire Macron le 8 décembre 2018 lors de l'acte IV des Gilets Jaunes) à Versailles. Cette ville était et est encore la destination de villégiature des Présidents français. Notre Adolphe à nous s'était isolé en décembre dernier à la Lanterne lorsqu'il avait attrapé la COVID.

La Commune s'éveille.

Des communes en Province

La création de la Commune à Paris fait grand bruit en France mais aussi à l’étranger. Dès le 22 mars, la ville natale de Thiers ouvre le bal. Marseille appelle à la création de sa Commune. Suivi de nombreuses villes telles que les citées ouvrières de Saint-Etienne, le Creusot, Narbonne. Elles ne vivent que quelques jours. Elles se terminent par une répression militaire et judiciaire. Lyon (Libres Commères est lu aussi là bas) est une habituée des insurrections et des répressions. Les révoltes des Canuts. La seconde (avril 1834, alors que la France est sous le règne de Louis-Philippe) est réprimée dans le sang. Le Ministre de l'Intérieur utilisera une tactique de retrait de l'armée, abandonnant la ville aux insurgés, pour l’encercler, puis la reprendre. Lorsque l'armée entrera dans la ville, elle massacrera 600 insurgés en une semaine. D’où son nom de «sanglante semaine».

N’oublions pas de citer le nom de ce ministre. Il s’appelait Adolphe Thiers.

Election

Le 26 mars, est organisée l'élection des nouveaux représentants. La veille, le Comité central de la Garde nationale, qui fait fonction d'élus, lance un appel à la vigilance et à la réflexion car «les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre propre vie, souffrant des mêmes maux.» Je vous invite à lire leur manifeste.

42% de la population parisienne se sont déplacés pour aller voter. Les Ier, IIe, IXe et XVIe arrondissements votent majoritairement pour les «Amis de l’Ordre» qui sont des Parisiens hostiles à la Commune. Ils ne siégeront jamais au conseil de Paris et démissionnent rapidement.

Les élus communards remportent 70 sièges sur 92. Ils appartiennent à deux groupes sociaux: celui des ouvriers (artisans, ouvriers métallurgistes... ) et celui des professions libérales (journalistes, médecins, peintres...).

Ces 70 conseillers ont des idéologies différentes.

Les Blanquistes comme Théophile Ferré pour qui « la révolution ne peut se faire que par un petit groupe qui donnerait un « coup de main » pour guider le peuple vers sa destinée. Après le succès d’une révolution, les révolutionnaires commenceraient alors à mettre en place un nouveau « système socialiste».

Les Jacobins qui veulent reprendre les théories centralistes de la Révolution de 1789. Parmi eux, Charles Delescluze et Félix Pyat.

Des membres de l'Association Internationale des Travailleurs (AIT) connue sous le nom de Première Internationale qui adopte la théorie marxiste. On y compte Léo Frankel, Eugène Varlin, Adolphe Assi, ce dernier faisait partie des grévistes du Creusot en 1870 (voir l’article Pierre Bourgeois, Insurgé, in Libres Commères N°9)

Les Blanquistes, les Jacobins et les membres de l'AIT souhaitent diriger la Commune avec une méthode autoritaire à la différence des membres proudhoniens (rivaux idéologiques des marxistes) et des indépendants tels que Jules Vallès et Gustave Courbet qui souhaitent utiliser des méthodes libertaires.

Au lendemain de la Commune, l'historien Jules Claretie écrivit ceci : «La Commune se divisait en deux sectes distinctes : l’école de la tradition jacobine, que représentaient Félix Pyat et Charles Delescluze, et, si je puis dire, l’école de l’anarchie en littérature, personnifié par M. Jules Vallès, n’admettant ni règles, ni traditions, ni maîtres, ni modèles, ni souvenirs.»

Mais ils souhaitent tous une chose: Que vive la Commune!

A suivre...

Baron Vingtras

  1. La Garde nationale a été créée dès le début de la Révolution française de 1789. C'est une milice citoyenne qui a en charge le maintien de l'ordre et la défense militaire en cas d’invasion. Elle a été dissoute après les événements de 1871, puis remise en service en 2016 par François Hollande, suite aux attentats.
  2. Fusils du nom de son inventeur.
  3. Lieu où se tient l'assemblée formée des délégués élus par les membres de la Garde nationale.



À propos de l'auteur(e) :

Baron Vingtras

Bourguignon échoué en Franche-Comté, enivré par le militantisme de Gauche avec un gros G et passionné par l'Histoire.


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