Mode sombre

Alexandre Picard est la cheville ouvrière de la compagnie des Arts de la Scène Le Nez en l’Air. Voici quelques bribes d’une très longue conversation que le Miradole a eu avec lui. Cet homme de spectacle n’a toujours pas le droit de jouer sur scène mais il est loin de chômer. Micro.

LE MiRADOLE.- Le Nez en l’Air est né quand?

LE NEZ EN L’AIR.- La date de naissance de la compagnie, c’est la toute première représentation qu’on a donnée en octobre 2011. Il s’agissait de « Dans le Rouge », la version longue. Six variations du Petit Chaperon rouge.

LE MiRADOLE.- On s’est revu ensuite pour une pièce où, du coup, tout était blanc…

LE NEZ EN L’AIR.- Ouais, je m’en souviens. Tu m’avais interviewé à la Fabrique qui n’était pas encore rénovée. En 2013, on a adapté « Dans le Rouge » en petite version tout terrain pour aller jouer un peu partout et quelques mois plus tard, on a joué « Carte Blanche », un spectacle jeune public. « Souriez, vous êtes dans le Rouge », la petite forme, a fini par glisser dans un spectacle jeune public mais on ne l’avait pas créé spécifiquement pour ça. On la joue maintenant essentiellement pour les scolaires et ça marche du feu de Dieu. On en est à plus de 100 représentations.

LE MiRADOLE.- Il va falloir que tu m’expliques comment vous fonctionnez. Vous ne jouez pas les spectacles les uns après les autres?

LE NEZ EN L’AIR.- Non, on essaie de garder un répertoire. Quand tu crées un spectacle, tu rentres dans une dynamique de diffusion auprès des programmateurs. Mais pour « Souriez, vous êtes dans le Rouge », ça fait quand même trois ou quatre ans qu’on ne fait plus du tout de diffusion et le spectacle roule de lui-même. Depuis deux saisons, on a arrêté de jouer « Dans le Rouge » et après 80 représentations, on a pris la décision de ne plus jouer « Carte Blanche ». 

LE MiRADOLE.- Les Figures insoumises ont commencé ensuite si je ne m’abuse?

LE NEZ EN L’AIR.- En 2016 exactement. Les spectacles dont on vient de parler, c’est un peu le premier chapitre de la compagnie.

LE MiRADOLE.- C’est difficile de définir exactement de quel genre de spectacle il s’agit…

LE NEZ EN L’AIR.- Pour jouer sur les mots, je dis toujours que que je ne fais pas du spectacle de marionnettes mais du spectacle AVEC de la marionnette. J’ai cette formation de marionnettiste, mais avant cela j’ai fait le conservatoire de théâtre et je suis resté très attaché à l’acteur. Une marionnette, même si elle est capable de dégager des émotions et tout un univers visuel, s’il n’y a pas derrière un acteur ou une actrice pour lui donner vie, elle retourne à l’inerte. J’ai donc toujours privilégié l’acteur par goût et par passion. La marionnette est secondaire mais elle a une grande importance pour moi. Je ne m’oblige pas à l’utiliser mais quand je déploie mon imaginaire pour essayer de mettre en scène un spectacle, si à un moment donné, elle se présente à moi sous une forme ou sous une autre, la première question que je me pose, c’est : est-elle indispensable? Si elle vient, c’est que c’est un plus. Et je ne pense pas m’être trompé.

LE MiRADOLE.- On avait aussi parlé de théâtre d’objets, non?

LE NEZ EN L’AIR.- Oui, c’est une version contemporaine de la marionnette, l’objet usuel qu’on personnifie et qui devient un personnage. On ne le transforme pas, on ne lui rajoute pas des yeux, surtout pas. D’ailleurs les marionnettistes de renom détestent ça. Dès que tu colles deux yeux et une moustache, ce n’est plus du théâtre d’objets.

LE MiRADOLE.- C’est Monsieur Patate!

LE NEZ EN L’AIR.- Exactement. Ça, c’était la première vague.

LE MiRADOLE.- Et je vous ai vu répéter « Antigone »…

LE NEZ EN L’AIR.- Ça n’a pas abouti mais à travers « Antigone », est né ce goût pour la thématique de l’engagement, l’insoumission qui nous a amenés à faire ces petites formes.

LE MiRADOLE.- La première des « Figures insoumises », c’est Simone Veil. Vous vous êtes « trouvés » comment?

LE NEZ EN L’AIR.- La particularité de ce projet-là, c’est qu’il s’appuie sur la collection « Ceux qui ont dit non » chez Actes Sud Junior. Quand je l’ai découverte, il y avait à peu près 36 bouquins. J’ai commencé à en lire quatre ou cinq et j’ai tout de suite vu que ces bouquins étaient super pour être adaptés en petites formes, en spectacles d’une demi-heure. C’est le bon format, déjà très concentré au niveau de l’écriture. J’ai saisi la qualité d’écriture et j’ai perçu aussi que les auteurs étaient des gens véritablement engagés. Et qu’ils n’étaient pas là par hasard. A partir de ce constat, je me suis dit que j’allais changer la donne. Plutôt que d’aller voir des interprètes et de leur dire : « Voilà tu vas jouer unetelle ou untel », je me suis dit que j’allais essayer de prolonger cet engagement des auteurs et plutôt que ce soit moi qui décide, alors que je savais déjà que ça allait être des seul-en-scène, je voudrais bien que ce soit les interprètes qui choisissent eux-mêmes leur figure. Et moi, je vais me mettre à leur service, j’ai dessiné le cadre, j’ai imposé des contraintes, mais le choix des figures, c’est le choix des acteurs eux-mêmes. Je voulais qu’ils viennent avec leurs tripes et leur envie de défendre tel personnage avec telle cause.

LE MiRADOLE.- Quand tu dis ON, c’est qui Le Nez en l’Air à part toi?

LE NEZ EN L’AIR.- C’est à géométrie variable et les équipes se sont un peu renouvelées ces dernières années mais j’ai des personnes avec qui je travaille assez fidèles. L’équipe technique de création, régisseurs, lumière, son, la costumière. Pour les comédiens, c’est pareil. Mais depuis deux ou trois ans, il y a tout de même un renouvellement. Je ne veux pas travailler éternellement avec les mêmes, il faut aussi que je renouvelle les équipes et que je me frotte à d’autres manières de travailler. Humainement, c’est bien de relancer les dés pour voir commet ça marche différemment. 

LE MiRADOLE.- Et donc tu invites un comédien à choisir sa figure…

LE NEZ EN L’AIR.- Oui, alors évidemment, on en a discuté. Milène Buffavand, avec sa fibre féministe, avait Olympe de Gouges dans une main et Simone Veil dans l’autre. On a lu les deux, on a papoté et au fil de la discussion, on a fini par choisir « Simone Veil ». Et je te jure que je ne le regrette pas. Sincèrement. Je suis des années 70 et c’est une figure que j’ai vue dans mon enfance et j’avais une idée un peu préconçue de cette grande bourgeoise et de l’avoir rencontrée ainsi, je lui voue maintenant une certaine admiration. On a donc créé « Simone Veil », on crée le Federico (NDLR: Garcia Lorca) derrière, dans la même saison, en 2017. Les deux spectacles sont sortis. On a la capacité de les jouer séparément. Ce sont des petites formes autonomes. Mais cette année, on devait jouer quatre fois le diptyque d’ensemble avec un changement de décor à vue entre les deux figures. C’est une formule qu’on a trouvée d’un seul coup et c’est en train de prendre. C’est à géométrie variable et ça, ça m’intéresse vachement. L’autre bonheur de l’aventure, c’est qu’on a rencontré les auteurs, la directrice de la collection, le patron d’Actes Sud Junior, on est allé jouer à Montreuil au Salon du Livre il y a deux ans. Et c’est pas fini parce qu’on les joue encore. Fededico joue moins parce que c’est Lorca, c’est moins connu du grand public, c’est la guerre d’Espagne, c’est plus loin dans l’histoire…

LE MiRADOLE.- … et c’est moins français.

LE NEZ EN L’AIR.- Par contre, on m’appelle tous les mois pour « Simone Veil ». Je ne fais presque plus de travail de diffusion. Avec « Souriez… », ce sont les deux spectacles qui ont le plus tourné. Ils ont dépassé la centaine et je pense qu’on en a pas encore fini avec Simone Veil. De là, des partenaires m’ont proposé de faire une troisième forme. J’ai pris le temps de réfléchir et je me suis dit: j’ai pas envie de jouer la recette. Il y a 36 bouquins, j’ai pas envie d’y passer ma vie. Le dernier, je vais le faire à la maison de retraite, tu vois. Résultat des courses, comme j’ai vu que pour un coup, c’était les partenaires qui venaient à moi pour me solliciter, je me suis dit que j’allais tenter quelque chose d’un peu plus conséquent, au niveau des moyens. C’est comme ça que je me suis retrouvé à adapter deux romans. Là, c’est moi qui ai décidé pour Angela Davis et Leonard Peltier, qui sont tous les deux encore vivants, et il n’y en a pas beaucoup finalement à l’être dans la collection. Je voulais vraiment des guerriers. Et donc, j’ai adapté les romans mais je me suis démerdé pour pouvoir de temps en temps créer du dialogue entre les personnages. Comme ça se passe aux États-Unis dans les années 60/70, on a quand même une telle dynamique musicale, je me suis dit: je me débarrasse de la marionnette et il faut que ça soit un spectacle musical, il faut que la scénographie qui va accompagner ces deux récits soit un univers sonore. Ils sont donc trois sur scène. Un clavier qui ne fait que jouer. Mais il fallait que je trouve deux comédiens, musiciens et chanteurs. Il fallait que je trouve tout ça à la fois pour être les porte-voix de Leonard Peltier et d’Angela Davis.

LE MiRADOLE.- Et Leonard Peltier, c’est qui?

LE NEZ EN L’AIR.- J’ai la triste nouvelle de t’annoncer que c’est le détenu qui a la plus longue incarcération aux États-Unis aujourd’hui. Ça fait 44 ans qu’il est en prison. Il est accusé d’un double meurtre dans une réserve indienne en 1973. Deux agents du FBi. Il s’est sauvé quand il a vu qu’on l’accusait, d’après ce qu’il se dit, à tort. C’est difficile de l’affirmer concrètement. Il s’est sauvé dans une réserve au Canada et ils ont fini par l’attraper. Il a été condamné à une double peine à perpétuité. Aucun président n’a accepté de le gracier. Il est soutenu par Angela Davis, Amnesty International, même des hommes politiques français qui ont cherché à la faire sortir de prison. Clinton avait dit qu’il allait s’en occuper. Il ne l’a jamais fait. Quand Obama est arrivé, toutes les ONG se sont dit, c’est maintenant. Il y a eu une énorme campagne de faite par Amnesty aux États-Unis, avec des artistes comme Sean Penn qui sont montés au créneau… et Obama n’a rien fait. Il ne l’a pas gracié, il ne l’a pas laissé sortir. Personne ne comprend pourquoi.  Leonard Peltier a déjà dépassé la partie incompressible de sa peines. Il aurait déjà dû sortir depuis au moins une quinzaine d’années. Il y a quand même eu, sur les quatre décennies depuis qu’il est enfermé, un ensemble d’indices qui vont contre sa culpabilité. Mais apparemment c’est pas suffisant pour le faire sortir de prison. Il est considéré comme un prisonnier politique. Dans ses campagnes, quand elle termine ses meetings, Angela Davis finit toujours par « Free political prisonners » et elle cite ensuite des noms. Mais le premier qu’elle cite partout dans le monde, c’est toujours Leonard Peltier. C’est la même époque. Ils sont nés la même année en 1944. L’un défendait la cause des minorités indiennes, l’autre, la cause des minorités noires. En fait, ils ont mené le même combat chacun dans leur groupe ethnique aux États-unis. Angela Davis a tout de même fait deux ans de prison, elle a tout de même eu chaud.

LE MiRADOLE.- On ne pensait qu’elle sortira si vite.

LE NEZ EN L’AIR.- Même elle le dit: ça s’est joué à pas grand chose. Elle aurait pu y rester un paquet d’années.

LE MiRADOLE.- Surtout qu’elle a des collègues qui sont carrément restés sur le carreau.

LE NEZ EN L’AIR.- Surtout qu’elle a été en cavale, ils auraient pu l’abattre…

LE MiRADOLE.- Surtout qu’elle avait la double étiquette, Black Panther et communiste.

LE NEZ EN L’AIR.- Comme elle était intellectuellement puissante, elle enseignait dans les universités. Ils ont fini par la virer parce qu’ils la détestaient. Ils en avaient peur. Voilà, ce spectacle-là, il est bien sorti. Malheureusement, il est sorti en novembre 2019. On a eu deux représentations. On devait rejouer au printemps, au moment du premier confinement, ça s’est donc annulé. On a rebondi au mois d’octobre, les reports se sont faits à la rentrée. On a fait trois dates au mois d’octobre et hop, on s’est à nouveau arrêté au mois de novembre. Et là on devait jouer à Fraisans et dans différents endroits et donc, tout cela est reporté… en novembre de cette année.

LE MiRADOLE.- Ça fait donc un parcours en pointillé.

LE NEZ EN L’AIR.- Sachant qu’un spectacle, pour qu’il grandisse, pour qu’il s’épanouisse, pour qu’il mûrisse, il faut qu’il joue. Quand tu fais la création, que tu joues trois fois et que tu te retrouves un an plus tard… pendant un an, les comédiens ne l’ont pas joué, l’ont un peu perdu de vue et n’ont eu suffisamment de représentations dans les pattes pour le faire décoller comme on dit dans le jargon. On décolle, puis pouf… on se repose… on redécolle et hop… on se repose… c’est quand même l’air de rien et tout le monde le dit dans la profession avec ce qu’il nous arrive, c’est une débauche d’énergie qu’il faut à chaque fois réengager. On ne refait pas la création à chaque fois mais il faut remobiliser tes équipes. Et en plus on pâtit d’une carence en diffusion parce que tu n’a pas suffisamment d’opportunités pour les programmateurs viennent te voir. C’est quand vraiment une énorme débauche d’énergie. On est tous contents du spectacle, d’être ensemble quand on se revoit, on est tous contents d’y aller, là la perspective, c’est novembre. Mais…

LE MiRADOLE.- Mais tu as une ministre formidable qui il y a quelques jours a  dit: « La culture en France ne s’est pas arrêtée ».

LE NEZ EN L’AIR.-…

LE MiRADOLE.- C’est un commentaire personnel qui n’engage que moi, mais j’ai un peu l’impression que mettre Roselyne Bachelot à la culture, c’est une manière de dire que le régime néolibéral qui nous prend pour des cons n’en a pas grand chose à battre de la culture.

LE NEZ EN L’AIR.-…

LE MiRADOLE.- Bon, je crois savoir que tu étais à Saint-Claude la semaine dernière. Ce n’est pas pour faire du tourisme, j’imagine…?

LE NEZ EN L’AIR.- C’est un petit peu l’actualité depuis l’année dernière. J’ai rejoint un collectif qui lui même a créé une structure qui va fonctionner de plus en plus sous un mode collectif. « Les Boiteux de Prod », basés du côté de Cramans. Il y aura plusieurs projets, on est un certain nombre à s’être retrouvé autour de trois anciens musicien du « Plume »

LE MiRADOLE.- Le cirque Plume?

LE NEZ EN L’AIR.- Oui, ce sont trois anciens musiciens du Cirque Plume qui ont décidé pendant « La Dernière Saison » de créer un spectacle musical. Contrairement au créateur du cirque, ils n’ont pas l’âge d’être à la retraite. Ce n’est pas un concert, c’est un spectacle musical et il fallait apporter une dimension théâtrale à leur univers et comme je connais bien l’un d’eux, il a pensé à moi. Et cela fait un an et demi qu’on travaille par petites sessions. Il doivent jouer bon an mal an dans dix jours (NDLR: nous étions le 1er mars) aux Forges de Fraisans mais ça va être annulé. « Les Trois Rêveurs ». J’ai amené ma touche théâtrale dans toutes les transitions en fait, les changements de plateau, un peu comme dans l’univers du cirque, c’est comme ça que les clowns sont advenus. J’ai proposé une autre projet en dehors du Nez en l’Air autour de la notion du voyage à travers des écrivains-voyageurs vivants. Ce n’est pas de la fiction mais des odyssées réelles. Le plus connu, c’est Tesson.

LE MiRADOLE.- Ah oui, je vois…

LE NEZ EN L’AIR.- C’est l’incontournable et c’est pour ça que je le contourne. 

LE MiRADOLE.- Ah, ah, ah…

LE NEZ EN L’AIR.- C’est parce qu’il y en a plein derrière et plutôt sur la dernière partie du XXème siècle. Mon actualité, c’est donc d’intégrer de plus en plus de nouvelles structures. Je commence à être un peu fatigué de porter le Nez en l’Air tout seul. Je n’ai pas réussi à « franchir le cap » des grosses co-prods qui auraient permis à la structure d’engager du personnel administratif. L’aventure existe depuis dix ans, on continue à tourner nos spectacles, c’est toujours en vie mais, ça tombe bien, je suis de plus en plus sollicité ailleurs. Je suis un peu en train de me renouveler, je retourne sur scène. A part « Carte Blanche », depuis dix ans, je n’ai joué que ce spectacle-là. Dans « L’Art de Voyager », je serai en scène. En fait, j’ai fait deux mises en scène depuis le mois de septembre.

LE MiRADOLE.- Oh mais tu bosses dans l’ombre mais tu bosses…

LE NEZ EN L’AIR.- J’ai donc mis en scène « Les Trois Rêveurs », on a abouti le taf au mois de février au théâtre Ledoux à Besançon. Et puis, j’ai mis en scène trois personnes, un musicien, une marionnettiste et une comédienne sur un spectacle jeune public du côté de Charleville-Mézières, là où j’ai fait l’école. C’est une ancienne élève de l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette, une nana de ma promo qui est restée là-bas avec sa compagnie. Elle m’a sollicitée pour faire le regard extérieur. Et on va retravailler ensemble. Tu vois, j’étais à 155% Nez en l’Air, là, je n’y suis plus qu’à 55%. Et je pars un petit peu ailleurs travailler à droite à gauche, changer d’air, aller me mettre au service des autres. Ah puis j’ai oublié de t’en parler… j’ai un très, très vieux copain qui habite Saint-Claude et qui lui est arboriculteur. Il a la passion des arbres et il est par ailleurs comédien-amateur à la Fraternelle. Et de temps en temps, il était sollicité par des maisons de la nature. 

LE MiRADOLE.- Il s’appelle comment?

LE NEZ EN L’AIR.- Richard Bonnot.

LE MiRADOLE.- Comme la bande?

LE NEZ EN L’AIR.- Exactement. Donc, Riri, il lui arrive d’aller faire, non pas des conférences parce que ce n’est pas un universitaire, mais disons des mini-conférences où il explique comment fonctionnent les arbres, la taille des arbres. Comme par ailleurs, c’est un spectateur de théâtre, il va régulièrement à Avignon, et il m’a dit un jour: j’aimerais bien profiter de ce savoir-là pour le faire de manière théâtralisée. Il est parti quinze jours en voyage et il s’est mis à écrire. Il a ramené cette matière-là, on a regardé ensemble. C’était un vrac, on a beaucoup retouché. Il n’y avait pas vraiment de dramaturgie. On a essayé de ramener un peu de théâtralité, de récit, de fable pour que ça ne soit pas un savoir froid pour qu’il y ait matière à jouer. Donc on a bien bidouillé le texte pendant un an et il y a un an, on l’a posé. On le travaille en tableaux où il déploie les choses. Et on a quasiment terminé. Ça demande assez peu de moyen. Il a une petite table, une ancienne carte comme dans les écoles, la carte d’un arbre, et puis il y a une souche. Et il fait 45 minutes de conférence mais théâtralisée, mises en scène où de temps en temps il interprète des personnages. Et je pense que ça va marcher. Ça va marcher parce que c’est un vrai passionné et il est rentré dedans comme un professionnel. il a une masse de texte qu’il sait par coeur. Il a fourni un travail colossal pour arriver à un niveau d’exigence où je ne me suis jamais dit : oh merde, c’est un amateur, il est limité, il a pas le bagage. Non, c’est un mec qui a réussi à beaucoup fournir de boulot…

LE MiRADOLE.- Il a trouvé la bonne formule!

LE NEZ EN L’AIR.- C’est ça, il a trouvé la bonne forme, on a le bon texte. Et donc, en fait, ça fait trois mises en scène à mon actif.

LE MiRADOLE.- Si on résume, pour toi, le travail, c’est comme d’habitude. Ce qu’il manque, c’est la représentation.

LE NEZ EN L’AIR.- Oui. Les seules représentations qui sont aujourd’hui possibles en France, c’est dans les établissements scolaires. Et là, à la fin du mois de mars, on va jouer « Simone Veil » dans un collège à Besançon. Et je crois que ça va être maintenu.

LE MiRADOLE.- Et là se pose la fameuse question : est-ce qu’on est moins en sécurité dans une salle de cinéma art et essai que dans un supermarché? Et la réponse est : ça dépend si c’est un film brésilien d’un côté et si on mange ce qu’on achète de l’autre.


Partage :




Licence Creative Commons Article mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.



À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

Retrouvez tous les articles de Christophe Martin