La Commune : épilogue d’espoir
Cet article met un terme à une série sur la Commune.
28 mai 2021, 19h00 me voilà installé à une table d'un troquet Parisien. La rue est bondée de voitures klaxonnant, les passants déambulent. Les terrasses des bistrots sont prises d’assauts, il y a le bruit des verres qui se choquent suivis d'un « santé ». La joie se lit sur les visages. Elles sont accompagnées de rire. Mais il y a 150 ans, Paris était jonché de cadavres, de cris et la peur se lisait sur les visages. Comme le titrait Michèle Audin dans son blog, «28 mai 1871, à une heure tout était fini».
Le 29 mai, debout aux aurores. Je vais participer à la première cérémonie. Rendez-vous à 10h00 au cimetière du père Lachaise. Je passe me recueillir et déposer une rose sur la tombe de mon père spirituel, Jules Vallès. J'arrive à 9h45 à la porte Gambetta. La cérémonie est organisée par le Grand Orient de France. Je ne suis pas Franc-Maçon mais j'ai souhaité participer à cet hommage qui était public et ouvert aux maçons comme aux profanes. Nous nous sommes recueillis sur les différentes tombes des communards francs-maçons, celles de Blanqui, Eugène Pottier. Puis pour finir un discours Républicains et laïc devant le mur des fédérés. Il faut rappeler que le 29 avril 1871, les Francs maçon avaient défilé pour un cessez-le-feu avec Versailles. Les versaillais balancent quelques obus en signe de protestations. Les frangins rejoindront la cause Communale.
Une fois la cérémonie terminée, direction place de la République. Habillé sobrement et avec une écharpe rouge autour de ma taille. Arrivé sur place vers les 12h30, un village militant est installé. Des syndicats (CNT), des associations tel que les amies de la Commune, la librairie Libertalia ainsi que des partis politiques PCF, NPA et FI ont leur stand. Pas moins de 89 organisations ont appelé à ce grand rassemblement. Sur place des concerts sont organisés : Les Ogres de Barback ainsi que Francesca Solleville ont poussé des chansonnettes communardes et révolutionnaires. Le cortège s'élance aux environs de 14h00. La montée se fait lentement. Les vitrines des banques qui se situent sur le chemin sont arborés soit d'un « Vive la Commune » pour LCL et « une banque n'est pas populaire » pour la Banque Populaire. Aucune casse durant le trajet. Sinon vous auriez entendu parlé sur BFM. Mais ce qui m'a étonné le plus c'est que je n'ai vu que 4 condés durant tout le trajet. Lorsqu'ils ne sont pas là, tout se passe bien. Je suis à la porte du cimetière à 16h15. Alors qu'à l'accoutumé, il ne faut qu'une quarantaine de minutes à pied. C'est pour vous dire comme quoi le cortège est long. Il y aurait eu entre 10 000 et 15 000 personnes pour cette commémoration. Mais je l'ignorais à ce moment-là. J'arrive à me faufiler entre tout ce beau monde pour déposer une rose au pied du mur où repose à tout jamais 147 communards et de tant d'autres inconnus fusillés par Versailles et mis dans une fosse commune telle des chiens. Auprès d'eux, repose des figures de la Commune comme Gustave Lefrançais, Paul Lafargue, auteur de l'essai le droit à la paresse et gendre de Karl Marx, ainsi que Jean Baptiste Clément auteur de nombreuses chansons chanté durant toute cette journée. Je pensais que cette cérémonie aurait été lourde et pesante. Mais loin de là. Dos au mur, des musiciens jouent, chantent Le temps des cerises, la semaine sanglante accompagnés par les manifestants qui connaissent les paroles. Les autres écoutent. Quand viennent les premières notes de l'Internationale. Tous les poings se lèvent. Tout le monde chante «Debout les damnés de la Terre, debout les forçats de la faim ». Tout le monde connaît ces couplets. Le refrain est chanté comme un seul Homme.
« C'est la lutte finale ;
Groupons nous et demain
L'Internationale
Sera le genre humain. »
Les larmes me viennent aux yeux. Ce n'est pas des larmes de tristesse, non ce sont des larmes de joie.
Quelle belle journée!
J'aurais tant aimé terminer cet article sur cette note enthousiaste et de cohésion. Mais il a fallu qu'il y ait des trouble-fêtes. Vous allez vous dire: «Encore ces satanés casseurs, ces gens vêtus de noirs, ces blacks blocks. » Je vous arrête immédiatement, ces gens étaient vêtus de blancs. Je vous raconte ce que j'ai vu. En redescendant l'avenue de la Roquette pour rejoindre ma chambre d’hôtel situé à 10 minutes du cimetière. J'aperçois à l'entrée du parc de la Roquette (Ancienne prison) six camionnettes de gendarmeries ainsi qu'une dizaine de motos de la BRAV (Brigades de répression des actions violentes motorisées) de la police nationale. Intrigué, je m'approche et je vois des croix, des mitres et environ 200 personnes. Il y a un service d'ordre dont les agents portent une croix de Malte. Je sus plus tard qu'il s'agissait de « l'Ordre de la croix de Malte », une association catholique. Quelques badauds s'interrogent. Un cureton prend la parole et chante un truc en latin. Serait- ce une prière de rue? Si cela avait été une autre religion. On en aurait entendu parler dans tous les médias. Les extrémistes de la droite ou proche d'elle se seraient indignés. Mais là, pas un mot! Il y a donc bien un poids deux mesures. Pour moi, aucune religion ne doit prier dans la rue. Je m'approche vers l'un de ces fidèles et je lui demande pour quelle raison il manifeste. Il me dit que leur procession a été organisée par le diocèse de Paris, pour rendre hommage aux 11 prêtres fusillés par les communards. Le type était très loin d'être méchant il était tout à fait correct et je l'étais également. Mais je lui ai demandé ce qu'il pensait des 30 000 assassinés. Au même moment, une fidèle lui demande de la rejoindre. Il n'a pas pu ou voulu me répondre. Bon je vais être honnête avec vous.Votre humble reporter ne s'est tout de même pas gêné de scander un « A bas la calotte, vive la Sociale », slogan de la libre pensée et en passant un « Vive la Commune ». Tout en les huant. Bon nombre de manifestants installés aux terrasses le feront également. Mais je vous assure que j'en suis resté qu'à des paroles. Une fois rentré, je vis sur twitter une vidéo montrant quelques personnes balancer quelques verres. C'est idiot. Mais je n'ai pas prêté trop d'attention.
Lundi, retour à la dure réalité. Retourner au turbin, réintégrer la machine, revenir à l'aliénation. Lorsque l'un de mes collègues savait où j'étais durant le weekend me dit qu'il avait entendu que des agressions avaient été perpétrées par des antifas sur des religieux. Le sang n'a fait qu'un tour et je lui montre une brève vidéo que j'avais prise entendant le prêtre chantant. Il accorde qu'il n'avait pas entendu parlé de ça. J'ai un profond ras le bol des médias qui parle d'un non événement et d'en faire un pataquès. Ce qui m'indigne le plus ce n'est pas tant de parler de cette pseudo «attaque» mais que les médias n'ont pas parlé de la grande manif commémorative de la Commune. Qui a permis de rassembler environ 15 000 manifestants. C'est ça, qui m'insupporte. Le but de ne pas parler de la Commune dans les médias de masse ou à l’école, c'est de ne pas donner des idées de se révolter aux citoyens. Car la Commune est venue du Peuple et était resté profondément populaire sans être récupérée par les aristos comme ce fut le cas en 1789, 1830 et en 1848. Parce que les bourgeois avaient choisi leur camp. Celui de Versailles.
Je ne sais pas comment terminer cette série. Devoir dire fin. Comme ça ! Non je ne pense pas que cela soit fini. Cette chronique, si elle est bien finie. Mais la Commune est loin d'être terminée. Car comme le dit la chanson « Tout ça n'empêche pas, Nicolas, que la Commune n'est pas morte! »
À propos de l'auteur(e) :
Baron Vingtras
Bourguignon échoué en Franche-Comté, enivré par le militantisme de Gauche avec un gros G et passionné par l'Histoire.
Rentier
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