Politique

M. Giniès : « Il faudra qu’on intéresse les gens à la politique »

Publié le 14/11/2021 à 18:28 | Écrit par Alexandre Job | Temps de lecture : 10m30s

LC : Bonjour Michel Giniès, merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Comment allez-vous dans cette période sanitaire compliquée ?

MG : Je vais aussi bien que possible, sachant que ce qui est extrêmement pénible c’est le manque de communication, de contact, de convivialité. Je vis surtout bien quand j’ai du relationnel. Avec le masque, ça reste très frustrant. Un dialogue suppose aussi l’expression du corps, des mains, l’expression du visage. Je plains les enfants qui ont cette vision des masques sans voir les personnes en tant que tel. Pour moi, c’est très dur à supporter, j’aime le contact avec les gens.

 

LC : En quoi la crise sanitaire a changé votre quotidien de maire, vos activités d’élu ?

MG : Il a fallu limiter les contacts avec les adjoints, c’était compliqué. Par exemple, nous faisions des bureaux municipaux, des conseils municipaux, en visioconférence : ça va bien une fois de temps en temps mais ce n’est pas supportable non plus. On a un peu l’impression que c’est des monologues juxtaposés, il n’y a pas cet échange. On est loin les uns des autres lorsque nous pouvons faire des réunions dans la salle des fêtes. L’échange est artificiel.

 

LC : Ce mandat de maire sera votre dernier, vous l’avez annoncé lors des dernières élections municipales. Est-ce que vous resterez maire de Damparis jusqu’au bout, ou pensez-vous passer le relais à quelqu’un d’autre ?

MG : Franchement, je ne sais pas. Pour l’instant, je suis partant pour faire la mandature complète. Je m’aperçois aussi que je ne suis plus tout jeune, ce qui me rassure c’est qu’il y a une équipe que j’ai pu constituer qui est jeune, avec des gens qui sont investis, dévoués, engagés. J’ai au moins la satisfaction d’avoir une bonne équipe prête à assurer la relève, et donc s’il m’arrive, demain, quelque chose, je suis rassuré pour la continuité. Selon ma santé, il est possible que je laisse la main avant, je n’ai pas d'aprioris et je pense que les gens comprendront. L’idée, c’est de poursuivre ce qui a été fait. Je serai très malheureux si des gens incorrects remettaient en cause ce que nous avons fait depuis vingt-sept ans.

 

LC : En discutant avec plusieurs de vos adjoints, on peut sentir que la campagne de 2020 a vraiment laissé des traces.

MG : La calomnie, la diffamation, les fausses informations, ça a continué et ça continue encore d’une certaine façon. L’objectif de l’opposition n’est pas de défendre les damparisiens et damparisiennes, mais d’embêter la majorité au maximum, faire poser des questions par un huissier au maire. On m’a envoyé un huissier de justice pour répondre à trois questions…

C’est d’une bassesse ! J’ai quelques soucis, je stresse un peu plus, ça va très loin : ça commence à bien faire ! Ça met en cause ma santé d’une certaine manière, je ne vais pas laisser faire. La campagne a été extrêmement difficile. Les attaques contre moi ont laissé des traces dans ma famille qui me soutient : qu’on me remette en cause vis-à-vis de mes petites-filles par exemple, c’est dur. 

 

Le chantier de l’écoquartier va commencer, fin 2021 normalement. Est-ce toujours prévu comme ça ?

Normalement, aujourd’hui, il devrait être en chantier. C’est retardé puisque le leader de l’opposition et un élu de l’opposition ont déposé un recours contre le permis d’aménager, ça oblige notre concessionnaire à répondre à cela. Ça nous fait perdre de l’argent, les entreprises demandent à travailler sur ce projet. Il faut que ce projet démarre, c’est l’avenir de Damparis, c’est la mise en cause de nos classes, de notre activité économique, de notre budget car des recettes ne vont pas rentrer. C’est vital pour la commune, qui est en baisse démographique. Qui dit baisse démographique, dit baisse des dotations de l’état, baisse des recettes fiscales. Ça veut dire qu’à un moment donné, on aura moins de services et plus d’impôts. Les gens commencent à comprendre. Cette opposition devait être constructive, je m’aperçois qu’elle est d’abord destructrice, nuisible d’une certaine manière et qu’elle ne propose rien, sauf de critiquer ce qui est fait et de mettre des bâtons dans les roues à la majorité sans respecter le vote et la démocratie. Au passage, ils ont mal respecté cette démocratie puisque leur bulletin de vote ne correspond pas à la liste déposée en préfecture, ça c’est condamnable. C’est l’inversion de treize noms ! Ce nouvel élu, arrivé là grâce à la démission de deux personnes de la liste déposée à la préfecture, est par ailleurs proche du FN puisqu’il était scrutateur pour Marine Le Pen. 

 

De quoi se compose cet écoquartier ?

Il se compose de maisons individuelles, de logements collectifs intergénérationnels, de maisons mitoyennes. Ça reste ouvert. Il y aura des arbres fruitiers dans les rues, en bordure de rue, il y aura la récupération des eaux. Mais écoquartier c’est un peu large à dire, c’est plutôt un quartier durable. En fait, écoquartier suppose l’obtention d’un label très difficile à obtenir mais nous sommes dans cette démarche écologique. 

 

Est-ce que ce quartier ne crée pas une ville dans la ville ?

Non pas dans ce cadre là. Il y a déjà de l’urbanisation autour. Nous avons été aussi confrontés à Seveso et à ses contraintes. À Damparis, il y a de la demande, et il y avait déjà de la demande pour ce nouveau quartier parce que nous sommes une commune attractive avec un certain nombre d’atouts. Nous ne voulons pas que du logement social, mais nous souhaitons aussi développer des logements d’un standing à peine plus haut pour accueillir des gens qui sont au-dessus du plafond de revenu pour les HLM mais qui n’ont pas suffisamment d’argent pour construire ou acheter une maison. Ça manque sur le Grand Dole et ça peut amener des gens ici. C’est sur du long terme, sur vingt ans au moins. Il faut anticiper. 

 

Avez-vous reçu des subventions publiques pour ce projet ?

Nous avons été retenus par la Région pour recevoir une somme de 200 000 euros pour l’ensemble du quartier durable. Seulement, si l’on ne commence pas le chantier, la subvention tombe…

 

Toujours dans le domaine des collectivités territoriales, avez-vous eu l’occasion de rencontrer les nouveaux conseillers départementaux du canton de Dole-2 ?

Non. S’ils le demandent, je les recevrai. Il faut respecter la démocratie, nous avons joué un peu de malchance avec cette situation, avec l’abstention qui nous a plombé.

 

La situation de l’opposition de gauche au Conseil Départemental (2 élus), est-ce qu’elle vous inquiète, en tant qu’ancien conseiller général ?

Oui, la gauche est beaucoup moins présente qu’avant. Il fut un temps où nous étions huit élus, j’étais le seul communiste comme mon prédécesseur Maurice Faivre-Picon. Ensuite, Michel Ganet est arrivé. En 2008, la majorité de droite a dû mettre Jean Raquin comme président, au bénéfice de l’âge, puisque nous étions 17 de gauche et 17 de droite. Et enfin en 2011, nous étions 19 élus de gauche et 3 trois communistes puisqu’André Lamy a été élu. Cette situation nous a donné une certaine force, y compris pour défendre certaines de nos infrastructures. 

 

Quand est-ce que vos valeurs politiques se sont manifestées ?

D’abord dans ma jeunesse, mon père était adjoint au maire de 1947 à 1965 à Damparis. J’ai vécu dans cette atmosphère, dans cette période là, où le besoin de contact humain était fort. Où l’on se rassemblait. C’était aussi par les associations, celle des italiens puisque j’avais un grand-père italien, une mère italienne. Tout ce brassage m’a nourri. C’est là-dessus qu’une valeur se base. Mon père était socialiste, syndicaliste à Force Ouvrière, plus modéré. 

Je me suis donc retrouvé syndicaliste dans l’enseignement, même si je sentais qu’il me manquait une dimension politique. 

J’ai réfléchi, j’ai rencontré, ma première belle-famille connaissait bien l’ancien député communiste André Barthélémy, j’ai lu l’Humanité mais jamais on ne m’a forcé : j’ai forgé mon idée ainsi. Et à un moment donné avec un copain, on s'est dit qu’on allait adhérer à un parti, lui est allé au PS, et j’ai adhéré au PCF, en 1975 lorsque nous venions d’abandonner la dictature du prolétariat. 

Revenu à Damparis, on est venu me chercher pour les municipales, j’ai pu faire aussi les écoles du Parti, qui n’étaient pas du bourrage de crâne mais plus de la philosophie.

 

Vous avez été membre du PCF jusqu'il y a quelques années, pourquoi ne pas avoir repris votre carte ?

Je crois que j’ai quitté le Parti en 2014, parce que j’étais un petit peu en bisbille, en contradiction, avec la fédération et la section de Dole. D’une part, le Parti a eu à un moment donné une réaction contre ses élus : quand on est élu d’une municipalité, on ne fait pas la révolution tous les matins, on applique les lois. 

Franchement, je n’étais pas pour le Front de gauche, j’avais envie d’être candidat affirmé communiste. Pas parce que je ne voulais pas des autres, mais parce que je suis d’abord communiste et je rassemble. Je suis pour l’union, pas pour la fusion. 

 

La candidature autonome de Fabien Roussel pour le PCF, est-ce que vous pourriez la parrainer ou la soutenir ?

Je ne suis pas en adéquation avec les démarches proposées jusqu’ici. La candidature de Roussel, je ne la sens pas. Celle de Mélenchon, je ne la sens pas non plus. J’aimerais bien une candidature communiste mais il faut voir les objectifs, car il faut aussi être innovant. Pour l’instant, je n’ai pas envie. Mais encore une fois, je ne sais pas encore. Peut-être que d’autres stratégies seront mises en place d’ici là. J’attends.

 

La campagne de dédiabolisation du FN commencée il y a plusieurs années pour aller chercher des électeurs socialistes ou communistes déçus, le score important de Marine Le Pen en 2017 (48% au second tour), est-ce que ça vous inquiète pour l’avenir du pays ?

La gauche est victime de son manque d’ambition, de valeurs, parce que lorsqu’elle a été au pouvoir elle a plutôt trahi les valeurs de gauche plutôt que de les faire avancer… C’est le cas de Mitterrand, on est resté dans la social-démocratie et on sent aujourd’hui qu’il y a un renouvellement de cette social-démocratie. Moi, la question que je me pose, est-ce que c’est peser pour qu’on ait une vraie politique de gauche à mettre en place ? Est-ce qu’on tire pour aller le plus à gauche possible mais est-ce qu’en même temps, si on repousse complètement ceux qui partent vers la social-démocratie au lieu de les inclure, on ne risque pas de se tromper ? Ce n’est pas une certaine social-démocratie qui a le monopole de la gauche, c’est ce qu’a fait le PS en jouant les grands frères. On a vécu ça pour les campagnes. Si on les laisse fuire, ils risquent d’être aspirés par le macronisme et cet amalgame complètement informe, qui peut apparaître comme une sorte de gauche américaine. Là-dedans, l’anticapitalisme et les partis de gauche disparaissent. C’est le cas des Etats-Unis, c’est le cas de l’Angleterre. On risque de finir sur du bipartisme anglo-saxon.

Les gens assumeront les choix pour le second tour, même si d’ici là ça changera. Avec la sécurité, les médias font monter l’extrême-droite, d’ailleurs Macron a tout intérêt à faire monter Le Pen. Sauf que ça peut être dangereux... 

 

70% d’abstention aux dernières départementales sur le canton de Dole-2, comment peut-on tenter d’inverser la tendance selon vous ?

Il faudra qu’on intéresse les gens à la politique, dans le bon sens du terme. Les faire participer, les rencontrer, mais ça va être très compliqué. Faire participer les gens, ce n’est pas forcément les baratiner, c’est les inclure dans des actions, de faire les choses ensemble, d’agir ensemble, pour rassembler. Les gens se replient, croient avoir raison seuls, même si on n’a jamais raison tout seul. Il y a un sacré travail à faire. Ca peut venir par des mouvements spontanés comme les Gilets Jaunes, qui peuvent aussi être récupérés et ça peut devenir dangereux car on tombe dans du populisme. 

 

Vous avez été candidat aux législatives à deux reprises, aux sénatoriales aussi, quel souvenir gardez-vous de ces campagnes ?

Les législatives, j’en garde de très bons souvenirs, notamment celle de 1997 car j’avais fait un score plutôt correct. C’est là que Dominique Voynet a gagné face à Gilbert Barbier, je m’étais retiré pour elle dans le cadre du rassemblement de gauche. Je suis passé à la télévision car la campagne était médiatisée, on a débattu sur France 3. C’est vraiment extraordinaire pour moi. La suivante, c’était plus compliqué. Pour les sénatoriales, c’était sans beaucoup de convictions…

 

Est-ce que la gauche peut reconquérir cette circonscription ? Se réimposer dans les territoires ? 

Oui, on peut toujours ! Encore faut-il trouver les personnes puisqu’on a encore ce problème de la notabilité, on veut des candidats qui soient connus. Avec un peu de proportionnelle, ça pourrait être un peu plus facile. Comment on fait pour faire monter les choses ? Parfois, il y a un manque de communication, la droite s’en sert du coup. L’opposition de gauche au Grand Dole est assez réduite, surtout qu’on représente plus une commune qu’un parti à l’Agglomération. Je crains qu’on fasse à l’avenir des élections avec des listes pour l’agglomération, à la proportionnelle : l’opposition ferait tapisserie et n’aurait pas son mot à dire à la majorité. Actuellement, on représente vraiment la commune et non la gauche ou la droite. Avec le système que j’évoquais, les petites communes seraient aspirées. Ce n’est pas démocratique contrairement à ce qu’on pourrait imaginer. Je doute que les petites communes sortent gagnantes de cette affaire.

 

Entretien réalisé à l'été 2021

 

Crédit photo : S. DUMONT / Le Progrès




À propos de l'auteur(e) :

Alexandre Job

Lycéen, passionné d'écriture, de politique et de médias.


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