Doit-on s'investir?
Ce texte a déjà été publié dans la version papier de novembre et il reste quelques exemplaires chez Mumu, place aux Fleurs.
Je ne sais pas si vous êtes au courant mais Georges Kuzmanovic se présente aux élections présidentielles de 2022. Je ne sais pas non plus si vous avez déjà entendu parler de lui. Alors une petite bio s'impose. Il est né en Serbie, était membre du Parti de Gauche, puis de la France Insoumise. Suite à un désaccord de programme, il quitte le parti et le mouvement pour créer son propre parti, République souveraine. Bref, je ne suis pas là pour dire d’aller voter pour lui. Non, mais le slave vient de se faire lourder de chez Ubisoft. Il a réalisé un communiqué de presse le 19 octobre 2021. La direction des Ressources Humaines lui reproche… je cite : « Des blagues de mauvais goût, échangées avec une poignée de collègues ». Ces mails ne datent pas de la semaine d'avant. Non! Ils sont vieux de 5 ans. Je n'ai bien sûr pas lu les mails en question. Je ne connais pas les propos qu'il a pu tenir. Mais la question se pose. Serait-ce un hasard de calendrier qu'il reçoive une lettre de licenciement quelques jours après son annonce de candidature ? Je ne le crois pas !
Mais une autre question se pose. Peut-on s'investir dans le militantisme sans « risquer » d’être catalogué dans son milieu professionnel?
Lors de ma dernière virée en Alsace pour revoir un vieil ami, celui-ci m’a raconté une histoire qu'il lui était arrivé.
Claude est un jeune homme d'une trentaine d'années. Il habite à Strasbourg depuis 2016. Il n'est pas originaire de là-bas, mais il s'y est installé suite à une rupture. Mais aussi pour un boulot. Il a été militant de la France Insoumise en 2017, 2019. Il était également Gilet Jaune. Il était sur les ronds-points dès le 17 novembre 2018. Il y a environ 1 an, il a été remercié avec une cinquantaine de personnes dans un Plan de Sauvegarde de l'Emploi. Comme il le dit, «nous nous sommes faits sacrifiés pour sauver les quelques survivants.» Ne se voyant pas rester sans rien faire, il s’est porté volontaire pour travailler en production dans la même société.
Quelques mois passèrent, un responsable l’appela pour qu'il vienne rejoindre son équipe. Il passa un entretien et le réussit haut la main. Mais là commença le torrent de merde. Il eut quelques échos comme quoi on ne le prendrait pas à ce poste. Quelques langues se délièrent. Il s’attendait à ce que l'on lui dise « qu'il n'était pas compétent » ou bien des choses encore. Non! La raison fut… je cite : «Tu es un insoumis!». « Lorsqu'il m'a balancé ça, me dit-il, les bras m'en sont tombés et une part de fierté m’a emporté. Mais je suis vite redescendu laissant place à mon professionnalisme.». Son informateur le lui a dit, sourire en coin et poing levé « En avant, les camarades !» et a rigolé. Il m’a raconté que cet ordre venait de la plus haute sphère : La Direction.
Claude n'est pas le genre à raconter sa vie à son travail. Encore moins, si cela concerne son idéologie et son militantisme. Mais quelques types ont dû le voir. Et les infos file aussi vite qu'une traînée de poudre noire. Heureusement pour lui, son futur chef ne lui en a pas tenue rigueur. Ils l'ont jugé sur ses compétences et non sur ses opinions. A l'heure où j'écris ce texte, il a rejoint son nouveau poste.
Les opinions des personnes sont donc scrutées par la Direction. Je m'interroge si les idées de Kuzmanovic ou de Claude avaient été sur une ligne capitaliste. Auraient-ils eu droit au licenciement ou bien à des «menaces» ? Vous savez quoi ? Je ne le crois pas non plus !
La question s'est également posée dans le canard que vous avez devant les yeux. Comme vous pouvez l'imaginer, le Baron Vingtras est un pseudo. J'ai été partisan de porter un sobriquet. Pour deux raisons. La première est que le lecteur se fasse un avis sur le contenu et non sur la personne qui le rédige. Cela nous est tous arrivé que l'on porte un jugement positif ou négatif sur le rédacteur et que l'on en soit influencé. La seconde raison est d'éviter que mes écrits ne «m'entachent». Même si je suis plus de la première couvée et que le travail est loin derrière moi, je souhaite rester anonyme par timidité ou bien par pudeur. Ne pas me mettre en lumière ! Et puis quoi de mieux que de rester dans l'ombre d'un pseudo. Comme l'a si bien écrit Jean-Pierre Claris de Florian : « Il en coûte trop cher pour briller dans le monde(…) Pour vivre heureux vivons cachés. »
À propos de l'auteur(e) :
Baron Vingtras
Bourguignon échoué en Franche-Comté, enivré par le militantisme de Gauche avec un gros G et passionné par l'Histoire.
Rentier
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