Politique

Hé ! Lectrice et lecteur,

Publié le 03/03/2022 à 14:24 | Écrit par Baron Vingtras | Temps de lecture : 03m42s

C'est l'âne blanc Nul qui vous écrit. Enfin, mes braiments ont été retranscrits par mon chargé de com' le Baron Vingtras. Comme vous l'avez pu lire précédemment, le Baron vous a annoncé ma candidature aux élections. Je peux vous le dire : j'ai tout d'abord été indigné par la manière dont elle a été annoncée. Car celle-ci n'a été en rien flatteuse pour moi.

Déjà porter un nom comme le mien n'a jamais été simple. Ma vie d’équidé n'a pas été un long fleuve tranquille. J'ai été bercé entre les railleries et les sarcasmes.

Comme à chaque élection, les médias s'intéressent à la vie privée des candidats pour les rendre plus humains, plus sympathiques alors que le programme de certains peut être d'une violence bestiale et déshumanisante. Je ne vais pas dévoiler mon programme politique ce mois-ci, vous attendrez bien le mois prochain. Cela ne vous choquera pas. J'ai frappé du sabot à toutes les portes des médias. Mais beaucoup sont restées closes. Même Karine Le Marchand a refusé de m'interviewer pour son émission « Une ambition intime ». C'est pour vous dire ! Libres Commère a accepté que je puisse m'exprimer. Vous pouvez le faire également car le journal ne vit pas sur l'argent des plus riches. Mais il vit grâce à la richesse de vos idées et de vos écrits. C'est le moment de la confession.

Je suis né sur l’île d'Asinara située au nord-ouest de la Sardaigne. Mes très lointains ancêtres viennent d'Egypte. Puis, l'Homme nous a déportés sur cette île qui nous donne aujourd'hui une certaine notoriété à cause de notre albinisme. Lorsque j'étais là-bas, j'étais exploité comme bête de somme. A tracter l'hiver des vivres et l'été des touristes. Un jour, une famille m'acheta à mon exploiteur et m'envoya dans son territoire. Je perds ainsi l'esclavagisme, le labeur et le soleil pour gagner l'affranchissement, le loisir et le froid. Mais très vite je me suis aperçu que je n'avais acquis que le froid. Mes maîtres m'ont rapidement mis au turbin. Dans la cellule qui me servait d'habitat, je voyais ce qui m'attendait. La vie des quadrupèdes consistait à trotter en rond avec des enfants sur le dos accompagnés de notre dominateur commun muni d'une cravache. Je sentais que j'allais haïr ce travail. Et c'est ainsi que vint le jour que je redoutais. L'exploiteur vint me chercher, je l'accompagnai sans sourciller et il me fit entrer dans l’arène. Un gosse me monta sur le dos et je restai statique. Le rejeton capricieux me tapa dans les côtes dans le but de me faire avancer. Mauvais choix, je suis le parfait miroir de celui qui me frappe. J’élançai mes pattes arrières, je le fit voler et il finit sa course sur les fesses. Il vociféra ceci : « Cet âne est nul! ». Le bourreau me jeta de toutes ses forces plusieurs coups de fouet. Les gnards me pointèrent du doigt et ricanèrent comme des hyènes de me voir me faire battre. Et c'est ainsi que j'acquis le nom de Nul. Branle-bas de combat, les parents du morveux accoururent pour le protéger. J'imagine que l'acte du petit sadique est le reflet des parents. Face à l'acharnement de violence que je subissais, un homme vêtu d'un long manteau noir vint faire cesser les coups de mon propriétaire. Un palefrenier m'emprisonna dans mon box. Quelques temps plus tard, l'homme au manteau noir revint, puis m'emmena. Depuis, cet homme est devenu mon chargé de com'.

Vous vous demandez tous. Pourquoi un âne candidat? Dans l’imaginaire populaire, mon espèce est vue comme une bête tétue, bornée, stupide et lubrique. Alors, ne sommes-nous pas votre miroir ? Un.e candidat.e n’est-il pas à l'image de son électorat ?

Mais en réalité, l'âne est très loin d'être stupide. Nous sommes sensibles, calmes et sympathiques. Nous avons bonne mémoire et nous haïssons les despotes. Nous sommes réfléchis, ce qui nous fait passer pour têtus. Alors que nous sommes obstinés. Nous garderons donc notre ligne, nous n'allons pas changer d'avis comme de chemise. Nous ne tolérerons jamais le mépris.

Lectrices, lecteurs vient le moment où vous allez me mettre sous le museau le texte annonçant ma candidature faite par le Baron. Pour celles et ceux qui ne l'ont pas lu, voilà ce qui a été écrit. « Si ces gens sont capables de vouloir une ou un candidat sans programme, je me demande alors s'ils seront capables de soutenir (…) la candidature de Nul (…) Changeant autant de pré que de propriétaire, capable de manger à tous les râteliers. Il fera un excellent représentant à tous ces arrivistes.(...) Le bourricot qui a un aussi bon programme que ceux qui n’en ont pas.»

Alors je tiens à m'excuser auprès des personnes concernées, les propos du Baron sous-entendent que vous étiez stupides de par votre opportunisme. Le mépris est purement inacceptable. Et je ne pense pas que vous soyez idiots. Mais je pense que si vous étiez un animal, vous ne descendriez pas de l'âne mais plutôt du renard.

Nul, candidat aux élections




À propos de l'auteur(e) :

Baron Vingtras

Bourguignon échoué en Franche-Comté, enivré par le militantisme de Gauche avec un gros G et passionné par l'Histoire.


Rentier

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