Mode sombre

Comme à chaque parution de la version papier, les brèves constituent la variable d’ajustement. J’en ponds et on avise. Ce mois-ci, la récolte a été abondante de partout.

LE CON EST BON ET MÊME SUPER BON!.— Je n’avais pas encore pris le temps de me payer la tête de Gabriel Attal, une belle tête de premier de la casse, à moins que ça ne soit une tête à claques de première classe. Les occasions n’ont pas manqué pourtant mais il était passé sous nos radars tellement le porte-parole du gouvernement est insignifiant. Mais depuis quelques temps, il fait beaucoup mieux que Sibeth à qui il a succédé en tout et particulièrement en connerie. Le porte-parole du gouvernement aurait déclaré : « Vous ne pouvez pas dire que McKinsey n'a pas payé d'impôts en France car lorsque nous recevons des factures de leur part, nous les payons avec de la TVA dessus ». Bon là, c’est un fake. Dommage ! Ça avait l’air plus vrai que nature.

ICH LI POTICHE.— Le 8 mars a été l’occasion pour le toujours député Sermier de remettre une rose à toutes les femmes qu’il a croisées, histoire « de mettre en lumière la reconnaissance de tous les droits des femmes mais aussi de les remercier pour leurs actions au quotidien ». Voilà !

PROPRIÉTÉ D’USAGE.— Le terme « collaborateur » a mauvaise presse. Je l’employais l’autre soir dans un échange avec deux amis gauchistes patentés et les gredins ont pouffé de rire en m’entendant parler de collaborateurs à propos de Libres Commères. On écartera bien évidemment le triste passé vichyste du terme pour mieux s’arrêter sur l’usage abusif que le management libéral en a fait: il parle en effet de collaborateur quand il devrait dire employé ou subalterne mais dans un élan d’une monstrueuse hypocrisie, ça tient du foutage de gueule et du lissage lexicologique. Je le concède mais je ne pense pas qu’on doive pour autant laisser aux libéraux l’exclusivité du mot. Pas plus que projet, entreprise ou liberté. Je continuerai donc à parler de notre collaboration puisque nous fonctionnons à Libres Commères sur un pied d’égalité entre collègues et camarades.

AU CADA, C’EST PAS LA JOIE.— A l’assemblée générale de l’Accueil Citoyen des Réfugiés, la séance s’est ouverte avec la diffusion de « Mon enfance au CADA », un documentaire disponible sur Youtube qui montre comment idéalement les choses pourraient se passer dans un Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile. Il n’y avait personne pour se plaindre, tout se passait au mieux. A croire qu’on avait renvoyé à l’aéroport tous ceux qui auraient pu émettre un bémol. J’ai demandé autour de moi et on m’a dit que non, c’était comme ça souvent et que le CADA avait pour mission d’accompagner les demandeurs d’asile jusqu’au bout de leurs démarches administratives quelle qu’en soit l’issue. A Dole, le CADA-Saint-Jean a la même mission mais l’ambiance n’est pas tout à fait la même. Il semble que l’accueil ne soit pas top top top. Tout le monde ne se plaint pas mais il faut bien reconnaitre que tout le monde n’a pas l’air logé à la même enseigne. Il doit y avoir des jours avec et des jours sans, des têtes qui reviennent et d’autres qu’on a bien envie de voir quitter le département. Une institutrice présente à l’AG a raconté comment une maman était venue lui demander un certificat de radiation pour retirer sa fille de l’école et partir vers la région parisienne en espérant trouver un peu plus de compréhension dans un autre CADA. Bien sûr, il y a la loi et les membres du CADA de Dole ne font qu’appliquer les décisions administratives. Le zèle n’est pas dans leurs fonctions. Non, non, non. Mais il s’agirait simplement d’aller jusqu’au bout des recours auprès de l’OFPRA. Sans précipiter les choses quand ce n’est pas utile à la nation et souhaitable sur un plan humain. L’ACR ne demande rien d’autre.

PRIX DE L’HYPOCRISIE.— « La diplomate américaine Madeleine Albright, première femme à avoir accédé au poste de Secrétaire d’État aux États-Unis, ardente défenseuse de la démocratie et des droits humains, nous a quittés hier, à l’âge de 84 ans. Sa vie et ses combats nous en laissent le testament : la diplomatie, qui pave la voie de la paix, ne doit jamais s’éteindre. (…) Parmi les nombreuses crises auxquelles elle fut confrontée, l’Europe se souviendra avec un profond sentiment de reconnaissance de sa détermination à défendre les populations du Kosovo et de son engagement sans faille en faveur de l’OTAN. (…) Le Président de la République salue une haute figure de la diplomatie et s’incline devant l’amour de la paix qui guida son existence, adressant à ses collègues et ses compatriotes, à ses proches et à sa famille, ses plus sincères condoléances. » Ça vient tout droit de l’Élysée et autant vous dire que Libres Commères ne s’y associe pas. Que la famille de Madeleine Albright repose en paix à partir d’aujourd’hui.

UN POINT SUR LE RSA.— En France, le RSA coûte 12 milliard d’euros à la collectivité soit 0,5% du PIB (environ 2470 milliards d’euros) pour faire vivre 4 millions de personnes alors que l'évasion fiscale coûte 100 milliards (chiffres de Christophe Ramaux, économiste), soit 4,4% du PIB pour une poignée de malfaiteurs blindés et fraudeurs que la bourgeoisie vénère comme des premiers de cordée et des symboles de la réussite. Mais le pouvoir bourgeois est passé maitre dans l’art d’exciter la vindicte populaire en direction des plus fauchés comme si c’était pas assez d’être pauvre et qu’en plus, il fallait se taper la honte qui va avec. Sans compter que le mythe de la cigale au RSA est tenace: ce n’est pas parce qu’on en chie trop souvent au boulot que le RSA est un pont en or pour parasites. D’abord 16% des bénéficiaires du RSA bossent et touchent le RSA activité. Dans 40% des cas, le bénéficiaire doit rechercher un emploi, ce qui constitue une activité qui doit au moins couvrir les 15 à 20 heures de boulot de merde que Pécresse et Macron voudraient les voir effectuer. Ensuite, des personnes atteintes de pathologies non reconnues par la MDPH demande le RSA pour subvenir à leurs besoins, soit 21% des bénéficiaires. Enfin 23% d’entre eux bénéficient d'un accompagnement renforcé car ils vivent dans une zone sinistrée économiquement. Heureux bénéficiaires du RSA ! Il y a bien des parasites en France et un jour ou l’autre, on ira les chercher à Bercy et à la Bourse.

HONTE AUX VENDEURS DE MORT.— Le père Lulu Converset, un de nos fidèles lecteurs, a fait quelques sorties foudroyantes à l’issue du Cercle de Silence du 2 avril dernier. D’une part, il a rappelé qu’il convient de bien faire attention à préciser que la jeune femme qui, dans pas mal de bouches doloises, « va remplacer » Jean-Marie Sermier n’est pour l’instant que sa remplaçante à la candidature. On s’est donc déjà pour qui le père Lulu n’appellera pas à voter. Ensuite, il a dénoncé un danger sournois: « En appelant à la solidarité avec l’Ukraine, il faut qu’on fasse très attention. Notre solidarité, des fois immédiate et première, nous pousse à penser qu’il faut qu’ils aient des armes pour se défendre. Or on est en train de faire le lit des marchands et fabricants d’armes. C’est incroyable mais la France risque de devenir le deuxième pourvoyeur d’armes au monde, derrière les États-Unis, puisque la Russie va perdre sa place. C’est dramatique et il faut qu’on réfléchisse beaucoup là-dessus. »

Y A-T-IL UN MÉDECIN DANS LASSALLE?.— Pour justifier un bon jeu de mots, on invente d’habitude une histoire drôle. Après avoir trouvé le titre de cette brève, je suis donc allé voir le programme santé du candidat Jean Lassalle, en espérant trouver une perle. Bon, en fait, y a rien à redire ou presque. Remboursement 100% sécu. Bravo! C’est même une idée LFi de 2017. Voici une autre proposition pas inintéressante du tout « Revoir les critères de sélection au concours pour les rendre plus adaptés au métier de soignant. Financer les études pour ceux qui s’engagent pour une durée de 6 ans dans les territoires déficitaires. » On supprime donc les concours QCM en première année. Soit. Et on incite des jeunes motivés mais pas forcément issus du sérail à devenir toubib en leur finançant leurs études de médecine. Pas mal. C’est pas Cuba mais c’est déjà mieux que le système actuel. Je ne m’attarde pas parce que Lassalle ne s’étale pas non plus sur son site. Mais il y a un bouquin à 10 balles à vendre où il explique tout. Bon, je vais tout de même pas aller jusque-là mais il faut reconnaitre que le gars Lassalle a plus d’humanité en lui que tous les directeurs d’ARS réunis. 

L’HÔPITAL EST MALADE DE SES PONTES.— On était environ 130 devant la sous-préfecture pour accompagner la délégation qui est allée rencontrer le sous-préfet Borgeot qui a promis de transmettre. Non, je ne me moque pas! Mais ce qu’il y a à retenir en dehors du falbala des apparences, c’est l’exemple de l’hôpital de Valenciennes que Philippe Zante de la CGT a porté à notre connaissance: les médecins y ont agi pour obtenir une certaine souveraineté. Je n’ai chopé qu’un bout d’article mais je cite le journal « L’Opinion »: «Rarement, un établissement de santé public aura suscité autant d’engouement. Mais le centre hospitalier de Valenciennes n’est pas un hôpital comme les autres. C’est le seul dont le directeur s’est volontairement sabordé, en donnant 90 % de son pouvoir à 12 médecins à la tête d’autant de méga-pôles de soins (avec un pôle logistique et un pôle administratif), chacun chapeautant plusieurs dizaines de services. Unique en France, cette logique de délégation de la responsabilité à des personnes dont la gestion n’est pas le métier – qui plus est à des docteurs sur-diplômés allergiques à l’autorité et à la paperasse – détonne dans le monde hospitalier. » Je n’ai pas de détails mais ça montre que quand les toubibs se bougent, les directeurs d’hôpitaux aux ordres, l’ARS et toute la bureaucratie schumpeterienne font profil bas. Alors, alors… Reste à établir des contre-pouvoirs pour ne pas que ces mandarins vertueux dérapent sans glissières de sécurité. Si on couple ça avec les mesures de Lassalle, on pourrait finir par former une nouvelle génération de médecins moins hypocrites que la caste qui se tait et se contente d’assister au massacre en engrangeant du blé.

LES GLYPHOSÉS FONT DU SKI.— Le « pour encore quelques semaines » député Sermier postait le 11 mars : « Démonstration de l’écologie punitive et sectaire cet après-midi au Conseil Régional. Le groupe des verts décide de ne pas voter l’aide à la neige de culture sur les stations de ski Jurassiennes ! » On fait plus diplomate comme argument. Heureusement une jeune fille dont nous apprécions à Libres Commères l’engagement pour la planète a répondu avec un tact certain à ce tacle mesquin: « Faudrait-il rappeler que les conditions climatiques ne permettront pas de maintenir un manteau neigeux suffisant dans les prochaines années? Alors à quoi bon investir et donc aider ce genre d'actions? La station de Métabief a par exemple fait le choix de stopper les investissements pour le ski et prépare sa transition. Finalement ce qui risque d’être punitif, c’est avant tout l’inaction ou continuer dans le mur. Nous savons qu’il y a des limites physiques à ne pas dépasser pour éviter des catastrophes écologiques, pourquoi imposer des limites serait « une punition » ou « sectaire »? Interdire ou réduire certaines activités prendrait pourtant tout son sens, malgré ce qu’en pensent les rassuristes et les acteurs du statu quo. Mieux vaudrait aider les stations à se reconvertir et à engager leur transition, non ? » On n’aurait pas mieux dit.

ABROGATION, PAS SUSPENSION.— N’oublions pas les soignants suspendus! Véran n’a fait que suspendre le pass vaccinal alors que beaucoup de pays l’ont carrément abrogé. Du coup, les réfractaires au vaccin qui n’en est pas un restent toujours sur le carreau. On les oublie doucement, comme on oublie les lanceurs d’alerte, comme on oubliera de tirer la chasse avant la fin du monde. 

PAS LE BEURE MAIS LA BARATTE.—Tous nos candidats à l’investiture suprême propose des augmentations de salaires et des revalorisations et patati et patatoche. Sauf Macron qui nous annonce que tout le monde va bosser plus et plus longtemps et plus mal. On ne peut pas en vouloir aux prétendants. Ce serait un suicide politique que d’annoncer que les salaires vont stagner. Mais si la perspective d’une augmentation de salaire est une incitation puissante à voter pour tel ou telle, elle n’en reste pas moins le prolongement d’un système de merde. Être payé plus pour faire la même chose, c’est mieux que d’être payé moins pour faire pire mais je pense qu’il est tout de même carrément temps de proposer des perspectives salariales autres. La valeur marchande de la force de travail n’est certes pas à négliger mais l’utilité du travail et sa charge éthique ne sont pas encore suffisamment prises en compte dans les perspectives électorales. On reste dans une logique de profit personnel pas très excitante comme d’ailleurs la plupart des solutions proposées à droite et à gauche. Sans compter que ce sont des promesses politiques portées par des gens qui n’ont pas vraiment l’intention d’arracher le pouvoir à la bourgeoisie. Sans moi. 

NOUVEAUX CONTRIBUTEURS.— Libres Commères a, le mois dernier, recruté de nouveaux contributeurs. On comprend bien que ce n’est pas toujours facile de passer le pas de la porte de la rédaction mais elle est justement là pour donner un coup de pouce à ceux qui ne se sentent pas trop d’attaque. Tout nous intéresse pour peu que ça ne ressemble pas à ce qui se lit d’habitude dans les autres journaux du coin ou sur les prospectus des partis qui nuisent au renouveau de la pensée. A vos plumes, on a le goudron! 


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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