Mode sombre

Faut qu’on revoie les bases. Nous ne sommes pas en démocratie. Simple. Basique.

— Quoi ?! On serait alors en dictature ? Pourtant ici on peut dire ce qu’on veut sans finir en prison ou mort.

Hmm… Voire. Mais foin des débats sur la criminalisation de la contestation et les violences policières.

Déjà, il ne faut pas confondre état de droit1 et démocratie. Ensuite, il y a toute une gamme d’autoritarismes et de brutalités politiques : ce n’est pas soit la démocratie soit la fureur aveugle de la reine de cœur2.

Mais si les mots ont un sens – et il faut qu’ils en aient un sous peine de ne plus pouvoir penser – la démocratie, c’est le pouvoir au peuple3. Or, factuellement, le peuple n’a pas le pouvoir.

— Mais si, indirectement, en élisant des représentants.

Sauf que ceux-ci ne sont pas tenus de respecter la volonté du démos4 – certains ne se sentent même pas tenus de respecter la loi5. Et quand bien même le voudraient-ils que bien souvent ils ne le pourraient pas6.

— Bon alors disons qu’on est en « démocrature »…7

Voilà typiquement le genre de concept-poubelle8 que le PPA9 est prêt à dégainer pour pouvoir rester dans le confort du déni : n’importe quoi plutôt que de risquer de (laisser) penser correctement.

— Mais alors on est en quoi ?!

En oligarchie10 car quelques dominants ont tout le pouvoir. Plus précisément en ploutocratie11 car ces quelques-uns sont les plus riches. Et pour être tout à fait précis, nous sommes en régime capitaliste. Qui pourrait être défini comme le management du cheptel12 par le capital pour le capital13. Ou en plus résumé : qui possède commande.

Dur à admettre ? Interrogez les faits du quotidien14 avec cette simple question : démocratie ou capitalisme ?

Simple. Basique. Nous ne sommes pas en démocratie. Alors ? Conquérons-la, construisons-la.

Un radis noir

 

1 L’état de droit est un ensemble de principes censés protéger les individus contre l’arbitraire du pouvoir : respect des libertés fondamentales, égalité de tous devant le droit, respect de la hiérarchie des normes, indépendance de la justice, non-rétroactivité des lois… On peut légitimement s’interroger sur son évolution en France ces dernières années, à l’instar de plusieurs organisations internationales (Amnesty International, Organisation des nations unies (ONU), Union européenne (UE)…).

2 La reine de cœur est un personnage tyrannique de l’œuvre de Lewis Caroll Les Aventures d’Alice au pays des merveilles popularisée par le dessin animé de Walt Disney et qui hurle à la moindre contrariété : « Qu’on lui coupe la tête ! ».

3 Du grec : δῆμος, dêmos, peuple, et κρατέω, kratéô, commander.

4 C’est tout l’enjeu de l’instauration du référendum d’initiative citoyenne (RIC) : permettre au peuple de reprendre les commandes en pouvant révoquer leurs élus, en (dé)faisant certaines lois, voire en modifiant la Constitution.

5 Dire le niveau inquiétant de corruption (au sens large, au-delà de la stricte qualification pénale) de notre pays n’est ni démagogique et ni dépolitisant, au contraire : ce véritable fléau démocratique et social doit être combattu fermement pour rallier les dégoûtés de la politique et autres « fâchés pas fachos ».

6 Emmanuel Todd, notamment, affirme que la « démocratie représentative » n’existe déjà plus, car le pouvoir des élus est extrêmement restreint par nombre de dispositifs institutionnels supra-nationaux : Union européenne, Banque centrale européenne (BCE) indépendante, Organisation mondiale du commerce (OMC), traités de libre-échange, etc.

7 Régulièrement ressorti en période de doute quant à la réalité de la démocratie en France, « démocrature » est une imbécilité étymologique qui prend garde à bien conserver la valeur sémantique ici trompeuse de démocratie tout en concédant le suffixe insignifiant de dictature ; on aurait aussi bien pu dire « démocratance » ou « démocratude », mais surtout pas « dictatie ».

8 Concept-poubelle : pseudo-concept creux dans lequel on peut mettre n’importe quel détritus idéologique pour tenter d’impressionner le chaland en se faisant passer pour un intellectuel (sur un plateau télé, typiquement).

9 PPA : Parti de la presse et de l’argent, concept sardonique désignant la bourgeoisie et ses relais médiatiques.

10 Du grec : ὀλίγος, oligos, peu nombreux, et ἄρχω, arkhô, être le premier, commander.

11 Du grec : πλοῦτος, ploûtos, richesse, et κρατέω, kratéô, commander.

12 Capital et cheptel ont la même racine latine capita, les têtes, sous-entendu de bétail, longtemps mesure de la richesse d’un individu ou d’une collectivité ; l’idée selon laquelle la bourgeoisie nous considère comme du bétail sera développée dans un futur article.

13 En référence à cette définition attribuée à Abraham Lincoln : « La démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »

14 Quelques exemples : la subordination salariale, la délocalisation de l’industrie, l’abandon de la souveraineté monétaire, la concentration des médias, le déséquilibre dans la représentation des classes sociales au niveau politico-médiatique, la porosité entre l’appareil d'État et les milieux d’affaire, le laxisme face à la fraude des riches, l’injection massive de fonds publics sans contrepartie dans les grosses entreprises, le démantèlement de notre modèle social et de nos services publics…


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