Mode sombre

On la surnomme JJ (prononcez Gigi) parce que Jeanine Justin… Voilà. C’est une figure populaire du centre-ville. Elle reste fidèle à LO (Lutte Ouvrière), sa famille politique. Comment en est-elle arrivée là? Micro, Miradole!

 

LE MIRADOLE.- Quand est-ce que tu as adhéré à Lutte Ouvrière?

JJ.- Attends… c’est en… 92.

LE MIRADOLE.- Tu étais donc déjà dans le Jura… depuis 1985, tu m’as dit.

JJ.- Bon, ce que je peux te raconter avant, c’est comment je suis arrivée dans le militantisme. Je suis du Pas-de-Calais, je suis de la DASS et j’ai été placée dans une famille nourricière. C’était des militants à 100%. Mon père était militant à la CFTC (NDLR: Confédération française des travailleurs chrétiens). Alors, c’est vieux, ça relève d’un bon bout de temps. Y avait tous les copains qui venaient à la maison. Je me rappelle des pancartes rondes, ça me faisait l’effet des machins de château. On installait ça et moi, j’avais plus le droit de bouger. C’était la réunion à la maison. Parmi les copains, y en avait un qui avait été ministre et qui s’appelait Jules Catoire.

LE MIRADOLE.- (NDLR: syndicaliste résistant  https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Catoire)

JJ.- Il était maire de Sainte-Catherine-lès-Arras mais il a été au gouvernement, ce gars-là.

LE MIRADOLE.- Dans quelles années?

JJ.- Oh, c’est vieux, moi, j’étais toute gamine… Dans les années 50.

LE MIRADOLE.- Après guerre alors?

JJ.- Il venait aux réunions. Et puis, il y avait des élections. Mon père faisait le collage d’affiches. Et Jules, c’était un grand copain à mon père. Il était aussi ami avec Roger Poudonson. Ça te dit quelque chose?

LE MIRADOLE.- ( NDLR: homme politique français https://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Poudonson)

JJ.- J’était toute petite, je suis née en 48 et là c’était dans les années 50. Y avait aussi mon beau-frère qui s’appelait Joseph Simon qui a fini responsable syndicale à la CFDT.

LE MIRADOLE.- C’était vraiment un milieu de syndicalistes.

JJ.- Oui. Et moi, j’allais à l’école et on avait la possibilité d’avoir un truc de défense des camarades de classe. Et ça s’appelait la JOC, Jeunesse ouvrière catholique. Et je suis rentrée dedans.

LE MIRADOLE.- Toi, à la JOC? (ricanement bête)

JJ.- Je suis rentrée à la JOC et puis, j’ai même été déléguée de ma classe. On avait des grands trucs, on allait à Paris. Ça me permettait de m’évader un peu, d’avoir des contacts et de voir ce qui m’intéressait le plus. Et puis, j’ai quitté l’école, je me suis marié, j’ai eu mes enfants mais j’entendais tout le temps parler politique parce que la fille de mes parents qui était assistante sociale était cheffe à la caisse des Allocations familiales d’Arras et première adjointe au maire à Saint-Pol-sur-Ternoise. On était toujours dans ce milieu de défense des ouvriers. Et je voyais tout le temps, mon père se démener. On était appelé même à 10h00 du soir. On faisait rentrer les gens chez nous et il les aidait à faire une lettre. J’ai toujours vu mon père se battre pour les autres. C’était un gars courageux. Il avait été prisonnier, il avait fait de la Résistance. Je l’ai toujours vu défendre les autres. Après j’ai vu ma frangine faire ça. Tard le soir, ma soeur recevait la personne qui n’avait pas reçu ses allocation et ma soeur lui disait qu’elle allait voir ça demain au bureau. J’ai toujours vécu ça si tu veux. Et puis un coup, ici, à Dole, j’écoutais souvent Arlette Laguillier parler. Je trouvais que ça correspondait bien avec mes idées. Elle parlait des ouvriers, elle défendait les salariés. Quelque part, je me disais: les ouvriers ont besoin d’être défendus. Et puis mon beau-frère en parlait pas mal, il l’estimait. 

LE MIRADOLE.- Entre la JOC et Lutte ouvrière, y a quand même de la marge.

JJ.- Oui, mais il l’estimait. Il disait toujours: elle a des couilles.

LE MIRADOLE.- C’est ce qu’on disait tous de Laguillier.

JJ.- Parce qu’elle a pas peur. Pas froid aux yeux. Elle s’est présentée aux élections, tout ça. J’ai continué à écouter et puis, je votais malgré tout pour elle.

LE MIRADOLE.- Tu te souviens de la première fois que tu as voté?

JJ.- Oh oui, c’était en… J’avais 21 ans.

LE MIRADOLE.- C’était quoi comme élections?

JJ.- Pfffffffff… ça date. Moi, j’ai fait 68. J’avais 20 ans en 68.

LE MIRADOLE.- Et donc 21 ans en 69 où il y a peut-être bien eu des élections…

JJ.- Peut-être, en tous cas, quand elle s’est présentée (NDLR: 1974), j’ai voté Laguillier. Mes parents ont essayé de savoir. J’ai dit: non, c’est secret professionnel. Ils ont pas insisté. Après, j’ai eu des petits problèmes dans ma vie. Il a fallu que je me batte et puis, j’avais toujours ce combat pour les enfants. Je me disais: c’est pas normal qu’on laisse des enfants dans des familles où on est incapable de les élever, où on les aime pas, puisque c’était mon cas. Puis, un beau jour, c’est venu comme ça, c’était ici. On est arrivé à Dole en 1985. Mais je ne me suis pas engagé immédiatement. Arlette était venu faire un meeting. Il y avait déjà Dominique (NDLR: Dominique Revoy). J’étais venue au meeting et ça m’avait bien plu. J’avais laissé mon nom, mon adresse et mon numéro de téléphone. Et je leur avais dit de me contacter. Et puis un jour, Dominique est venue à la maison, on a discuté. Elle m’a dit: on va faire des réunions. Tu viens? J’ai dit oui et petit à petit, j’ai commencé à faire des trucs. Aux premières élections que j’ai faites à partir de ce moment-là, on m’a demandé si je voulais me mettre sur la liste. J’ai dit: oui, moi, je veux bien. Dominique m’a dit: je te préviens, c’est du boulot, parce qu’il va falloir que tu partes des journées entières avec une copine voir des gens.

LE MIRADOLE.- C’était des Législatives?

JJ.- Oui, je crois. Je lui ai dit: oui, je suis prête. Et puis, je suis partie là-dedans. On a été à Lons, on a fait des tas de trucs. Avec Jacques Maréchal, un coup, on a bien rigolé. On part et on m’avait dit qu’il fallait que je fasse un discours. Un tout petit, tu vois. Alors, j’étais en train de m’entrainer. Y avait personne dans la salle. Y avait moi et puis ma copine. Je commence et je dis: je voudrais vous remercier d’être venus si nombreux. Et d’un seul coup, j’entends qu’on applaudit. C’était Jacques qui arrivait. Je le regarde. On était qu’à trois. Ça a été le fou rire. On a rigolé avec ça et il s’en souvient encore. On a eu du monde sans avoir trop de monde. On a discuté. Ils posaient des questions et on répondait. Et puis, j’ai fait d’autres élections législatives. J’étais présente sur Lons-le-Saunier. On allait collé les affiches et c’est comme ça que je suis rentrée dans le mouvement. Plus ça a été, plus mes convictions étaient là. Je me bats pour faire changer les mentalités, au point de vue de la femme par exemple. Elles en ont bavé quand même, tu vois. Je me bats aussi pour qu’on reconnaisse qu’il y a des femmes qui sont battues et que les flics les regardent mal. Parce que c’était ça avant chez les flics. Ils demandaient: mais qu’est-ce que vous avez fait pour que votre mari vous batte? Je l’ai vécu ça. Alors je sais. C’est des choses que je veux vraiment que ça change. Y a des hommes battus aussi mais beaucoup moins que les femmes. Un homme battu, il arrive plus facilement à se défendre. Ça dépend du degré de faiblesse. 

LE MIRADOLE.- Oui, ça arrive.

JJ.- Mais, c’est pas le même combat. Et puis, les enfants qui sont martyrisés par leurs parents, ça devrait pas être. Puis, je trouve que les parents sont pas punis par rapport à ça.

LE MIRADOLE.- Ce sont des questions qui te sont personnelles?

JJ.- Oui, mais ce sont des sujets qui sont importants.

LE MIRADOLE.- Tu travaillais à ce moment-là?

JJ.- Ah oui, j’étais barman. Je travaillais dans un bar, un milieu à hommes. Et dans ce milieu-là, il faut savoir te faire respecter parce que c’est pas toujours facile. Une femme dans un monde d’hommes, tu sais comment c’est.

(NDLR: Suit une histoire très crue de harcèlement verbal et sexiste où JJ finit par remettre le fils du patron à sa place et lui met la misère devant ses copains)

LE MIRADOLE.- Avec ton patron donc, ça allait mais c’était son fils qui te traitait mal et qui maltraitait aussi ses employés et ses apprentis? Il n’a jamais eu affaire à l’inspection du travail?

JJ.- Je crois qu’il a eu des problèmes. Le collège Bastié ne voulait plus lui envoyer de gamins.

LE MIRADOLE.- Comment trouvais-tu le temps en dehors de ton boulot pour militer?

JJ.- Je finissais à une heure du matin mais je cherchais à avoir des moments de disponibilités. Souvent quand on allait en groupe à Solvay pour distribuer la feuille qu’on imprimait, on y allait entre midi et deux.

LE MIRADOLE.- Vous ne pouviez pas rentrer sur le site?

JJ.- On était à la porte. Au début qu’on a lancé la feuille avec Lutte ouvrière, c’est qu’ils nous ont envoyé les flics. Donc, les flics arrivaient et ils nous demandaient notre carte d’identité. On avait des petits jeunes qu’on voulait pas trop qu’ils soient mêlés là dedans. Alors quand on voyait les flics, on leur disait: allez faire un tour. Parce qu’un jeune qui débute, on va pas le lancer dans les pattes des flics. Alors que nous, on savait comme leur répondre et tout, quoi… Même le directeur de Solvay s’arrêtait pour la prendre la feuille. on allait aussi voir les gens à domicile. On prenait rendez-vous et ça, c’était sur mes temps de récup’. Le matin, je commençais à 7h00, puis je finissais à 3h00 pour réattaquer le soir jusqu’à 1h00 du matin. Avec en plus, la maison et tout ça à faire. J’y arrivais parce qu’à ce moment-là, j’étais toute seule.

LE MIRADOLE.- Vous étiez combien de militants sur Dole à cette époque-là?

JJ.- En fait, y en a plus maintenant. Tu sais quand on fait la fête à Dijon… eh bien cette année au repas, on était 500.

LE MIRADOLE.- Ah oui. j’étais persuadé que vous aviez été plus nombreux par le passé. (NDLR: le vote LO sous le libellé divers extrême-gauche, au 1er tour des élections législatives 2022 dans la 3ème circo du Jura: 510 voix, soit 1,43%)

JJ.- Avant on était dans les 300. Ça a beaucoup augmenté. On a gagné des villes. On va vers Saint-Claude.

LE MIRADOLE.- Quand tu dis « gagné », tu veux dire que vous vous êtes implantés dans d’autres villes.

JJ.- Maintenant, on a un petit comité sur Lons. A Dole, on est plus d’une dizaine. A Lons, quand ils ont commencé, ils étaient à deux. Maintenant, ils sont à sept ou huit.

LE MIRADOLE.- Ah oui, tout de même…

JJ.- C’est que c’est du boulot, il faut parler avec les copains, discuter. Ici, j’ai fait venir des copains, on discutait, je leur ai fait rencontrer la Dom (NDLR: Dominique Revoy) et puis ils sont rentrés dans le mouvement. C’est beaucoup de bouche à oreille. Tu en parles à un copain qui en parle à un autre.

LE MIRADOLE.- Est-ce que tu as vu des évolutions justement au sein du parti entre les années 90 et aujourd’hui? Le monde a changé et Lutte Ouvrière a dû s’adapter, j’imagine… Est-ce que par exemple, tu estimes que vous êtes toujours un parti révolutionnaire ou pas?

JJ.- Oui, parce que si tu veux, déjà, on a la niaque et puis on est toujours en train de vouloir changer les choses dans le monde ouvrier. On essaie en dénonçant certaines choses. (JJ se lève pour aller chercher une feuille de Lutte Ouvrière). Tous les quinze jours, on sort une feuille de Lutte Ouvrière.

LE MIRADOLE.- Changer des choses ou alors vraiment tout chambouler?

JJ.- On le dit bien fort comme quoi on est un parti communiste révolutionnaire. On est trotskiste. Et puis on a souvent des séances d’étude.

LE MIRADOLE.- Ah oui, parle-moi de cela. Ça m’intéresse beaucoup.

JJ.- Ça se fait sur deux jours. Ce sont des copains vraiment calés qui viennent. On a des feuilles à lire et à comprendre. Et on épluche les trucs du parti. Comment il est né. Qu’est-ce qui s’est passé avec Trotsky. Tous les évènements qu’il y a eu et on en parle. On détaille tout, le moindre truc. Ça nous permet à nous militants de comprendre et en même temps, on peut aussi après discuter avec d’autres militants qui démarrent, puis leur expliquer, leur dire comment nous, on sent ça.

LE MIRADOLE.- Comment pourrais-tu justement m’expliquer la différence entre un militant du PCF et un militant trotskiste de Lutte ouvrière?

JJ.- Si tu veux, le militant PCF, personnellement, je trouve qu’il est faux! Parce qu’il trahit beaucoup. Il se dit communiste mais il l’est pas.

LE MIRADOLE.- Mais il va te dire le contraire…

JJ.- Oui, il va te dire qu’il est communiste mais il l’est pas. On ne sait pas s’il est de droite, s’il est de gauche.

LE MIRADOLE.- Je te trouve très, très sévère. 

JJ.- Oui, mais il y en a on sait pas. Pas tous mais tu en as une grande partie, tu sais pas où ils sont parce que quand tu parles avec eux, ils ont des idées qui ressemblent à des idées de droite. Pas à des idées de gauche.

LE MIRADOLE.- Tu aurais un exemple?

JJ.- Ecoute, on a un gars à Lons-le-Saunier qui se dit communiste mais il te parle de Lénine et il te dit: « Lénine n’a rien à voir avec nous ». Il te parle aussi de celui qui a trahi Trotsky. Et d’un seul coup, il arrive à te donner des trucs et tu te dis: « Mais tu les sors d’où? ». Il te sort des chiffres. Et on se demande d’où il les sort. Et quand tu compares, tu vois qu’il te sort des chiffres du parti gaulliste. Et en plus, c’est des fausses données.

LE MIRADOLE.- Mais c’est sans doute un cas isolé…

JJ.- Oui mais c’est des petits trucs comme ça. Ou alors tu lui demandes quelque chose par rapport aux ouvriers, ce qui se passe, c’est pas normal, on te parle des patrons, alors lui, il mélange le patronat avec… comment ça s’appelle… l’Europe, il te mélange tout ça, alors ça te fait une magouille là dedans.

LE MIRADOLE.- Et tu as du mal à t’y retrouver?

JJ.- Je ne dis pas que tous les patrons, c’est des pourris. Nous, on dit que le patron, il est à la merci de l’ouvrier parce que s’il n’y avait pas l’ouvrier, le patron ne s’enrichirait pas.

LE MIRADOLE.- Là, on est d’accord. C’est la base du marxisme.

JJ.- Ben, pour lui, non. Pour lui, il faut des patrons sinon les ouvriers feraient n’importe quoi.

LE MIRADOLE.- C’est un faux-communiste, ton client.

JJ.- Y a eu une révolution et ce sont des hommes et des femmes qui ont pris le pouvoir. Et ça s’est bien passé jusqu’à temps que… ceux qu’ont le pognon… on appelle ça, les… dis-moi donc le nom…

LE MIRADOLE.- Les réactionnaires, les royalistes, la restauration, Bonaparte, Staline…

JJ.- Non, je te parle, d’une révolution, il y a très longtemps, où là, les ouvriers, ils ont pris le dessus sur tout…

LE MIRADOLE.- Ah ben, c’est la Commune!

JJ.- Voilà, la Commune. Eh ben, pour lui, c’était pas normal parce qu’il n’y avait plus de patron.

LE MIRADOLE.- En fait, il maintient une hiérarchie, l’État pyramidale, quoi… Vous à LO, vous seriez plus horizontaux alors que lui, c’est un communiste plus vertical. Et vous êtes contre ça.

JJ.- On n’est pas trop d’accord avec lui. Et puis, il parle de l’Europe, l’Europe, l’Europe…

LE MIRADOLE.- Parce qu’il est favorable à l’Europe… et vous?

JJ.- On n’y est pas si favorable que ça. Parce que ça revient à dire que ceux qui commandent l’Europe, ce sont ceux qui ont le pognon, les actionnaires, c’est tout ça. Tout le monde sait que ceux qui ont l’argent appellent l’argent.

LE MIRADOLE.- Là, je te comprends mieux.

JJ.- Lui, non.

LE MIRADOLE.- Est-ce que vous êtes toujours internationalistes en fait? Cette idée selon laquelle les frontières font que les salariés n’arrivent pas à tous se rassembler, ce qui était le grand espoir de Marx. Est-ce que vous êtes toujours dans cette option: on pourra s’en sortir mais tous ensemble?

JJ.- Déjà, comme on dit, l’union fait la force. En étant tous ensemble, on peut arriver à faire plein de choses. Et pour ça, il faut vraiment qu’on soit tous unis. Et c’est pas facile. Dans une famille, c’est déjà compliqué. 

LE MIRADOLE.- Est-ce que dans vos séances d’étude, vous imaginez à quoi va ressembler la société que vous proposez en admettant que vous gagniez?

JJ.- Ce qu’on voudrait, c’est que les ouvriers, ils aient un droit de regard sur les comptes des patrons.

LE MIRADOLE.- Et vous gardez quand même les patrons?

JJ.- Disons que si tu veux, on les garde parce qu’on est obligé mais, euh, on voudrait que les ouvriers aient le droit de regard sur tout, sur tout ce qui est financier.

LE MIRADOLE.- Mais simplement un droit de regard?

JJ.- Mais aussi de discuter avec eux. Droit de regard, droit de discuter, droit de donner ses opinions et puis que l’ouvrier fasse avancer les choses comme ça.

LE MIRADOLE.- Mais ça, c’est réformiste. Ça n’est plus révolutionnaire.

JJ.- Si quand même un peu.

LE MIRADOLE.- Mais le révolutionnaire, il se débarrasse du patron.

JJ.- Oui, ben, on y pense aussi. Mais, bon, on peut pas faire tout d’un coup.

LE MIRADOLE.- Le système que vous proposez, c’est assez proche du système allemand finalement.

JJ.- Ben, oui, oui. C’est ce qu’il faudrait, qu’on ait un droit de regard sur tout, même au point de vue du gouvernement, il faudrait qu’on ait à donner notre avis sur les dépenses qui sont faites. Parce que tu as vu, l’autre, quand elle s’est installée, elle a acheté de la vaisselle à je ne sais plus combien. Est-ce que c’était vraiment utile? Est-ce que c’est pas de l’argent jeté par les fenêtres?

LE MIRADOLE.- Bon, tu m’as un peu présenté ta vision de l’action sur un plan économique, dans l’entreprise. Au niveau du gouvernement, est-ce que vous êtes pour une nouvelle constitution? Bizarrement, Lutte Ouvrière présente une candidate à la présidence de la République mais vous ne pouvez pas être pour ce type de gouvernement, avec une espèce de roi-président.

JJ.- Ah mais, on n’est pas du tout pour ce genre de gouvernement-là.

LE MIRADOLE.- Alors vous imaginez, quoi à la place?

JJ.- Ben, on voudrait que ça soit les ouvriers qui prennent le pouvoir et puis que ce soit eux qui décident parce qu’ils sont capables de décider.

LE MIRADOLE.- Avec des représentants?

JJ.- Oui mais le représentant écouterait ce que les autres ont à dire. C’est comme dans une famille. Tu as un chef, souvent c’est le père. Tu discutes avec lui et on décide en famille de ce qu’on peut faire lorsqu’on a ça ou ça à dépenser. Le gouvernement, ça devrait être pareil.

LE MIRADOLE.- On se rapproche de l’autogestion, non?

JJ.- Oui, c’est ça. Je trouve qu’il faudrait pas mal demander l’avis au peuple. Parce que l’autre, il décide tout sans rien demander.

LE MIRADOLE.- On a vu apparaitre le RIC, non? Vous y êtes favorables?

JJ.- Disons que si on peut décider tous ensemble…

LE MIRADOLE.- Mais comment c’est possible, on est trop nombreux.

JJ.- Ben, il va falloir jouer du coude.

LE MIRADOLE.- Mais tu crois vraiment qu’un jour votre candidat aura une chance de passer aux élections?

JJ.- Ben, non, ça on le sait. Mais les gens ont la possibilité de voter pour nous pour dire: on n’est pas d’accord avec le système, on est pas d’accord avec ce qui se passe. 

LE MIRADOLE.- Mais c’est paradoxal de vous prétendre révolutionnaires et en même temps de passer par les élections. Tu sais bien que les élections ont été inventées pour qu’on se taise. On vote une fois tous les cinq ans et basta, on remet la tête dans le guidon

JJ.- Soyons sincères. On sait très bien que le vote, il est fait d’avance.

LE MIRADOLE.- Pas celui-ci spécialement. (NDLR: nous sommes quelques jours avant la Présidentielle)

JJ.- Tous les votes en général sont joués d’avance. Déjà, là, ils savent qui sera président de la République. Ils savent déjà si Macron va repasser ou pas, t’inquiète! Tout est fait pour qu’en face de lui, il ne trouve pas de gens… La seule personne qui pourrait, c’est la Le Pen et encore…

LE MIRADOLE.- Mais économiquement, elle a le même programme que tous les autres. Sinon, vous passez par les urnes pour avoir un peu de visibilité. Mais alors dis-moi: comment obtenez-vous vos 500 voix? Kuzmanovic n’a obtenu que 50 voix. Vous allez voir les élus, vous faites quoi au juste?

JJ.- On fait ça pendant plus d’un an.

LE MIRADOLE.- Vous commencez très longtemps à l’avance vu que vous n’avez pas de problème sur le choix de la candidate.

JJ.- A partir du moment où on sait qui ça va être, au moins un an avant, on commence. Les gars, ils restent pas assis dans leur fauteuil parce que nous, il n’y a personne qui nous aide. Si nous, on ne bouge pas notre cul, personne ne va le faire pour nous. Déjà la parole à la télé, on l’a pas souvent.

LE MIRADOLE.- Non, c’est vrai. Un peu plus sur Internet peut-être?

JJ.- On ne va pas beaucoup voir les journalistes. Là, ils nous reçoivent un peu plus parce qu’ils sont obligés.

LE MIRADOLE.- Poutou, on le voit un peu plus. Mais c’est quoi la différence entre Lutte Ouvrière et le NPA de Poutou? Parce que vous êtes aussi anticapitalistes.

JJ.- Ça, c’est sûr. Mais je ne pourrais pas te dire exactement. Ça doit être très technique.

LE MIRADOLE.- Mais vous êtes tous révolutionnaires, anticapitalistes, internationalistes. La logique voudrait que vous ne présentiez qu’un seul candidat. 

JJ.- C’est vrai mais bon, c’est comme ça!

LE MIRADOLE.- Mais tu m’assures que localement vous réussissez à réunir plus de sympathisants?

JJ.- Oui, ça a beaucoup augmenté au local, et même au national.

LE MIRADOLE.- Alors que tous les partis perdent des militants…?

JJ.- On a une fête à Paris où tout le monde peut venir.

LE MIRADOLE.- Comme pour la Fête de l’Humanité.

JJ.- Exactement pareil.

LE MIRADOLE.- Oui, mais il y a des sympathisants et des militants, c’est pas pareil. 

JJ.- Oui, tout le monde peut venir, ce n’est pas que des militants. On a même des gens qui viennent de l’étranger. On a aussi des militants en Afrique et partout.

LE MIRADOLE.- Ça prouverait qu’il y a encore des trotskistes de par le monde.

JJ.- Il faut voir la fête à Paris. Ça dure trois jours et c’est plein. Cette année, on a eu l’autorisation pour une journée et rien que pour une journée, on a déjà eu plus de 4000 personnes. C’est pas mal.

LE MIRADOLE.- Et c’est à la Pentecôte: c’est pourquoi, on te voit pas beaucoup à Cirque et Fanfares.

JJ.- Oh, ça me casse la tête, c’est pas que j’aime pas mais j’aimais mieux les chars. C’était beau les chars.

LE MIRADOLE.- Est-ce qu’on revenir un peu sur l’éducation politique?

JJ.- Oui, nous, on permet dans nos groupes à ceux qui le veulent d’en apprendre un peu plus sur le trotskisme, on leur permet de faire des journée d’étude très intéressantes.

LE MIRADOLE.- La théorie marxiste de la production de la valeur…

JJ.- Tout le monde ne le sait pas ça… Et ça, on le répète assez souvent. Ça me fait penser qu’un jour, on était en réunion, et d’un seul coup, ça m’est sorti comme ça, j’ai parlé de Lech Walesa. Ma copine m’a regardée: qu’est-ce que tu me dis? Je lui ai dit que c’est un homme que j’admire, il était syndicalisé, et il s’est retrouvé président de la République. C’était un gars qui s’est battu. Malheureusement, il a été trahi. Malheureusement, il a trahi aussi. C’est dommage, quoi! Mais je lui ai dit: c’était un homme que j’aimais bien parce qu’il s’est battu, euh, les ouvriers ont gagné des choses grâce à lui. 

LE MIRADOLE.- Mais c’était un réformiste, pas un révolutionnaire.

JJ.- Oui, mais tu vois, il aurait pu être révolutionnaire.

LE MIRADOLE.- Sauf que la révolution qu’il a fait, c’est vers le libéralisme.

JJ.- C’est ce que je t’ai dit, il a été un peu trahi, mais c’est vrai qu’on s’est retrouvé à en parler. Et j’ai vu que ça étonnait des copains. Y en a qui se demandaient: mais c’est qui celui-là?

LE MIRADOLE.- Ben, faut dire que c’était un anticommuniste. Même s’il était anti-soviétique, c’est un petit peu délicat. Même si j’aime bien Gorbatchev, il n’était pas spécialement de notre bord, il participe malgré tout à l’effondrement d’un système qui n’avait pas que des désavantages pour notre camp. Même si on n’est pas pro-soviétique, il y a des choses intéressantes qui se sont passées tout de même. A part notamment l’assassinat de Trotsky, c’est Staline qui le fait assassiner, non?

JJ.- Oh ben oui…

LE MIRADOLE.- Lénine fait encore partie des figures phares que vous étudiez vu que Trotsky n’aurait pas existé sans Lénine? C’est quand même, à mon avis, LE penseur du communisme soviétique.

JJ.- Oui et c’est pour ça que nos journées d’étude comme ça, c’est bien.

LE MIRADOLE.- Et vous les continuez?

JJ.- Ah oui, on garde ces journées d’études. On nous fournit des feuillets. Tu les emmènes chez toi, tu peux les relire. On nous explique bien. On nous met à disposition des petits livres. Au fait Nathalie (NDLR: Artaud) a sorti le sien…

LE MIRADOLE.- Son programme?

JJ.- Non, un livre qu’elle a écrit sur comment elle est devenue communiste, ses engagements et tout ça, quoi!

LE MIRADOLE.- Bon, je tâcherai de jeter un oeil.

 

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