Mode sombre

Ènième manif à Dole mardi 28 mars. 2500 manifestants selon la PQR qui continue à attribuer les blocages des sites stratégiques aux syndicats. Or dans ces blocages, on ne voit pas l’ombre d’une chasuble CFDT et pas beaucoup de FO. Heureusement que ceux de la CGT et de SUD sont là pour sauver la mise. Mais si des syndiqués (de la base) participent aux blocages, ils n’en sont néanmoins que des membres parmi les organisateurs. En fait, on s’autogère. Y en a qui ont plus l’habitude que d’autres et prennent des initiatives mais ça reste plutôt collégial. Hé, collègues de la PQR, vous feriez mieux de parler de collectif citoyen car les temps changent. 

Bon… mais ce n’est pas le sujet! La question est celle de l’efficacité. Même à 2500 promeneurs, le tour de ville ne sert qu’à montrer qu’on n’est pas content. C’est calme, pépère et malgré les Rosies, on s’emmerde un peu. Les manifs « sauvages » ont été plus animées alors qu’on n’était guère plus de 150  et elles ont sans aucun doute plus fait chier le bourgeois assoupi que la procession de masse. Perso, je n’étais pas à cette manif pour la bonne et simple raison que j’étais resté aux blocages des bases d’approvisionnement d’Intermarché et de Colruyt à Rochefort. C’est bien autre chose que la promenade de santé urbaine, un blocage de point stratégique. Ça pique au lever du jour vu qu’on débarque avant l’aube, on se réchauffe autour d’un feu de palette, on boit du café en grignotant une part de gâteau, on joue les benêts devant le « lieutenant » Marleau qui annonce qu’elle va verbaliser tout le monde et que c’est 135 balles si on fait obstruction à la circulation, on doit parfois éviter un semi-remorque en colère conduit par un routier qui tient absolument à servir les intérêts de son patron, on discute avec les chauffeurs qui, d’une manière générale, comprennent l’action… Pourtant en moins de huit jours de grève massive des routiers, Macron retrouverait la raison. Ils le savent, les routiers, mais ils sont encore plus dispersés et éparpillés que les groupuscules de la gauche révolutionnaire. C’est peut-être bien pour ça que le fret a été sacrifié: les chauffeurs ont beaucoup plus de mal à se mobiliser que les roulants de la SNCF. Le gouvernement ne redoute guère un mouvement général de leur part. Alors on est obligé de les bloquer nous-mêmes. Vu qu’on laisse passer les voitures, on bénéficie d’un capital sympathie qui reste élevé. Même topo à Solvay et Inovyn: ça suit pas à l’intérieur. 

Quand on fait le planton pendant six ou sept heures derrière la barricade, parfois plus pour les plus motivés, les nouveaux arrivants sont une aubaine. Primo, ils apportent de quoi alimenter les conversations. Secundo, ils constituent la relève et permettent à ceux de la première heure de retourner au taf ou de gérer des affaires perso. Et même d’aller dormir… 

Si 10% des manifestants, soit 250 personnes, étaient venus à tour de rôle, deux ou trois heures, on tiendrait encore probablement la base d’Inter et le rond-point de la Chimie. Et je ne parle pas des retraités qui s’emmerdent et qui trouveraient des partenaires de belotes ou de palet. Le bitume, c’est pas terrible pour une pétanque. Hé ben, non, on a manqué de monde! C’est toujours les mêmes qu’on retrouve. C’est un plaisir de se retrouver mais on apprécie les nouvelles têtes.

Alors faut arrêter de se plaindre en regardant le nombre de manifestants s’effilocher. Faut pas attendre de salut de l’intersyndicale qui tient encore par un miracle que l’Histoire expliquera. On n’a pas de raffinerie à Dole. On n’a que quelques points stratégiques. Quand il y a des blocages qui durent, c’est là qu’on peut se rendre utile. On vient, on apporte du café, un bout de gâteau, un peu de bonne humeur. Le nombre est notre force. Au-dessus d’un certain nombre, les schmitts ne nous délogent pas. Ils prennent des photos pour envoyer au préfet, ils notent quelques plaques d’immatriculation, ils nous demandent de partir mais ils ne font pas grand chose quand on est suffisamment nombreux. Soutenir un blocage, ce n’est pas sans risque (on peut se prendre une prune) mais c’est pas les barricades de la Commune non plus (on ne ramasse pas de pruneaux). En plus, vous y rencontrerez des gens dignes, rien à voir avec les dignitaires du régime en place. Non, des Français de la base à la fierté bien placée, qui gardent espoir dans leur pays (mais pas dans ses institutions), même s’ils n’ont pour certains carrément pas les mêmes options politiques que moi (excepté sur le RIC, l’UE, le grand capital ou l’Ukraine). Tout ça pour dire que participer aux blocages, c’est ce qu’il y a de plus efficace: ça impacte directement les bénéfices du grand capital et ça a donc une chance de débloquer la situation sociale et politique. Le grand patronat pourrait bien se lasser et téléphoner à l’Élysée pour lui demander de calmer le jeu pour de bon. pour l’instant, le gouvernement saupoudre en direction des uns et des autres pour  fissurer le mouvement.

Ensuite, si vraiment les blocages vous rebutent, y a les rassemblements nocturnes, les manifs improvisées, toutes les actions qui fatiguent les condés. Pas la peine de compter sur eux, il ne nous reste qu’à les épuiser, on est suffisamment nombreux pour ça mais peut-être pas encore assez déterminés. Alors on se donne rendez-vous à la sous-pref ce jeudi 30 mars à 19h00 et comme le bruit en court, ça pourrait se reproduire soir après soir. Il faut juste que ce ne soit pas toujours les mêmes, que ça se passe en bas de chez vous ou pas bien loin, il faut trouver tous les moyens pour mettre le zbeule et semer le dawa, sans casse et sans violence. Vous verrez: c’est amusant, ça ne vous oblige pas à vous mettre en grève (pour beaucoup d’entre nous, elle est inefficace) et vous serez utile à la cause. 

Maintenant vous pouvez aussi continuer à faire la révolution devant votre écran d’ordi. Macron et Darmanin ne demandent que ça.

Ah, une dernière chose! Faut demander plus que la simple abrogation. Ne pas compter non plus sur le Conseil constitutionnel. Ne pas non plus chercher l’affrontement avec les doryphores des FDO. Pas d’héroïsme mais de la détermination. Et chercher les moyens de mettre tout ce petit monde, d’abord hors d’état de nuire au peuple et ensuite au placard: du président en incapacité de gouverner à tous les vassaux qui lui permettent de se maintenir au pouvoir (préfets, sous-préfets, tous les sbires en uniformes bleus qui couvrent les exactions de leurs compères sadiques). #sortonslesordures


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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