Mode sombre

« Les pouvoirs économiques continuent de justifier le système mondial actuel, où priment une spéculation et une recherche du revenu financier qui tendent à ignorer tout contexte, de même que les effets sur la dignité humaine et sur l’environnement. Ainsi, il devient manifeste que la dégradation de l’environnement comme la dégradation humaine et éthique sont intimement liées. »

Ces quelques mots ne choqueront pas les habitués de nos colonnes. Ce qui pourra les surprendre en revanche, c’est d’apprendre qu’ils sont du Pape.

Jeudi 23 février, une présentation intitulée « L’écologie intégrale, un art de vivre » a été faite dans la salle du conseil municipal de Dole par des représentants de la communauté catholique. Je dis «salle du conseil municipal » car c’est là qu’il s’y tient, la présentation n’a pas été faite AU conseil municipal. Louée soit la salle Edgar Faure les 360 autres soirs par an, si cela peut aider à combler le déficit vertigineux d’Hello Dole*...

Se sont succédés à la tribune un frère franciscain venu expliquer l’encyclique du Pape « Laudato sì », un ancien permaculteur en mission pour l’Évêché et un bénévole de la paroisse ayant tous les deux à leurs échelons respectifs pour ambition de donner de la cohérence aux activités de l’Église au regard de cette circulaire papale.

Si la présentation du franciscain était un peu académique et consistait en la projection commentée d’extraits du texte, elle avait le mérite de donner à entendre et à lire (et de relire au besoin) les idées portées par le texte. Les autres intervenant enrichissaient les discussions d'exemples.

« Laudato sì », loué sois-tu, est le nom du texte papal et ses premiers mots. C’est une citation de François d’Assise, le moine qui parlait la langue des oiseaux. Après ces lignes de louanges, il était question des dégâts causés à « Sœur notre mère la Terre » par son exploitation irresponsable par l’Homme. Plus que cela, « les pauvres les plus abandonnés et maltraités, [et] notre terre opprimée et dévastée » sont mis sur un même plan. Une réactualisation des enseignements franciscains du XIIIème siècle qui consistaient en « la préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres, l’engagement pour la société et la paix intérieure ». L’urgence s’ajoute désormais à la contemplation concernant l’écologie. Lier « Fin du monde » et « Fin du mois » place ainsi le texte dans la modernité. Il est également dans la radicalité. La critique du système techno-économique passe par celle de ses dogmes et du mode de vie consumériste qu’il impose pour se maintenir. Le Vicaire du Christ y combat le dogme de la croissance économique infinie dans une monde fini et défend l’adage ‘‘moins est plus’’, qui résume « une croissance par la sobriété » libératrice. Consommer moins, de manière plus responsable, développer les monnaies locales responsables, arrêter de subventionner le transport aérien avec des fonds publics... un discours finalement bien plus timide que celui du Pape, mais pourtant déjà diabolisé régulièrement dans ce lieu qui est celui du Conseil municipal.

J’ai appris sur ce texte dans lequel je me reconnaissais sur un très grand nombre de points. L’encyclique adressée à tous, croyants et non-croyants donc, promeut quatre axes : l’harmonie avec la Nature, avec les autres, avec soi-même, et avec Dieu. Même si le rédacteur en chef de Libres Commères a interrogé ma possible entrée au séminaire suite à mon trouble qui a suivi cette soirée, « ma foi » se concentre sur les trois premier points. Et je n’ai en effet toujours pas compris l’intérêt du concept de Dieu, mais ce n’était pas le but de cet événement. J’ai toutefois pu mesurer ma proximité avec toute une partie de ces croyants, loués soient-ils, mais aussi le schisme qui existe dans la communauté catholique. Le frère franciscain avait prévenu en préambule : l’encyclique Laudato sì, qui était brandie dans la convention citoyenne pour le climat, a plus été lue et commentée par les non-croyants que par les croyants. Les « marchands du temple » continuent de rester à l’écart des préoccupations écologistes (et sociales), fussent-elles celles du Pape. Jésus les avait chassés en retournant les tables et en utilisant un fouet. Les prières ne suffiront peut-être pas.

Nicolas Gomet

 

*Voir l’article « Un panier percé à 215 000€ » 


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À propos de l'auteur(e) :

Nicolas Gomet

Scientifique polyvalent et explorateur des institutions locales.


Élu écologiste au conseil municipal de Dole

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